Les effets de l'aube



Effets de l'aube



Il n’y a rien dans l’air qui bouge ce matin. Rien n’a bougé de cette nuit
c’est comme hier. Chaque chose est à sa place
dans l’ignorance des autres. Toutes les choses sont restées au même endroit

Elles sont là reposées tranquilles
 au point du jour

J’agrée de tout mon être à cette indifférence, cette muette patience. Pourrait-il exister une autre vérité ?

Je m’éveille j’attends
le plus longtemps possible

Albert Gleizes
Paysage cubiste (arbre et fleuve) - 1914

Grand Cahier.583.Révolvie.001.Les effets de l'aube.01 « ... »



Une rose commune...



Une rose commune 
Quotidienne une rose
Désirée de nouveau

Parfaite et sans appui
Elle est simple de cœur
Et n’a pas le souci
Des pensées importunes

Donnez-nous de ce vin
Ce qu'il en faut sans plus
Un grand corps reposé

Dites-nous haut et clair
Deux ou trois des paroles
Qui tournent qui sont miels
Comme guêpes des ruches

La terre est idéale
Les ombres apaisantes
La terre est exemplaire

Accueillons le sommeil
Toujours à l'improviste
Partons la rattraper
La belle chose rêvée

Édouard Vuillard
Roses roses (1922)

Grand Cahier.016.Révolvie.001.Les effets de l'aube.02 « ... »



Dièse



Variation des prés par la baie du soir
Sous la nuée couvent les toits
D'un village brun

– Le jour connaît sa faute

Rouges les laines dans la salle éteinte,
Au creux du foyer brûle en vain
La braise qui varie

– La nuit ouvre le ciel

Egon Schiele
Wiese mit Dorf im Hintergrund II (1907)

Grand Cahier.017.Révolvie.002.Maisons de verre.07



Combles



Les gouttes glissent
au long des lignes désertées
Les notes font
la courte échelle à portée de l’oreille
les mots, à tue-tête s’alignent
et s’interpellent
et peu à peu
le fil

Trouve sa mesure et se courbe
– arrive au toucher de la terre
comme un long vivier qui s’égrène

Les années s’accumulent
le poème nous sauve
Gouttent les mots noircis
sur le blanc de la page
résonnent en arpège
les notes des chansons

Les gouttes tombent sur la plage
quand s'éloigne la mer
éclatent en soleil bleuté
en couronne de lait...

S’ouvre d’un œil l’iris
au sable vert

Thierry Le Baill - Summa - Encre 2009
Thierry Le Baill - Longue bleue (2015)

Grand Cahier.024.Révolvie.001.Les effets de l'aube.03 « ... »



Mai



 J‘aime quand s’éveille la ville
 M’en aller chercher le premier
 Le long des rues tranquilles

 Un moment les effets de l’aube
 Une fenêtre qui s’entrouvre
 Juste au-dessous du ciel

 C’est un matin acide et frais
 Comme un jeu d’ombre et de lumière
 Ranimé sur les toits

 De tes bras blancs
 « Joli museau de Zibeline
 la nuit s’éloigne

 écarte les volets
 joyeusement »

 Draps blancs défaits
 Le jour respire


Robert Delaunay
Les Fenêtres simultanées sur la ville (1912)

Grand Cahier.035.Révolvie.001.Les effets de l'aube.04 « ... »



Prime



La couronne du gaz fait se cailler le lait
Cette nuit, la coupe du pain
A eu le temps de durcir
Le matin a réveillé le vent
Frouant, et ton cœur qui bat
Une branche noircie frappe
Aux carreaux de la fenêtre
L'automne attroupe les feuilles rousses
Quand la terre se refuse
Le ciel jauni flotte sur les toits
Ta chemise est froide
Tu souffles les vapeurs de ton bol
L'œil se précise. Ton esprit songe
Aux soucis d'une journée qui sera belle

Pablo Picasso
Nature morte à la brioche (1909)
Grand Cahier.085.Révolvie.001.Les effets de l'aube.05 « ... »



Tu es, printemps d'or...



Tu es, printemps d'or
Vêtu d'éclats, de glace et d'eau,
Mon souvenir.
Tu es printemps, grandi de belle humeur
Au vert village de Normandie

Comment pourrais-je t’oublier ?

Le jour s'étonne en suivant le ruisseau.
C'est un endroit désert. Les champs
Sont barbés d'orge,
Ils sont monde et perle, ils sont beaux.
Le givre est dans la pierre

J'entends le clocher carré qui tinte

Sous le ciel dégagé, là-haut,
Une frayeur tourne sans cesse –
Le temps a blanchi, lumineux,vivifié
Un merle éperdument va siffler
Des bois rougis

André Lemaitre
Paysage normand (1975)

Grand Cahier.040.Révolvie.001.Les effets de l'aube.06 « ... »



Que votre rire...



Que votre rire est adorable

Lorsque la vitre vous reflète
Avec la pomme du soleil
Et des morceaux choisis de cour

On y joue
Les enfants s'effraient
Des fusées jaunes d'artifice qu'ils allument

Fuyez, et vous, venez !
Déliez pour moi seul
Les fleurs de ce bouquet

Raoul Dufy
Feu d’artifice à Nice
Le casino de la jetée-promenade (1947)

Grand Cahier.229.Révolvie.001.Les effets de l'aube.07 « ... »



L’œil



L'oeil
est à la cime du ciel
un poids d'eau florissant

L’étable fume,
les bêtes reniflent dans la chaleur des pailles –

corps luisants blottis sous l'abri

Drue
l'herbe pousse comme l'ennui,
comme un long tambour sur les toits,
comme une horloge qui bat,
où dormir

Serge Plagnol
Fugues - Exposition Bordeaux 2018

Grand Cahier.039.Révolvie.001.Les effets de l'aube.03 « ... »



La colline



La colline est, visage défait, batailleuse.
Les premiers regards portent vers la fenêtre ouverte

Ce sont des herbes pour tourment
(herbes
aussi fraîches que des larmes).
D'entre elles,

une alouette monte
O palpite sertie dans la clarté de l'air !

Tous les camps de nuit
se retranchent en bas dans la broussaille

Ce matin c'est le sacre du jour. Le toit bleu,
l'abri de qui attend, amasse l'or du ciel

Ernst Ludwig Kirchner
Baie du Mexique, Fehmarn (1912)

Grand Cahier.043.Révolvie.001.Les effets de l'aube.09 « ... »



Et puis...



Une dentelle de haies
Autour d'un soleil rouge

Des toits d'argile
Qui peu à peu vont s'estomper

Un avion près des nuages
Forme la croix le désir
De pays lointains

Le soir tombé nous laissa
Sur ce pré vert

Stanton Macdonald-Wright
Conception Synchromy (1914)

Grand Cahier.095.Révolvie.001.Les effets de l'aube.10 « ... »



Le lever



La chambre a fraîchi
Plus fraîche que le jour qui blanchit par la fenêtre

Le ciel nocturne est déchiré sur l’un de ses bords, agrémenté d’un parsemé d’étoiles, d’une ligne de rose qui s'étire

Je me penche au dénoué de ton âme ta joue a les couleurs de l'aube caressante, tu ouvres une paupière…

Vole une aile qui fait battre le cœur. Un moment le sommeil est encore accoudé. Se découvre

– l’aile d’un si beau corps où l'or et l'ombre jouent

Henri Fantin-Latour
Le lever (1872)

Grand Cahier.088.Révolvie.001.Les effets de l'aube.11 « ... »

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte