Quelques intranquillités

*


Penso às vezes que nunca sairei...



Je me dis que jamais je ne pourrai partir d’ici, je me dis que je ne partirai pas avant d’avoir fini, je partirai toujours trop tôt, je me dis que je devrais l'écrire

Mais il me faudrait l’éternité...

NÃO O PRAZER, NÃO A GLÓRIA, NÃO O PODER: A LIBERDADE, UNICAMENTE A LIBERDADE

Je n’aime pas les plaisirs répétés jusqu’à l’ennui, les fai- blesses glorieuses qui se perdent dans l’oubli. Et je déteste trop la mort pour aller amonceler les cadavres du pouvoir

La liberté seule m’agrée, la liberté loin des platitudes et des banalités de l’humain

PASSAR DOS FANTASMAS DA FÉ

Le réconfort de la foi ne vaut pas le prix de ses fantô- mes. Et que dire des abstractions de la raison qui nous gâche un si beau voyage

UM DESDÉM CHEIO DE TÉDIO POR ELES,

Si loin de nous, si loin de nous que tout cela

QUE DESCONHECEM QUE A ÚNICA REALIDADE PARA CADA UM É A SUA PRÓPRIA ALMA, E O RESTO ...

Faisons table rase, décapons le vernis des bontés, la nécrose des sidérations sociales. L’art seul nous libère.

Une phrase bien construite…

Michel Maurice
Les exils - suite 7 (2009-2010)

Grand Cahier.609.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.01 {•••}


Une bruine de soleil



OLHO, COMO NUMA EXTENSÃO AO SOL QUE ROMPE NUVENS, A MINHA VIDA PASSADA

Une bruine de soleil soudain
traversant les nuages
expose la ville indubitable la ville
où je vis au grand jour

À la surface remontent
bien des indécisions de mon passé
Une chose est certaine pourtant, celle
que l’on voit depuis le pont
qui enjambe
une eau toujours nouvelle

Cette ville où je suis et qui m’est inconnue
– Sans mémoire,
étranger ne sachant pas comment
il a pu parvenir
jusqu’ici –

Car s’ignorer soi-même c’est vivre,
s’affairer c’est le lieu du penser. La seule pensée le seul souci pour la plupart. Mais cette bruine d’un seul coup
lustrale
c’est notre motion

Notre monade la plus intime et la plus extrême, terre ouverte tout autant que fermée
Le cri remonté du fond de l’âme

SABER DE SI, DE REPENTE, COMO NESTE MOMENTO LUSTRAL, É TER SUBITAMENTE A NOÇÃO DA MÓNADA ÍNTIMA, DA PALAVRA MÁGICA DA ALMA

Grand Cahier.610.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.02 {•••}


Extérieur



O SILÊNCIO QUE SAI DO SOM DA CHUVA ESPALHA-SE,
NUM CRESCENDO DE MONOTONIA CINZENTA,
PELA RUA ESTREITA QUE FITO


Le sommeil qui naît des bruits de la pluie s’enfonce De tout le poids de sa monotonie grisâtre Dans le lit de la rue dans l’obscur

J’essaie de me tenir éveillé, debout contre la vitre

Mais cette chute effilochée d’une eau m’entraîne Vers ces fonds où n'existe plus rien où il n’est plus rien à éprouver Ni les pensées ni les joies communes Ni les fortes distinctions qu’apporte

l’en-dehors au cœur. Et que reste-t-il de l’être alors ?

face à la tristesse de la pluie extérieure Les lointains disparus aux vallées encaissées Le frais et le rose multiple des montagnes

SER QUALQUER COISA QUE NÃO SINTA O PESAR DE CHUVA EXTERNA,
NEM A MÁGOA DA VACUIDADE ÍNTIMA...
PERDER-SE ENTRE PAISAGENS COMO QUADROS
NÃO-SER A LONGE E CORES...


Grand Cahier.612.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.03 {•••}


Choses du temps



O AMBIENTE É A ALMA DAS COISAS
CADA COISA TEM UMA EXPRESSÃO PRÓPRIA, E ESSA EXPRESSÃO VEM-LHE DE FORA. CADA COISA É A INTERSECÇÃO DE TRÊS LINHAS, E ESSAS TRÊS LINHAS FORMAM ESSA COISA: UMA QUANTIDADE DE MATÉRIA, O MODO COMO INTERPRETAMOS, E O AMBIENTE EM QUE ESTÁ...


Une chose affirme ses aîtres sous le halo d’une lune rousse. Si la pente des nuages est à la pluie, que nous dit‑elle des lendemains, avec l’expérience de son âge, proprement des environs ?

Assise à la fourche trifide du chemin, ayant même part – très spirituelle bien entendu autant que matérielle mais vivant dans le milieu qui lui convient et que, familier nous connaissons

Ou que nous croyons connaître car au bout du compte, au dehors elle nous échappe

Elle dont je tairai le nom – est le morceau d’une matière qui cause en moi une impression

Cette impression se compose des idées – qu’elle est d’une matière – que j’appelle sous cet aspect d’un nom – auquel est associé des buts et des usages

Cette chose n’est pas seule. Non. En elle se reflète, avec elle ou contre elle d’autres choses qui vivent, et la transforment, et lui confèrent une âme, allant ou venant de l’extérieur

Et nous, nous ne voyons que la lumière de tout cela – dans le jour, le petit jour où nous sommes, un parmi les autres constatant le signe et la couleur qu’elle a

Ses taches et ses éraflures – fruit du fouet des herbes du temps et qui forment toutes ensembles, le nombre le plus intime de son être

Grand Cahier.616.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.04 {•••}


Enfance



UM MOMENTO ME SENTI ALTO, COMO
A CRIANÇA NUM BALOUÇO,
CADA VEZ DESSAS TIVE QUE DESCER

À ce moment de notre enfance
Qui monte au ciel des balançoires
Tout est possible,
rien n’est réel
Et si parfois la chute arrive
On se relève on recommence
Ce n’est qu’un jeu un trop de vie
Une douleur sans conséquence

Que signifie en ce moment,
Le mot « dehors »
cette jetée d’exil
Il est alors sans expérience
On le bouscule ? Il recommence
À s’envoler dans la merveille
De tout le jour, dans la lumière
D’un grand soleil chargé d’idées

De tant de vies imaginées
Il rêve encore on voit briller
Tous les possibles dans ses yeux

Grand Cahier.620.Alentour de Soares.003.Quelques intranquillités.05 {•••}


D'une conscience



L’homme saura-t-il
un jour
  décrire
la géographie de sa conscience,
historien

dépoussiérer, établir éclairer
d’un nouveau jour
des archives
de sensations
Créer pour la cuisine ou le laboratoire (entre chimie et alchimie) – d’une bouilloire
de ses mots,
d’une cornue
de ses sens

Alliage réfléchi de bronze et de glaive – le plus parfait
des instruments
d’où sortira ce miroir de nos rêves
avec la précision, la consistance et l’éclat d’une matière d’un or réel
générant son propre espace
sa propre histoire
créant une dimension nouvelle,
aux autres s’ajoutant, un monde

ensembles
aussi bien vivants, dans une réelle égalité

... EM NÓS UM ESPAÇO REAL COMO O ESPAÇO QUE HÁ ONDE AS COISAS DA MATÉRIA ESTÃO, E QUE, ALIÁS, É IRREAL COMO COISA.

NÃO SEI MESMO SE ESTE ESPAÇO INTERIOR NÃO SERÁ APENAS UMA NOVA DIMENSÃO DO OUTRO.


Grand Cahier.638.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.06 {•••}


À chaque fois



ABRO A JANELA PARA O VER. NÃO O VEJO AINDA. SAIU.
TEVE, PARA COMIGO, O DEVER VISUAL DE SÍMBOLO;
ACABOU E VIROU A ESQUINA.
SE ME DISSEREM QUE VIROU A ESQUINA ABSOLUTA,
E NUNCA ESTEVE AQUI,
ACEITAREI COM O MESMO GESTO COM QUE FECHO A JANELA AGORA.


Chaque fois
que j’ai voulu bâtir, usant du matériau de mes rêves, par habitude machinant ce beau symbole qui vise le grand autre

chaque fois
surgissait de cette immensité, un vide une béance ouverte plus avant, qui me bousculait comme une marion- nette, comme un pantin par le travers, pauvre bout de chif- fon ballotté par le vent

Je me trouvais à chaque fois
un peu plus désarmé, vacant au hasard dans les rues désertes, ne sachant plus quels étendards hisser des prochaines batailles

À chaque fois
je n’ai pu retenir pas même une fleur, une fleur sanglan- te des marais, baignée d’une eau de clair de lune

Marchant avec difficulté,
ignorant aveuglé, chaque fois m’enfonçant plus avant dans la boue et la tourmente des roseaux

Grand Cahier.621.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.07 {•••}


Le vieil homme



AGORA MESMO, QUE ESTOU INERTE NO ESCRITÓRIO,
E FORAM TODOS ALMOÇAR SALVO EU, FITO,
ATRAVÉS DA JANELA BAÇA,
O VELHO OSCILANTE


Lorsque la vie s’arrête,
que les collègues sont partis manger, inerte

en face du bureau là-bas sur le trottoir,
ne reste plus que ce vieil homme, je
l’observe par la vitre
indifférent –
attentif à l’inexistant – ne connaissant de la justice,
que l'injustice

Bientôt, son regard sans plus rêver / se détourne,
à jamais il s’écarte des hommes

Ce qu’il fut dans sa vie, quelle importance !
Parti et revenu, aucun bâti, aucun oukase qui fut dit, jamais n'a résisté au temps. Les rêves jusqu’au bout
sont épuisés

Je le vois lentement s’éloigner
disparaître
dans un angle absolu,
son devoir de symbole accompli. Se pourrait-il dès lors qu’il n’ait jamais vécu ?

Grand Cahier.622.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.08 {•••}


Cœur tors



ESTAS PÁGINAS, EM QUE REGISTO COM UMA CLAREZA QUE DURA PARA ELAS, AGORA MESMO AS RELI E ME INTERROGO.

Les pages perdues où je consigne / Ces quelques instants de mon passé / Je les lis parfois et m’interroge / Sur leur poids de sens et de possibles

À quoi ont-elles bien pu servir / A qui serviront-elles encore / Qui était celui qui écrivait

Suis-je moi-même lorsque j’écris / Disparu depuis long- temps plus loin / Absent. Où suis-je en cet instant, /
cœur
/ tors,
brûlé, épuisé de lumière / Comme le tournesol drama- tique / Homme là-haut distinguant mal les / Aîtres des vivants dans la vallée

COMO ALGUÉM QUE, DE MUITO ALTO, TENTE DISTINGUIR
AS VIDAS DO VALE ...


É NESTAS HORAS DE UM ABISMO NA ALMA
QUE O MAIS PEQUENO PORMENOR ME OPRIME / COMO UMA CARTA DE ADEUS.


Ainsi je me contemple moi-même / Paysage indistinct très confus / Brouillard dans l’âme – nu accablé

Comme une lettre d’adieu qu’on ferme / Sous l’étouf- fement des conclusions

Perpétuellement je me réveille / À l’envi de crier à tue-tête / Ressortissant d’un sommeil profond

Allant d’une sensation à l’autre / Comme le cortège des nuages / parsemant de soleils reverdis / l’herbe tâchée d’ombres des prairies

Grand Cahier.624.Alentour de Soares 043 Quelques intranquillités 09 {•••}


Destin



BASTA-NOS, SE PENSARMOS,
A INCOMPREENSIBILIDADE DO UNIVERSO;
QUERER COMPREENDÊ-LO É SER MENOS QUE HOMENS,
PORQUE SER HOMEM É SABER QUE SE NÃO COMPREENDE.


Me voici sur le toit, et je suis seul au monde
devenu étranger

Voir, c’est être éloigné lucide et arrêté –
Analysons cela

À trop voir on s’aveugle, on en perd le langage
les choses se retirent

Être homme, c’est savoir l’incompréhensible
et le sans-fond de la boite

Il y a des paquets qui sont bien ficelés,
nulle part adressés

Il y a des couteaux ou des clefs pour ouvrir

Il y a (des autres) les livres qu'on me tend
mais leurs pages sont blanches

ou remplies de poussière, et il faut les récrire

– L’émotion est dehors dans la clarté, multiple
– L’émotion est dedans unitive et profonde

Une pensée revient. S’écoule une rivière

Grand Cahier.639.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.10 {•••}


Préfère



O PERFEITO NÃO SE MANIFESTA
O SANTO CHORA, E É HUMANO

DEUS ESTÁ CALADO


Tu me dis que le parfait
Jamais / ne se manifeste

Préférer le saint qui pleure
au dieu taiseux, inhumain,
Au monstre d’indifférence

Disons que décidément
L’absolu n’existe pas

Oui, préfère au monstre d’in-
différence, inhumain, au
dieu taiseux le saint qui pleure

De longtemps je te l’accorde

Rien, je crois n’a plus de vie
Dans ces sortes d’infinis

Grand Cahier.625.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.11 {•••}


Si vivre...



Si vivre était de se tenir à la fenêtre
Éternellement immobile

Comme un panache de fumée
Si vivre était toujours

Ce même instant crépusculaire
Venu endolorir la courbe des collines

Si vivre était du moins
Ne rien commettre aucune action

Ne rien permettre
À nos lèvres blanchies du péché d’un seul mot

Si vivre était
Pouvoir tenir cet impossible

COMO UM FUMO PARADO, SEMPRE, TENDO SEMPRE
O MESMO MOMENTO DE CREPÚSCULO


Pablo Picasso
Table devant la fenêtre à Saint-Raphaël (1919)

Grand Cahier.603.Alentour de Soares.043.Quelques intranquillités.12 {•••}

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte