Intensités

Die Sonnenblumen

Ihr goldenen Sonnenblumen,
Innig zum Sterben geneigt,
Ihr demutsvollen Schwestern
In solcher Stille
Endet Helians Jahr
Gebirgiger Kühle.

...

Les tournesols

Ô tournesols dorés,
Avec ferveur, prêt à mourir,
Ô très humble sœur
Dans un tel silence
Prend fin l'année d'Hélian
D'un froid de cimes.

...





1.
Je me souviens que nous allions, l’un à côté de l’autre nous cacher vers les hauts, dans la touffeur des combles. Brûlante venait la soif, comme les griffes du Tigre sur une peau tendue, comme une poussière d’Égypte dans les rayons du sel. L'ascenseur tirait à l'infini les corps patients ; je me souviens que nous mourrions, que la faim nous prenait aux claires-voies du désir. Chairs tuméfiées sur les parpaings du temps.


Matta – S'unir par les plaisirs (1982)






2.
On plie le corps contre un bois de charpente. On blesse le cœur qui cogne trop vite. La peau va s'érafler. Une écharde, un peu de sang va pénétrer dans la poussière. La bouche se ferme et s’ouvre, on halète. C'est à se mordre la langue.
La guerre va s'aggraver malgré les larmes

Et les faims, et les soifs, elles vont grossir, elles vont enfler encore. Les ballons couleur de soleil vont éclater, ils vont crever. Qu'il rie, qu'il acclame, qu'il mette à sac tous les édits !
La barre du jardin a versé où l'ortie foisonne.

Matta – The Unthinkable (1957)







3.
Aspiré par le dehors,

je descends la roche des Rames que la bruyère recouvre, traverse la rivière et, saisi par l'inutile énervement du jeu, les bras battants, me précipite sous les hêtres d'un versant troué. Combien de secondes va-t-il falloir attendre avant le ploc dans le gouffre sans fond ? Je tire au pistolet de poing, incohérentes et mortelles trois balles qui sifflent dans l'air. L'une d'entre elles abat dans un éclat de lumière un triste pluvier. Bourre de plumes que l'eau de la cascade emporte.

Matta – fragment de Watchman, What of the Night ? (1968)






À la dame de turquoise


Selon le vœu et la formule, mettez près de la source des chiffons aux branches.

Que l’eau claire emporte ces fleurs offertes, ces feuilles qui s’enroulent en guirlande au fil du courant.

Passez le petit pont de bois, penchez-vous, et par le milieu de la rambarde faites briller vos pièces d’or.

Ou plutôt non, préférez quelques menues monnaies sans valeur comme autant de lettres indéchiffrables.

Pensez fortement une chose, une seule avec force, elle aura peut-être pour vous, dans la suitée des jours, un sens

Shoichi HASEGAWA
Au cours de la vie (1973)

Grand Cahier.116.Refonds.006.Verger des eaux.04

Arcimboldo


Par ses offices, Arcimboldo le maniéré, Grand Maître des Artifices à la cour des Habsbourg, Gardien des Wunderkammern où rivalisent l'insolite et le baroque
Mais peintre jardinier de visages énigmatiques

Arcimboldo vit-il surgir un homme en un masque de fruits dans l'été quinze cent soixante treize
Ou bien le peignit-il se dispersant, dernier fragment suggestif du corps décomposé, homme que la matière a dévoré ?

Giuseppe Arcimboldo
Les quatre saisons (1573)

Grand Cahier.303

Les énigmes d'Érasme


J'aime cette chambre printanière, son dallage aux étoiles et soleils de zelliges. Regarde ces murs

Tous les arbres qu’on voudra, d'essences distinctes, y sont peints, et les êtres et les oiseaux d'espèces rares ou connues par quelque étrangeté

– Que dit cette chouette qui se cache là-haut ?

– Elle nous parle en grec : "Sois prudent, dit-elle. Je ne vole pas pour tout le monde". Ici, un aigle déchire un lièvre, près d'un scarabée vit un roitelet, ennemi mortel de l'aigle

– Et l’hirondelle que tient-elle dans son bec ?

– Un brin de chélidoine qui te rendra la vue

– Et le caméléon changeant, allant et venant de terre, le mot qui le nomme est un lion !

– Gueule béante, il secrète un venin et plante sa langue comme figuier sauvage

– Qui est donc ce joueur de flûte ?

– Un chameau débauché, un singe magot qui nous joue du pipeau

Hans Holbein le Jeune
Portrait d'Érasme (1523)

Grand Cahier.317

Bakin


Sous un faible éclairage – sous le halo de sa lanterne ronde, la nuit tombée, Bakin voulut recomposer son Hakkenden

Personne dès lors n'osa plus venir le déranger. La mèche à huile qui crépitait parfois, le chant d'un grillon ressorti du silence occupaient seuls cette longue nuit d'automne

Presque imperceptible au début, un point lumineux remua dans sa tête …une, dix, vingt lignes. A mesure que le pinceau traçait les signes, le petit point lumineux augmentait de volume

Il savait d'expérience ce qui allait advenir. Il se tint sur ses gardes et surveilla scrupuleusement l'avancée des caractères

L'enthousiasme est la mèche d'une flamme qui brûle. Si l'on ne sait la préserver, elle s'éteint dans l'instant. « Ne te presse pas, approfondis ta pensée, chuchota Bakin, retiens la main qui devance la pensée ! »

Mais déjà dans sa tête, le petit éclat de ciel de tout à l'heure devenait plus grand, une coulée de lumière, une voie lactée sous la voûte noircie l’entraînait, plus rapide qu'un fleuve, plus redoublé de force qu’un torrent

Ses oreilles n'entendaient plus le chant du grillon, ses yeux ne craignaient plus le peu de clarté de la lampe. Son pinceau allait, souple et rapide

Bakin écrivait, courbé sur son plan de travail, penché comme un lutteur, avec acharnement

d'après Akutagawa Ryûnosuke

Illustration du Nanso Satomi Hakkenden
de Kyokutei Bakin (1767 - 1848)

Grand Cahier.472.Dispersions.004.Minutes et figures.07

Suzhou


« De la terre ou du ciel »
Tel est le nom français des montagnes de Sugiu

Marco lorsqu'il descendit vers Quinsai nota que la rhubarbe y pousse en grande perfection et que le gingembre est bon marché. Ainsi pour un gros de Venise, quarante livres de frais et du bon

Il alla jusqu’à compter les six mille ponts de pierres qui surplombent les eaux de la cité. Deux galères pouvaient y passer de front

Il s'étonna du très grand nombre d'habitants, des grandissimes quantités de soie, de la sagesse des marchands, de la subtilité des hommes dans tous les arts, magiciens, philosophes et grands mires naturels

Mais de l'ouvrage maniéré des jardins inoubliables
Rien ne dit

Le jardin de l'Humble Administrateur
Suzhou

Grand Cahier.411.Les jardins sont un langage.001.l'Humble Administrateur.01

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte