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Ailes
Un coup de vent. Brusque. Une voile qui se perd dans le lointain, là-bas
au-dessus de la haie de ronces, des noisetiers
Est-ce un nuage annonçant la pluie. Une dernière mai- sonnée. Des draps qui claquent
À grande vitesse on descend la rue qui devient la route qui débouche sur la campagne. Ou ce qu’il en reste. On s'é- loigne d’un mur où s’accrochent : vignes et cerises
Une flopée d’enfants surpris dans leur jeu poussent des cris et s'enfuient en tous sens
Dans les fossés embaume la jetée des branches d'un buis toujours vert
La route bifurque
Iris d'un bleu-violet clinquant près d'une porte de fer. Corbeaux dans les champs de blés tendres
Joan Miró Le sourire aux ailes flamboyantes (1954) |
Je veux marcher...
Je veux marcher un jour entier s'il le faut
Quitter la ville
Après la Loire, gravir cent marches
Redescendre vers la Choisille
J'irai plein nord
Si l'eau du gué le permet
Jusqu'à la gare
Un salut aux chevaux par le chemin 26
Quitter la ville
Après la Loire, gravir cent marches
Redescendre vers la Choisille
J'irai plein nord
Si l'eau du gué le permet
Jusqu'à la gare
Un salut aux chevaux par le chemin 26
Duo Frank Moth (Eleftherios S. & Marianna M) Escalier Denis Papin, Blois (2023) |
La Tour des lettres
Ce ne sont que des bouts de vie, oppressants
Des jours qui se meurent, des brindilles qui s'envolent
Et des nuits, et de tristes rappels d’erreurs
De mauvais chemins qu’on ne peut oublier
Je vais divagant sur les grèves de Loire
Où vécut Ronsard, et Descartes, et Rabelais
Je vais sur les pas de Cingria, au bord
Des eaux. Je sais, fines dames des jardins
Trouver les grandes juliennes authentiques
J’en ai pris des clichés près d’une pelouse
Près d’une cage de fer en perroquet
On peut y voir les nombres trois, deux et un
Le rouge et la lettre A – philosophique –
Des bouquets taillés au calme des bassins
Des jours qui se meurent, des brindilles qui s'envolent
Et des nuits, et de tristes rappels d’erreurs
De mauvais chemins qu’on ne peut oublier
Je vais divagant sur les grèves de Loire
Où vécut Ronsard, et Descartes, et Rabelais
Je vais sur les pas de Cingria, au bord
Des eaux. Je sais, fines dames des jardins
Trouver les grandes juliennes authentiques
J’en ai pris des clichés près d’une pelouse
Près d’une cage de fer en perroquet
On peut y voir les nombres trois, deux et un
Le rouge et la lettre A – philosophique –
Des bouquets taillés au calme des bassins
Guy Resse Collage (1955) |
Une scolie
Une scolie s’envole depuis les dormants d’une porte busquée, indifférente à tout ce qui n’est pas de son occupation. Trouvera-t-elle le compost qui lui convient, les bois pourris où piquer le ver blanc ?
Le vent a médité le poids des heures et des jours sur l’étang. Les joncs commencent à l’envahir
Petit à petit, les souvenirs se sont effacés, va‑t‑on s’endormir ? L’épreuve est manquée, harassé d'avoir gravi la côte, vers Bois Jésus
Il en a fallu de l’audace pour franchir ainsi la route et le potager. Gagnée par la frayeur, une biche éperdue donne son dernier coup de sabot sur les rails
d'après Barend Van Orley (1488 - 1541) Belles chasses de Guise |
Oe l'après-midi
Au coin de l'œil progresse une ombre grise
Le temps se couvre, sont dressés les stands, bâchés d'un vilain vert, entre le grillage de l'entrée et le kiosque désert. En ce jour-là, une banderole indique, en large lettre et des mots gras, au passant des rives, qu'il s'agit d'une rencontre : la XXème en son ordre
Irai-je tout à l'heure au jardin des Prébendes
lire quelques pages détachées des vieux livres d'histoire, feuilleter les albums écornés jaunis, les cartes postales en noir et blanc ?
Des gouttes tombent sur le lac, l'air se fait plus lourd. Les deux cygnes tournent en rond, ils sont inquiets de l’orage qui s'annonce pour bientôt
Olivia Rolde Carnaval sauvage (2010) |
Les lettres
Elles ne sont pas sorties
Du panier rond de Saint-Cyr
Ni graffitées ni perchées
Sur le mur des escaliers
Mais trouvées dans les collines
Les lettres semées dans l’herbe
O jaune, A rouge, K bleu
Dans les haies et les bosquets
Des grandes mythologies
Ce sont les pièces d’un puzzle
Gentiment proportionnées
A la taille des enfants
Belles têtes qu’on enseigne
A toute philosophie
Du panier rond de Saint-Cyr
Ni graffitées ni perchées
Sur le mur des escaliers
Mais trouvées dans les collines
Les lettres semées dans l’herbe
O jaune, A rouge, K bleu
Dans les haies et les bosquets
Des grandes mythologies
Ce sont les pièces d’un puzzle
Gentiment proportionnées
A la taille des enfants
Belles têtes qu’on enseigne
A toute philosophie
Jacques Villeglé Les Précurseurs (2010) |
Botanique
À droite, le parterre étiqueté de plantes frileuses. Longs alignements de tiges en patience. Des fleurs, des couleurs viendront quand le temps changera. Certaines sont rentrées et choyées par des hommes positifs. Le bâtiment s'alourdit d'un siècle entier
À gauche, elles voudraient crever les verrières, bocaux d'Afrique, d'Amazonie, potages vireux de tous les lieux chauds. Vous les sentiriez poussant racines dans vos bronches
Entre deux rangées de pensées, bleues ou jaunes, l'allée monte jusqu'au magnolia. Une horloge indique toujours la même heure
Les gens s'empressent sous le hall, ils ont recouvert les tables de toiles cirées. On achète, on vend, les yeux brillent, en connaisseurs
Sureau noir Sambucus Aegopodium Drosera plante carnivore Viburnum (1869) |
Il se promène, il veut s'instruire...
Il se promène, il veut s’instruire. Il écoute les conseils, occupé des usages, de l'origine et de l'espace. De la ligne à l'horizon qui va s'ouvrir, et des jours, et des jours qui s'allongent…
Arpentant le bocage, il s'ennuie
Une ombre chante tout d’un coup et s’enfuit aussitôt. Farouche et solitaire, cachée dans les fourrés
Voudrait-il la mettre en cage, une cage dorée – comme le sont les sots petits moineaux qui savent y faire et n’ont pas d’ombre ?
« Je te dis que je veux, séduit, faire un pas ». De son bec elle aiguise les signes, file aux astres
Florian, illustré par des artistes japonais. |
J'ai pris la route régulière...
J'ai pris la route régulière qui passe par le ciel
Terre, la toute menue
Je te vois mon pays, ma ville. Je vois aussi la rue et la fenêtre de ma rue comme une carte de géographie détaillée, épinglée sur le globe de la mer
Sont-elles variées ! De bleus de verts chacune démêlées avec leurs plumes blanches. (Il n'en manquait aucune, je les ai comptées)
Il y avait aussi l'ocre et le vert des champs labourés, des prairies. Un milliard de graminées poussant du sol
Sur l'océan que les vents soulèvent les vagues solitaires
Au-dessus de moi, un gouffre de froid noir immense, incommensurable
Nébuleuse de la Tête de Cheval (Barnard 33) |
L'œuvre
Car ce que j’ai-
me c’est
l’œuvre de la
nature
dans l’être même
et l’autre
me c’est
l’œuvre de la
nature
dans l’être même
et l’autre
Empreintes dans le sable, et vacuité d’un trône. La dou- ble orfèvrerie d’un miroir métallique
Bientôt, le foudroiement d’un fauve qui s’apprête… ce brusque silence blotti près des grands arbres… une ombre féline
un grain de riz... et
peut-être
peut-être
Henri Rousseau Le lion ayant faim se jette sur l'antilope (1898-1905) |
Laps
L’espace vient à
s’ouvrir où la nature un temps
se manifeste en l’homme
Est-ce béance ou pot au noir ?
– Mais l’être souffle
où il le veut,
qui peut savoir ?
Pourquoi durer ou
renaître fleuri
pour souffrir à nouveau,
bien peu de chose en somme
Lentement la nature
retourne à l’extinction
La nuit se ferme
s’ouvrir où la nature un temps
se manifeste en l’homme
Est-ce béance ou pot au noir ?
– Mais l’être souffle
où il le veut,
qui peut savoir ?
Pourquoi durer ou
renaître fleuri
pour souffrir à nouveau,
bien peu de chose en somme
Lentement la nature
retourne à l’extinction
La nuit se ferme
竹内栖鳳 Takeuchi Seihō (1864-1942) |
Création
Comment
un premier mouvement pourrait-il exister ?
Rien n’est jamais sorti de rien. Si quelque chose existe et se met en avant, elle-
même ou une autre en son temps, se retire
surface en
mouvement qui se montre et s'efface
Notre langage les désigne, et ne parle que d’elles
– les mots sont mobiles, et cheminent – de l’ombre d’une chose à l’autre
La lumière est Seule,
la lumière est repos dans l’espace et le temps
On sort
une jambe du lit des rêves, le monde entier est déjà là !
Odilon Redon Quadrige, le char d'Apollon (1906-1914) |