Sur les traces
d'une personne improbable
d'une personne improbable
Le temps qui se dérobe aux reflets du miroir
exige le revers d’une sur-existence
exige le revers d’une sur-existence
Impossible d’amarrer la conscience au monde
L’océan de la pensée submerge au réel
L’océan de la pensée submerge au réel
C’est dommage mais La rive d’en face
Ne sera jamais La rive d’ici
Ne sera jamais La rive d’ici
Sur les branches sont enroulées les balançoires
Les commencements d’une fuite vers là-haut
sont impossibles – des volutes de fumée
Les commencements d’une fuite vers là-haut
sont impossibles – des volutes de fumée
Si je ne dis rien de ces impressions décousues
– venues je ne sais d’où, c’est qu’il n’y a rien à dire
– venues je ne sais d’où, c’est qu’il n’y a rien à dire
Les dieux se sont retirés depuis trop longtemps
Il n’existe plus aucun dieu
Susceptible de rassembler
Le sens de nos nerfs cérébraux
Susceptible de rassembler
Le sens de nos nerfs cérébraux
Nous ne lutterons pas contre l’inexorable
Mais nous nous pencherons
plein de scrupules, et minutieux d’éruditions,
sur le livre des sensations de notre vie
plein de scrupules, et minutieux d’éruditions,
sur le livre des sensations de notre vie
Ni seul et dans la chambre
silencieux ni bavardant
au milieu de la foule
Mais sur le seuil à l’écoute
et chantant à mi-voix
silencieux ni bavardant
au milieu de la foule
Mais sur le seuil à l’écoute
et chantant à mi-voix
Vassily Kandinsky Impression III (1911) |
Grand Cahier.595.Alentour de Soares.001.Premier rivage.01
« ... »
Le fil, l'immense
Le fil
Que tu veuilles démêler tes pensées comme un éche-
veau multicolore
veau multicolore
ou faire surgir à soi-même une figure nouvelle, comme ces jeux de ficelle que les enfants tissent sur leurs doigts écartés
il ne faudra pas oublier de ne jamais lâcher le brin du pouce originel
*
L'immense
L’immense est devenu trop prégnant, millionnaire démesurément – il n’est plus assez de mots pour le dire (Myrillion, Triacontillion, N-plex…
Ce que nous faisons ne vaut pas pas trois sous. Notre conscience est nulle, comptablement
Salvador Dali Un thé chez les fous Alice au Pays des Merveilles (1969) |
Grand Cahier.596.Alentour de Soares.001.Premier rivage.02
« ... »
Les dieux...
Les dieux n’ont plus part au monde, retirés en nous-mêmes, ils se taisent
Indifférente est la nature, démesurément
Ne choisissant
rien
Hasard, papillon magnifique musardant sur ton front
Dans les courbes de la plage, brûlant se devine
en ce temps-là – nacré mais depuis mort
le pli du désir de rien
(toujours se disent, des contes mauresques à l’enfant)
Il n’y a plus à choisir entre les blés et la touffeur des ronces. La distance à l’abîme se prolonge, vague rémi-
niscence qui s’étiole au milieu des cyprès
niscence qui s’étiole au milieu des cyprès
qu’ils soient encore parmi les hommes ou se soient retirés, nous dépendons étroitement de ce qu’ils sont
mais eux-mêmes en ce qu’ils sont dépendent étroite-
ment de la nécessité
ment de la nécessité
Henri-Edmond Cross Le four des Maures (1906) |
Grand Cahier.596-2.Alentour de Soares.001.Premier rivage.03
« ... »
Dieu, c'est...
« Dieu, c’est que nous existions, et que tout ne se ramène pas à cela seulement » nous dit Soares
Non, peut-être…
Dieu ne nous a pas rêvés, ne nous rêve pas, ne nous rêvera pas. Nous sommes seuls au monde, dans la lucarne : que le monde soit ou ne soit pas
Quel est donc ce rien qui le précède ?
Dieu, c’est l’étrangeté de l’existence imprédicative qui n’est pas un rêve de Dieu qui, en deçà est la matière essentielle
Les yeux tristes de la vie toute entière
Tournés vers le rien
De quelle absurdité sommes-nous si proche ? Cendres incandescentes un si court laps de temps
Dieu n’est qu’une réponse, une réponse trop courte qui ne tient pas la distance. Dieu est une réponse qui annule la question. À quoi bon une réponse alors
Dieu est un empêcheur d’être
Nécessaire, pour certains
Vassily Kandinsky Jaune rouge bleu (1925) |
Grand Cahier.597.Alentour de Soares.001.Premier rivage.04
« ... »
Être
Par un matin vague de congé sans histoires, je me préparais
à exister, officiellement désœuvré,
marchant de
long en large,
rêvant des rêves décousus,
revêtant le réel d’idéaux irréalisables –
J’avais au cœur
la honte d’avoir négligé des démarches d’importance, accompli fortuitement des ambitions impossibles, tenu de longues et substantielles conversations
inexistantes – Vu de l’extérieur,
ce moi aux songeries
sans repos ni grandeur, aux flâneries sans but ni raison d’espoir, déambulant à voix basse, usant des premières heures
de liberté à divaguer dans le cloître de son intimité
ce moi connaissant
que rien ne tient, suivant le savoir non savoir des hommes, était d’un ridicule achevé,
tête vide positionnée devant l’absurde
Henri Cueco Sans titre (2015) |
Grand Cahier.597.Alentour de Soares.001.Premier rivage.05
« ... »
Incertitude
Tardives des gouttes grosses de pluie tombaient encore par la fenêtre ouverte et l’on sentait des fraîcheurs indécises, azur s’en allant à l’assaut du ciel quand les nuages se retirent
du côté de château Saint-Georges
Le moment n’était-il pas venu de se réjouir ?
Une envie indéfinie, comme un désir inconnu, une sensation de vivre qui s’éloigne, s’absentait au jour
Penché à la fenêtre, haut perché sur la rue, regardant sans rien voir, j’étais à l’abandon étais-je ainsi que ces chiffons qui servent à nettoyer les saletés, étendus sur le rebord à sécher, oubliés là… peu à peu salissant l’appui à leur tour
Victor Hugo Paysage avec pont, Guernesey (1856) |
Grand Cahier.598.Alentour de Soares.001.Premier rivage.06
« ... »
Quatre heures...
Quatre heures. L’horloge sonne claire. Je gis dans l’entre-deux des rêves, les pensées endormies. Tout est univers nu, abstrait, réglé de colonnes de chiffres, cons-
truit de négations nocturnes
truit de négations nocturnes
Fatigué, anxieux je parviens à la connaissance physique du mystère des choses… ourlé d’une lueur qui vient de loin
Cesser, dévider, bousculer cette conscience… En finir, cesser d’être enfin, n’être plus qu’une trace, une survivance métaphorique :
L’absurde oscillation des feuilles d’une plante grimpante accrochée à l’encadrement d’une lucarne ouverte sur la nuit
Max Ernst Peinture pour les jeunes (1943) |
Grand Cahier.598.Alentour de Soares.001.Premier rivage.07
« ... »
Ombre
Dans la clarté de la nuit
le vent
soulève lentement
des choses vagues
elles
font de l’ombre,
qui ne sont pas le linge étendu
à l’étage
mais l’ombre impalpable
accordée avec les choses
le vent
soulève lentement
des choses vagues
elles
font de l’ombre,
qui ne sont pas le linge étendu
à l’étage
mais l’ombre impalpable
accordée avec les choses
Franz Marc Linge dans le vent (1902) |
Grand Cahier.602.Alentour de Soares.001.Premier rivage.09
« ... »
Nuit
au fond la nuit muette
est un tombeau
lumières effilochées flottant dans l’air
est un tombeau
lumières effilochées flottant dans l’air
l’univers entier le monde
a-t-il encor des raisons d’exister
vaste programme
truffé d’erreurs tournant pour rien du tout
ni pour personne, inutilement
vaste programme
truffé d’erreurs tournant pour rien du tout
ni pour personne, inutilement
Lynd Ward - Wild Pilgrimage Plate 21 (1932) |
Grand Cahier.603.Alentour de Soares.001.Premier rivage.08
« ... »
Entre-deux
Nous sommes tous envahis par le bruit du monde,
bousculés par les circonstances extérieures,
le grand dehors
Il suffit d’une belle journée de soleil,
une ombre pointant la campagne pour,
sensible
nous rétrécir vers le dedans
Nous ne trouvons plus alors qu’un pauvre refuge
dans la maison sans portes qui se dit nous-même
bousculés par les circonstances extérieures,
le grand dehors
Il suffit d’une belle journée de soleil,
une ombre pointant la campagne pour,
sensible
nous rétrécir vers le dedans
Nous ne trouvons plus alors qu’un pauvre refuge
dans la maison sans portes qui se dit nous-même
Collage de Helen Hill Dedans dehors nulle part (2006) |
Grand Cahier.604.Alentour de Soares.001.Premier rivage.10
« ... »
Nous
Perclus de familier
tourné vers l’inconnu
nous ne sommes
à l’intersection
de la raison rien d’autre
que la conscience d’un insecte
sur le tronc d’arbre de la vie,
un nom gravé en minuscule
dans la poussière
du nécessaire,
les yeux rivés
sur les vitres colorées d’une cellule
au-dedans de ses grilles
tourné vers l’inconnu
nous ne sommes
à l’intersection
de la raison rien d’autre
que la conscience d’un insecte
sur le tronc d’arbre de la vie,
un nom gravé en minuscule
dans la poussière
du nécessaire,
les yeux rivés
sur les vitres colorées d’une cellule
au-dedans de ses grilles
Odilon Redon Sur le fond de nos nuits (1890) |
Grand Cahier.609.Alentour de Soares.001.Premier rivage.11
« ... »
Porque eu
sou do tamanho do
que vejo
sou do tamanho do
que vejo
J’ai la dimension de mon regard, dit Caeiro
Ce que je vois c’est l’étendue de la lumière
Infiniment grande et infiniment petite
A la taille de ma rétine et dans l’esprit
Le reflet dit l’être à sa manière.
Du fond du puits des émotions jusqu’aux étoiles
si froides, éternelles, et si hautaines – Dédoublé,
le pouvoir du pli est sans limites regard
qui relie les choses disparates,
créant le mouvement
Ce que je vois c’est l’étendue de la lumière
Infiniment grande et infiniment petite
A la taille de ma rétine et dans l’esprit
Le reflet dit l’être à sa manière.
Du fond du puits des émotions jusqu’aux étoiles
si froides, éternelles, et si hautaines – Dédoublé,
le pouvoir du pli est sans limites regard
qui relie les choses disparates,
créant le mouvement
Simon Hantaï Mariale m.a.3 (1960) |
Grand Cahier.610.Alentour de Soares.001.Premier rivage.12
« ... »
Lux
Peut-on vraiment se réjouir de l’étroitesse et de la clarté des Lumières ?
Quelle impression joyeuse peut-on ressentir devant ce vaste paysage policé ?
Vie sans ombre des dieux anciens se reposant de leur mystère
– Ce moment de délire, cet excès de mesure –
Être clavecin sensible
qui se pense seul au monde
persuadé que passe en lui
l’harmonie de l’univers
qui se pense seul au monde
persuadé que passe en lui
l’harmonie de l’univers
Louis Michel van Loo Portrait de Denis Diderot (1767) |
Grand Cahier.611.Alentour de Soares.001.Premier rivage.13
« ... »