Allais-je revenir alors que j’étais loin, retourner sur mes pas – vers ces lieux désertés (vers ces lieux détestés ? non) car la vie
même opposée est toujours présente et s’avance cruelle et douce
La vie dévore la vie pour vivre, c’est toi qui passe, et elle passe devant toi, dépité – sans te voir, et peu lui importe puisqu’elle vivra toujours
Toi, encombré de tristesses jusqu’à l’épuisement tu t’éloignes
Ne reste plus que la surface où tu arrives. J’étais là et m’attristais du peu de cas fait par le monde à la paix de cet endroit, affairé qu’il est d’agrandir sans cesse l’espace de son emprise insatiable
Arrivé sur cette lentille d’eau – en vain, je n’avais pu trouver les bons accords
(et tous les sons ouatés par les brumes du temps, m’empêchaient d’avancer,
d’apercevoir une issue)
réglant d’une voix de fausset, la syrinx
cet unique instrument qui te reste, trouvé par hasard au creuset des siècles, service des objets perdus, méprisés – instrument parfait dont plus personne
ne reconnaît l’usage
Me faudrait-il pas bientôt de ces lieux déguerpir ?
Voguant dessus les eaux grises (et mortes) quand tout se tait, où plus aucun souffle n’existe poussant ma barque désolée
Georges Braque Barque à Varengeville (1952) |
Grand Cahier.055