Le Maître des filets (网师园)

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Attardez-vous


En quelques coups de pinceau il composa de lettres son jardin, stèles aussi bien gravées, tablettes suspendues que petites montagnes qui ne peuvent se passer de terre, droites falaises, grottes de pierre ou menus rocs

En toute rigueur et ingéniosité, le maître disposa sa rocaille à l'ombre d'un ginkgo millénaire

Les quatre quartiers il les relia d'un long passage couvert. Au centre, les eaux du lac et puis les pierres
qui écoutent le luth. À l'est,
la cour et les toits aux angles relevés. Un paysage de campagne paisible au nord. Plus vaste les régions de l'ouest, la colline et son bois de pins argentés

Le maître en ces lieux entassa douze précieux monuments que les temps avaient laissés à l'abandon

« J'ai coutume de dire que façonner sa demeure ou écrire sont une seule et même chose »

Louyue kaiyun



Condensé de nature


La plupart sont vendeurs de poules et joueurs improvisés de mah-jongg accoudés à des caisses de bois

Un vent frais se lève

Où est-il le mandarin pêcheur qui goûtait son gâteau de lune sous le kiosque au milieu de l'étang et suivait le sentier sinueux d'un jardin miniature, propice à la méditation ?

Empruntant le paysage

Allant peindre ou lire à haute voix dans son pavillon d'une fin du printemps

Éclat du lac, coloris des montagnes, brumes et nuages, bambous – les bûcherons, les bergers, les vieillards ivrognes et les belles en promenade – tous retenus dans le pli d'un éventail

Éventail, feuille double en papier
Chine vers 1880



Les grenadiers...


Il n'a pas besoin d'être plus grand que deux trois mu notre jardin envahi des grenadiers
Leur nombre n'est pas superflu, j'en planterai comme il convient

Une terre sèche et rocailleuse est bonne à leur nature, ils aiment bien le soleil, les grenadiers, ils sont la richesse des jardins, aussi petits soient-ils, et l'ornement

Bâtir un kiosque à hauteur de leur front pour accueillir les immortels venus des airs

S'appuyer au balustre et contempler le rouge orangé des fleurs sessiles, en entonnoir jaillissant d'un calice

Colibri et grenades
par Jin Chen (1878 - 1926)



Yuanxiao


Fille d'honneur de Wudi, du grand maître de la lignée des Han, tu pleures l'absence de tes parents. Yuanxiao, fille recluse, depuis longtemps, les larmes coulent de tes yeux

Compte sur Dongfang Shuo, pour convaincre l'empereur d'inventer la fête des lanternes et des boulettes de riz glutineux qu'il adore

Sinon la ville sur les ordres du céleste de Jade au quinzième jour du mois lunaire sera incendiée par le Génie du Feu

Yuanxiao, tu revois tes parents au retour de l'année et tu apprécies le vin d'osmanthe

Lis-nous les devinettes. Goûte et dis-nous : de quoi sont composées les boulettes : poireau, moutarde, ciboule, ail ou gingembre ?

La fête des Lanternes,
clôture du Nouvel An chinois



Sur la lune est un cratère où pousse
un arbre d'osmanthe


Une nuit de fête d'automne (la lune inondait le paysage d'une clarté blafarde) Deming, alors moinillon du temple Lingyin, préparait son bouillon lorsqu'il entendit tomber des gouttes de pluie

Il regarda surpris par la fenêtre mais ne vit briller que les Pléiades dans la profondeur infinie du ciel

Il ouvrit la porte, sortit et levant la tête il s'aperçut que voltigeaient dans l'air puis tombaient sur le sommet de la montagne auprès de l'ermitage une nuée de perles, une averse de graines. Il contempla longuement ce spectacle. Chaque graine diffusait des rayons multicolores

Quand ce fut fini, Deming s'en alla sur la montagne et remplit ses poches de tout ce jeu de trésors minuscules

Il ne revint qu'à l'heure du petit déjeuner, aux premiers souffles du matin. Il montra sa trouvaille à son maître Zhiyi

« Mon fils, ne sais-tu pas qu'il existe sur la lune un génie qui s'obstine à vouloir détruire l'arbre de vie – un lièvre y prépare l'élixir à l'ombre de son feuillage – l'arbre des couleurs, l'arbre inépuisable du verbe ; de sa hache, il cogne le tronc mais ne parvient jamais au bout de sa tâche et s'épuise car le bois est très dur

Et les germes de cet arbre magnifique sous le choc ont volé jusqu'à nous, jusqu'à toi ignorant petit moine. Sois fier, sois respectueux du don qui t'est fait…

Va planter ces graines au bord du lac de l'Ouest. Elles poussent très vite. Dès la fin de l'automne, elles seront devenues de hautes et fortes tiges et se couronneront de fleurs roses, jaunes, pourpres et blanches

Et selon leur éclat seront baptisées 'osmanthe d'or', 'osmanthe d'argent', 'osmanthe de rose' »

Wu Gang coupant l'arbre d'Osmanthe
Qian Hui'an (1833-1911)



Stellata


Fleurs d'Himalaya, floraison de neige primitive, blanches étoiles jaillissant du bout des branches, tulipées comme des linges quand pointe l'aube d'une fraicheur vernale, quand mars éclate en un bouquet d'artifice, flamboiement de rose, magnolias, vous êtes alors d'une telle évidence, d'une telle abondance. Yulan !

Fleurs oublieuses, vous n’avez pour seul défaut que d’être abandonnées, là toutes ensembles

Inévitablement, au comble de la prospérité vient le déclin, c'est un principe constant. Au cœur de la plénitude nait le vide

Un coup de pied du gel, un coup de vent venu de l'ouest – richesse, gloire, splendeurs ne sont plus que tâches recroquevillées au sol, oubli de poussières broyées, le fouillis mauvais de trois jours

Magnolia étoilé



Fugui


Peut-on exiger par les nuits de neige, comme le fit Wu Zetian, impératrice accompagnée de ses deux coqs, édicter, sommer la déesse que le jardin de cent fleurs, au matin soit fleuri

Décrète si tu veux, dit la pivoine. J'attendrai fidèle à ma nature – on me dit salutaire – que le temps soit venu et l'endroit exposé de plein sud

M'accommoder ? N'y compte pas. Me faire plier ? De quelle façon ?

Que ta colère m'envoie jusqu'à Luoyang, j'y resterai longtemps pour sa prospérité

Après tout, l'oiseau de la grotte de cinabre regarde toujours vers le soleil

L'impératrice Wu Zetian (624 - 705)
Fleurs de pivoine

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte