Bifurcation

*


Le pas



Ce soir par la vitre claire
la campagne est une eau calme
Ce que tu vois n’est rien d’autre
que le ciel qui se retire,

comme une barque chavirée
dans la boue rouge du chemin, rien que des ombres en désordre qui s'avancent,
une fosse ouverte

au creux de noisetiers
N’entends-tu pas venir,
sonore à la lisière,
le pas
comme une promesse tardive,
comme un bouquet d'étoiles
offert à la croisée

Qu’y a-t-il à faire en ce lieu
sinon graver un nom sur chaque pierre, y déplier le jour, le peu de jour obstinément qui reste,
abrupt
en un millier d'ardoises

Aussi ton emblème sera
le visage des sentiers, l'accueil précaire
de leur destin

Giorgio Morandi
Paesaggio con alberi
(1929)

Grand Cahier.048.Dispersion.020.Les filets du temps.01 {•••}


Vivre autrement



Il eut été possible de vivre autrement, de jeter plus loin, des étages des regards vers les pavés, à deux pas de loger près des jardins,

la statue du Conquérant

Il eut suffi à un moment, de traverser la place, de heurter le cuivre d'un grand porche. C'eût été plus simple. Il eut suffi d’entrer par cette porte verte (je la vois encore).

Je me rappelle

Une certaine architecture de pierres jaunâtres, de très hautes fenêtres à carreaux bleutés où l'éclair s'enroule, la poussière de vieux soleils contre le mur noirci d'en face.

Les obus d'hier l'auront oublié, je pense

Le cours des choses fut tout autre. Une eau s'est écoulée, une eau mauvaise, grise une fumée. Un flot s’est répandu avec lenteur, pénétrant chacun des jours comme un poison.

Et ne me reste plus maintenant qu’un goût de baies amères dans la bouche

Mais que s'est-il autrefois perdu que je parle d'un ailleurs, de quelque chose qui n'est pas, en aucun cas ne fut...

Grand Cahier.050.Dispersion.021.Bifurcation.02 {•••}


Dyssomnie



Le vent soulève la fenêtre, la fenêtre calmement respire. La pluie frappe le front des pierres

Le corps enfoncé sous les draps, il dort il respire le dor-
meur il remue, c'est une ombre.

Froide une sueur se répand sur son front

Le vent a entr’ouvert la porte de la chambre, la chambre a blanchi effrayée sous la lune

Le dormeur s'agite, il est perdu il bat la campagne, il est perdu dans ses rêves

Une buée refleurit dans un souffle. La nuit heurte la vi-
tre, la nuit tourne au vert. Un arbre gèle,

Il est seul au milieu de la cour

Grand Cahier.074.Dispersion.021.Bifurcation.03 {•••}


Shanshui



Beaucoup de lieux sont mélangés au moment du départ, des flots furieux battent l'acier des roches, en tout sens, d'acides buissons de groseille, c’est un espace frais étagé de théâtre où l'on entre

J'aime à n’avoir sous
l'effort – ne heurte du sou-
lier que le caillou

banal. L'air est en flamme, une douleur me fulgure à l'épaule, le chemin sans cesse repart dans l'étourdissement des heures qui passent

Quand l'étendue se découvre enfin, des cris stridents déchirent le ciel parfait
Un bond, il faut encore un bond, un dernier rebond par-dessus la tête des sapins, pour entre pierre et neige atteindre le refuge

Le cœur reprend son souffle, accueille la fatigue. Le café brûle dans les mains. La nuit lentement du creux du val que la nuée couvre isole tout

Grand Cahier.077.Dispersion.021.Bifurcation.04 {•••}


Un corps flotte



Souvent les pas nous mènent
vers ce lieu sans bords, la mer unie, le ciel démesuré confondus dans la grisaille

Lentement tourne sur son axe, le grand cylindre à musique, émetteur d'un son grave, qui – dans l'épaisseur de l'air – s'enfonce lentement

Il n'y a plus rien à voir, toutes les visions s'effacent dans cet unique vide gris. Une présence non située occupe l'autre côté de l'espace

La phrase s'achève la phrase en ces trois points noirs, bétonnés de fers rouillés, de pontons hachés par les sables

La falaise comme un couteau pénètre les brouillards venus des pôles. Une mouette observe et plane au-dessus, va se poser pour un temps sur un plongeoir.

Les pas nous mènent vers la jetée, nous poussent
à descendre les marches,
à toucher l'
eau

Grand Cahier.096.Dispersion.021.Bifurcation.05 {•••}


La vie était simple...



La vie était simple
en ce temps-là ! Si simple et si

vivante. C’était un bouquet
d’impatience pour demain,
une bouffée de soleils tôt venus,
une nichée d’oiseaux piaillant
qui becquette

Élan de sève ou de résine
Si simple vie, végétale poussée
comme givre du froid cristallin de la terre

Le ciel s’en va trop vite, le ciel
le soir s’assombrit par la lucarne,
s’en va jeter de pleines poignées
de vent qui vont bousculer les arbres

Comme une respiration
puissante allant sur le pays

Grand Cahier.097.Dispersion.021.Bifurcation.06 {•••}


Resserrement



Noire,

une fine flamme fend l’air
pénètre par la porte
entr'ouverte l'été

– Phalènes qui tournoyaient
autour de la lampe,
vous vous brûlez les ailes
comme syllabes dispersées

Une ombre plus légère
qu’un pleur
a traversé la chambre.
Une minute éblouie
par un peu de fraîcheur.

Fixé dans l'angle mort,
le travail se resserre
en un point de lumière

Le temps
continue d’avancer
lentement vers le soir.
Aucun nuage ne recouvre plus le ciel,
la journée fut si chaude

Que les herbes
ont jauni
et les feuilles rouillé

Grand Cahier.102.Dispersion.021.Bifurcation.07 {•••}


Toujours l'homme



Des astres, là-haut dégringole un air glacial
La mer ressasse tout le temps la même phrase
Tourné vers l’effroyable hostilité des pierres
L’homme accroupi près du feu fabrique son arme

Démuni, il sait qu’il devra bientôt se battre
Peu importe le prix, la chose ou le motif,
Ce n’est rien d’autre qu’un minuscule combat !
Fait qui jamais ne s’inscrira sur une table

Grand Cahier.117.Dispersion.021.Bifurcation.08 {•••}


Domaine



L'automne, ses jardins mourants sous les lourds édredons de cendre et plumes d'eau, l'automne a ses pensées de neige

Après la traversée des bois,
du pré qui dégringole et qui
débouche inexplicablement

sur une route envahie de verdure, on est arrêté pour un instant par une grille aux épis de rouille, dont l’usage est perdu depuis longtemps

Une maison surplombe la colline, on arrive devant un nombre incommensurable de fenêtres., la façade est cassée de blanc, il n'y a plus rien qui veille, pas la moindre lumière.

(Pour un peu l'on entendrait
les airs d’un bal au salon
La toupie du temps s’affole)

Des nuages gris là-haut, parcourent le ciel entier. Entre eux, un vide à vous donner le vertige, le vide là-haut du grand résonateur

On pousse des portes – à chaque fois sur une absence, un battement se répercute de chambre en chambre. Essaims de mouches, plafond qui bourdonnent

Grand Cahier.125.Dispersion.021.Bifurcation.09 {•••}


Près du château



On a chamboulé les herbes de la colline en tous sens, les herbes qui sifflent sous le vent, bousculées disputées sans qu’on sache

bleuies d’ombres
La colline est flanquée d’un ancien poulailler, d’un corps de ferme aux fenêtres occultées, lieu des batailles qu’on voudra, issues de l’endroit et de l’envers de nombreux débats – où sont donnés à chacun, les plus mauvais des coups de bec

Des troncs noircis de noisetiers tracent dévastés dans les fonds benthiques du jardin une sorte de chiffre

Une première pluie fige les prés soudain, et les vergers sont envahis l’un après l’autre

On peut entendre au loin le sifflement d'un merle qui pointe d'un or pur les groseilliers en sang

Grand Cahier.148.Dispersion.021.Bifurcation.10 {•••}


En automne



Dehors, par un soir
de marronnes, l'odeur des marais
s’est répandue,

on a frappé
à grands coups répétés
l'anneau du cœur

Des boiseries éclatent en lanières,
il y a des bruissements
noirs dans l'air,

des choses qui tournoient,
ce sont samares
de frênes qui s’envolent

, à tous vents

Il faut se taire obstinément,
poursuivre un même songe
par les sentiers bleuis

quand l'aile triste d'une horloge
aura sonné les heures
de délivrance

. ou bien l'éternité

Grand Cahier.149.Dispersion.021.Bifurcation.11 {•••}


La montagne était là...



La montagne était là mais lointaine, inaccessible en ses multiples roses, ses miroirs

L'ombre d’une hêtraie-sapinière, impatiente n'y-touchez-pas, se transforma en la broussaille. Les crêtes dépassées, ce fut un éboulis de chaleur, une main de géant qui s’ouvrit

Un soleil éternel s'y tenait sous la perfection du ciel, l'air de ces espaces délivrés était plus intense que l'herbe bleue du Kentucky

Aucune bête ni terrée ni une aile, rien qui se recroise dans leurs lignes de chance et de vie. Un air fabuleux se mit à souffler. On entendit le son d'une mandole, un chant clair d’une haute tension au désert de ces pentes

La montagne était là, simplement, visible et belle dans ses froids

Grand Cahier.165.Dispersion.021.Bifurcation.12 {•••}


Lyncée



Personne au départ ne l’ignore, il n’est pas de retour, jamais ils ne reviennent pas un jour pas un seul n'est jamais revenu il n’y a pas d’arrêt il n’y a point d’appui

Ce qui se montre à l’évidence aujourd’hui sera l’erreur de demain

L'œil rivé sur les eaux noires, l'enfant a revêtu les habits de Lyncée. Il ne se fie plus qu’à son regard, il n’a plus qu’un seul recours, c’est celui des étoiles. Le bois de proue, le bois de chêne lui dit les routes possibles, quels écueils on évite

Il voit et prend courage, il voit cachées au travers des nuages les veines d'or, il suit les fortifications de la sardoine et de l'onyx – infailliblement des profondeurs, une église qui tinte

Grand Cahier.152.Dispersion.021.Bifurcation.13 {•••}


Les mots s'animent...



Les mots s’animent le train siffle,
depuis le passage à niveau
d'hier jusqu’à celui d’aujour-
d'hui, quand s'abaisse la barrière

Inentendu,
un bruit en cache-t-il un autre ?
On ne voit rien nulle
part – vous êtes avertis
d'où que vienne la lumière

Vont les rails dans un sens,
et les idées dans l'autre.
Rien n’est sûr,
s’en vont les choses, et le temps
passe obstinément

Que voudriez-vous que je vous dise ?
Des mots, des mots, toujours des mots
et cette moitié qui leur manque
Désespérément

Grand Cahier.185.Dispersion.021.Bifurcation.14 {•••}


Dièse



Pour ce soir ce sera l'édredon et le pré qui varie avec, démantelé, sa palissade. Le temps est à la pluie

Tu te tiens là d'aplomb, bras serrant le corps, vois des mouvements que l'on dit imprévisibles

Au travers de cette haie, le village s'alourdit, vire au brun, les maisons n'ont plus de ventre

Le jour s'éteint

Cheveux rouges dans l'âtre, une danse dans l'âme, cela claque. Tourne-toi vers le feu qui ronfle dans la salle

La nuit ouvre le ciel

Grand Cahier.231.Dispersion.021.Bifurcation.15 {•••}


Quatre actions de fortune



Après la traversée, et les circuits et les travaux,
après chacune des allées, comme on revient sur le gagnage,
le temps fixe les plombs aux voiles du dehors

*
Si nous portons le même habit ces derniers temps, c’est qu’il nous va, c’est qu’il nous pose

Si toujours nous portons la même peau, n'empêche, elles

sont bien plus serrées les mailles, jour après jour,
sa trame recompose le lien de fleurs et d'arabesques

*
Malgré les désordres que sont, et la guinche des eaux et le désir futur de pomme

(le ciel, nous l'avons dessillé)

je crois qu'il leur faudra plus d'un quatre de chiffre pour nous prendre au piège

*
Une motion plus forte existe-t-elle aujourd’hui ? Vocable d'or dans une bouche,

je pique l'aiguille, je passe le fil – traverse l'aube

L'étoffe est endormie de vos pays

Les douze clefs de Basil Valentine
gravées par Matthaeus Merian (1593–1650)
et publiées en 1678 - Neuvième clef


Grand Cahier.392.Dispersion.021.Bifurcation.16 {•••}

Quatre actions de fortune


Après la traversée, et les circuits et les travaux,
après chacune des allées, comme on revient sur le gagnage,
le temps fixe les plombs aux voiles du dehors

*
Si nous portons le même habit ces derniers temps, c’est qu’il nous va, c’est qu’il nous pose

Si toujours nous portons la même peau, n'empêche, elles

sont bien plus serrées les mailles, jour après jour,
sa trame recompose le lien de fleurs et d'arabesques

*
Malgré les désordres que sont, et la guinche des eaux et le désir futur de pomme

(le ciel, nous l'avons dessillé)

je crois qu'il leur faudra plus d'un quatre de chiffre pour nous prendre au piège

*
Une motion plus forte existe-t-elle aujourd’hui ? Vocable d'or dans une bouche,

je pique l'aiguille, je passe le fil – traverse l'aube

L'étoffe est endormie de vos pays

Les douze clefs de Basil Valentine
gravées par Matthaeus Merian (1593–1650)
et publiées en 1678 - Neuvième clef


Grand Cahier.392.Dispersion.021.Bifurcation.16

Dièse


Pour ce soir ce sera l'édredon et le pré qui varie avec, démantelé, sa palissade. Le temps est à la pluie

Tu te tiens là d'aplomb, bras serrant le corps, vois des mouvements que l'on dit imprévisibles

Au travers de cette haie, le village s'alourdit, vire au brun, les maisons n'ont plus de ventre

Le jour s'éteint

Cheveux rouges dans l'âtre, une danse dans l'âme, cela claque. Tourne-toi vers le feu qui ronfle dans la salle

La nuit ouvre le ciel

Vassily Kandinsky
Murnau Studie zur Landschaft mit grünem
(1908)

Grand Cahier.231.Dispersion.021.Bifurcation.15

Les mots s'animent...


Les mots s’animent le train siffle,
depuis le passage à niveau
d'hier jusqu’à celui d’aujour-
d'hui, quand s'abaisse la barrière

Inentendu,
un bruit en cache-t-il un autre ?
On ne voit rien nulle
part – vous êtes avertis
d'où que vienne la lumière

Vont les rails dans un sens,
et les idées dans l'autre.
Rien n’est sûr,
s’en vont les choses, et le temps
passe obstinément

Que voudriez-vous que je vous dise ?
Des mots, des mots, toujours des mots
et cette moitié qui leur manque
Désespérément

La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France
Texte de Blaise Cendrars
Couleurs simultanées de Sonia Delaunay
(1913)

Grand Cahier.185.Dispersions.021.Bifurcation.14

Lyncée


Personne au départ ne l’ignore, il n’est pas de retour, jamais ils ne reviennent pas un jour pas un seul n'est jamais revenu il n’y a pas d’arrêt il n’y a point d’appui

Ce qui se montre à l’évidence aujourd’hui sera l’erreur de demain

L'œil rivé sur les eaux noires, l'enfant a revêtu les habits de Lyncée. Il ne se fie plus qu’à son regard, il n’a plus qu’un seul recours, c’est celui des étoiles. Le bois de proue, le bois de chêne lui dit les routes possibles, quels écueils on évite

Il voit et prend courage, il voit cachées au travers des nuages les veines d'or, il suit les fortifications de la sardoine et de l'onyx – infailliblement des profondeurs, une église qui tinte

Lorenzo Costa
Fragment d'un coffre nuptial
La nave Argo
(~1500)

Grand Cahier.152.Dispersion.021.Bifurcation.13

La montagne était là...


La montagne était là mais lointaine, inaccessible en ses multiples roses, ses miroirs

L'ombre d’une hêtraie-sapinière, impatiente n'y-touchez-pas, se transforma en la broussaille. Les crêtes dépassées, ce fut un éboulis de chaleur, une main de géant qui s’ouvrit

Un soleil éternel s'y tenait sous la perfection du ciel, l'air de ces espaces délivrés était plus intense que l'herbe bleue du Kentucky

Aucune bête ni terrée ni une aile, rien qui se recroise dans leurs lignes de chance et de vie. Un air fabuleux se mit à souffler. On entendit le son d'une mandole, un chant clair d’une haute tension au désert de ces pentes

La montagne était là, simplement, visible et belle dans ses froids

Crête de la Cuquère
depuis la brèche de Charance
(05000)

Grand Cahier.165.Dispersions.021.Bifurcation.12

En automne


Dehors, par un soir
de marronnes, l'odeur des marais
s’est répandue,

on a frappé
à grands coups répétés
l'anneau du cœur

Des boiseries éclatent en lanières,
il y a des bruissements
noirs dans l'air,

des choses qui tournoient,
ce sont samares
de frênes qui s’envolent

, à tous vents

Il faut se taire obstinément,
poursuivre un même songe
par les sentiers bleuis

quand l'aile triste d'une horloge
aura sonné les heures
de délivrance

. ou bien l'éternité

Delphine Geliot
Paysages étoilés
(2017)

Grand Cahier.149.Dispersion.021.Bifurcation.11

Près du château


On a chamboulé les herbes de la colline en tous sens, les herbes qui sifflent sous le vent, bousculées disputées sans qu’on sache

bleuies d’ombres
La colline est flanquée d’un ancien poulailler, d’un corps de ferme aux fenêtres occultées, lieu des batailles qu’on voudra, issues de l’endroit et de l’envers de nombreux débats – où sont donnés à chacun, les plus mauvais des coups de bec

Des troncs noircis de noisetiers tracent dévastés dans les fonds benthiques du jardin une sorte de chiffre

Une première pluie fige les prés soudain, et les vergers sont envahis l’un après l’autre

On peut entendre au loin le sifflement d'un merle qui pointe d'un or pur les groseilliers en sang

Paolo Uccello
Battaglia di San Romano
(1397)

Grand Cahier.148.Dispersion.021.Bifurcations.10

Domaine


L'automne, ses jardins mourants sous les lourds édredons de cendre et plumes d'eau, l'automne a ses pensées de neige

Après la traversée des bois,
du pré qui dégringole et qui
débouche inexplicablement

sur une route envahie de verdure, on est arrêté pour un instant par une grille aux épis de rouille, dont l’usage est perdu depuis longtemps

Une maison surplombe la colline, on arrive devant un nombre incommensurable de fenêtres., la façade est cassée de blanc, il n'y a plus rien qui veille, pas la moindre lumière.

(Pour un peu l'on entendrait
les airs d’un bal au salon
La toupie du temps s’affole)

Des nuages gris là-haut, parcourent le ciel entier. Entre eux, un vide à vous donner le vertige, le vide là-haut du grand résonateur

On pousse des portes – à chaque fois sur une absence, un battement se répercute de chambre en chambre. Essaims de mouches, plafond qui bourdonnent

Egon Schiele
Maison avec des bardeaux
(1915)

Grand Cahier.125.Dispersion.006.Bifurcations.09

Toujours l'homme


Des astres, là-haut dégringole un air glacial
La mer ressasse tout le temps la même phrase
Tourné vers l’effroyable hostilité des pierres
L’homme accroupi près du feu fabrique son arme

Démuni, il sait qu’il devra bientôt se battre
Peu importe le prix, la chose ou le motif,
Ce n’est rien d’autre qu’un minuscule combat !
Fait qui jamais ne s’inscrira sur une table

Umberto Boccioni
Stati d'animoI - Quelli che vanno
(1911)

Grand Cahier.117.Dispersion.021.Bifurcations.06

Resserrement


Noire,

une fine flamme fend l’air
pénètre par la porte
entr'ouverte l'été

– Phalènes qui tournoyaient
autour de la lampe,
vous vous brûlez les ailes
comme syllabes dispersées

Une ombre plus légère
qu’un pleur
a traversé la chambre.
Une minute éblouie
par un peu de fraîcheur.

Fixé dans l'angle mort,
le travail se resserre
en un point de lumière

Le temps
continue d’avancer
lentement vers le soir.
Aucun nuage ne recouvre plus le ciel,
la journée fut si chaude

Que les herbes
ont jauni
et les feuilles rouillé

Conversation d'alcôve
Par Kou K'ai-tche ou d'après lui
(344-406)

Grand Cahier.102.Dispersion.021.Bifurcations.07

La vie était simple...


La vie était simple
en ce temps-là ! Si simple et si

vivante. C’était un bouquet
d’impatience pour demain,
une bouffée de soleils tôt venus,
une nichée d’oiseaux piaillant
qui becquette

Élan de sève ou de résine
Si simple vie, végétale poussée
comme givre du froid cristallin de la terre

Le ciel s’en va trop vite, le ciel
le soir s’assombrit par la lucarne,
s’en va jeter de pleines poignées
de vent qui vont bousculer les arbres

Comme une respiration
puissante allant sur le pays

Wang Hui
Champs irrigués en bordure de lac sous la brume et la pluie
(dynastie Ts'ing, 1632-1717)

Grand Cahier.097.Dispersion.097.Bifurcation.06

Un corps flotte


Souvent les pas nous mènent
vers ce lieu sans bords, la mer unie, le ciel démesuré confondus dans la grisaille

Lentement tourne sur son axe, le grand cylindre à musique, émetteur d'un son grave, qui – dans l'épaisseur de l'air – s'enfonce lentement

Il n'y a plus rien à voir, toutes les visions s'effacent dans cet unique vide gris. Une présence non située occupe l'autre côté de l'espace

La phrase s'achève la phrase en ces trois points noirs, bétonnés de fers rouillés, de pontons hachés par les sables

La falaise comme un couteau pénètre les brouillards venus des pôles. Une mouette observe et plane au-dessus, va se poser pour un temps sur un plongeoir.

Les pas nous mènent vers la jetée, nous poussent
à descendre les marches,
à toucher l'
eau

Gustave le Gray, La Grande Vague
papier albuminé d’après négatifs sur plaque de verre au collodion
(1857)

Grand Cahier.096.Dispersion.021.Bifurcation.05

Shanshui


Beaucoup de lieux sont mélangés au moment du départ, des flots furieux battent l'acier des roches, en tout sens, d'acides buissons de groseille, c’est un espace frais étagé de théâtre où l'on entre

J'aime à n’avoir sous
l'effort – ne heurte du sou-
lier que le caillou

banal. L'air est en flamme, une douleur me fulgure à l'épaule, le chemin sans cesse repart dans l'étourdissement des heures qui passent

Quand l'étendue se découvre enfin, des cris stridents déchirent le ciel parfait
Un bond, il faut encore un bond, un dernier rebond par-dessus la tête des sapins, pour entre pierre et neige atteindre le refuge

Le cœur reprend son souffle, accueille la fatigue. Le café brûle dans les mains. La nuit lentement du creux du val que la nuée couvre isole tout

Ma Yuan – Face à la Lune
tableau déroulant – encre et couleurs sur soie
(fin XIIe – début XIIIe)

Grand Cahier.077.Dispersion.021.Bifurcation.04

Dyssomnie


Le vent soulève la fenêtre, la fenêtre calmement respire. La pluie frappe le front des pierres

Le corps enfoncé sous les draps, il dort il respire le dor-
meur il remue, c'est une ombre.

Froide une sueur se répand sur son front

Le vent a entr’ouvert la porte de la chambre, la chambre a blanchi effrayée sous la lune

Le dormeur s'agite, il est perdu il bat la campagne, il est perdu dans ses rêves

Une buée refleurit dans un souffle. La nuit heurte la vi-
tre, la nuit tourne au vert. Un arbre gèle,

Il est seul au milieu de la cour

Christel Hermann,
« Sans titre E9 » T M sur résine
(née en 1951)

Grand Cahier.074.Dispersion.021.Bifurcation.03

Vivre autrement


Il eut été possible de vivre autrement, de jeter plus loin, des étages des regards vers les pavés, à deux pas de loger près des jardins,

la statue du Conquérant

Il eut suffi à un moment, de traverser la place, de heurter le cuivre d'un grand porche. C'eût été plus simple. Il eut suffi d’entrer par cette porte verte (je la vois encore).

Je me rappelle

Une certaine architecture de pierres jaunâtres, de très hautes fenêtres à carreaux bleutés où l'éclair s'enroule, la poussière de vieux soleils contre le mur noirci d'en face.

Les obus d'hier l'auront oublié, je pense

Le cours des choses fut tout autre. Une eau s'est écoulée, une eau mauvaise, grise une fumée. Un flot s’est répandu avec lenteur, pénétrant chacun des jours comme un poison.

Et ne me reste plus maintenant qu’un goût de baies amères dans la bouche

Mais que s'est-il autrefois perdu que je parle d'un ailleurs, de quelque chose qui n'est pas, en aucun cas ne fut...

Louis Rochet
La statue de Guillaume le Conquérant
à Falaise (1851)

Grand Cahier.050.Dispersion.021.Bifurcation.02

Le pas


Ce soir par la vitre claire
la campagne est une eau calme
Ce que tu vois n’est rien d’autre
que le ciel qui se retire,

comme une barque chavirée
dans la boue rouge du chemin, rien que des ombres en désordre qui s'avancent,
une fosse ouverte

au creux de noisetiers
N’entends-tu pas venir,
sonore à la lisière,
le pas
comme une promesse tardive,
comme un bouquet d'étoiles
offert à la croisée

Qu’y a-t-il à faire en ce lieu
sinon graver un nom sur chaque pierre, y déplier le jour, le peu de jour obstinément qui reste,
abrupt
en un millier d'ardoises

Aussi ton emblème sera
le visage des sentiers, l'accueil précaire
de leur destin

Giorgio Morandi
Paesaggio con alberi
(1929)

Grand Cahier.048.Dispersion.021.Bifurcation.01

Les filets du temps

*


Des ailes



Il y a des choses qui ont des ailes, naturellement, et qui sont de ce monde. Des amours légères, des mots choisis, des arbres, etc.

Je précise – non point des arbres mais des choses qui ont des ailes et qui sont dans des arbres, et en ces lieux s’apprêtent...

Partir d'un tronc noueux et aller, aller
Jusqu'au brusque arrachement des ailes, jusqu’à l'envol des plumes bleues

Car toujours ils en laissent

Pierre Alechinsky,
avec un poème de Yves Bonnefoy
rue Descartes à Paris « Murs
de l'an 2000 »

Grand Cahier.209.Dispersion.020.Les filets du temps.01 {•••}


Au plus proche



Surprenant, inquiétant
le sentiment qui veut comprendre

J’écris puis me relis, me vois
exigeant lecteur d'une accointance parfaite entre un son et une image, avec l’échappement consécutif du sens, étrange et scandaleux

Il en existe un autre toujours caché sous le premier.
Mais à quoi bon ? Il est bien caché et on l'ignore. S'il se révèle, il est trop clair.
L'un des deux doit disparaître qui va gâcher l'affaire

Je veux dire – rien qui ne se vive, qui ne se peigne en beau désordre, une ligne première… et puis
les autres

Raccourcir les distances, rapprocher l’éloigné depuis longtemps. Reprendre son cadavre, le rajeunir de ses an- nées chaque fois plus nombreuses,
sans rime ni raison, vivre au for des mots,
écrire et décompter sur les doigts de la main, replacer comme il faut parmi ceux d'aujourd'hui, sans le point qui termine

Grand Cahier.186.Dispersion.020.Les filets du temps.02 {•••}


Le tracé de l'oreille et de la main



Un premier corbeau s’envole. Il est blanc de calcite et la nuit des entrailles est encerclée du feu des lampes. Les mèches fument. Les cavités sont carbonées de graisse

Rêves sous un crâne, homme du rêve, tu guides la bouffonnerie des troupeaux célestes, le quadrille des petits chevaux sauvages. Tu fais danser la spirale bosselée des trois aurochs. Les lignes blanches à têtes mouchetées convergent vers le même point, une foisonnante ramure de cerfs

C’est le premier surgeon des nerfs. Une poussée de l’âme comme dendrites

Grand Cahier.184.Dispersion.020.Les filets du temps.03 {•••}


Le désordre des verbes



L'herbe est grasse, l'herbe est longue du pré qui résiste à la faux, les secondes qui durent, les vivantes

La fleur de lys au toucher de velours, la fleur au hasard parsemée. Sa douceur sa couleur jaune d'or. Une goutte de lait

Sur l’étendue des cheveux d'herbes, sur le pré d’autrefois qui se penche toujours – les enfants aux longues jambes des hauts déboulent avec leurs rires

Comme un article machinal avec ses pattes d'angle, comme un lustre fameux d'insecte, une à une à l’envers des gravités, il égrène les tiges

Tic, un rouage s'enclenche. Tac, une herbe s'en é- chappe

J'ai fauché les herbes du chemin, je les acucherai avant que ne vienne au vent l’idée de s’en mêler

Grand Cahier.200.Dispersion.020.Les filets du temps.04 {•••}


Sieste



Dormir dans les pannes du temps, quand l'heure indique après les plats, obstinément le chiffre quinze –

Rêver, ne serait-ce qu’un moment, après la becquée de quelques restes, à l'été du livre ou de l'enfance –

Voir, comme est le vin dans le verre

la rouge rondeur du soleil inaccessible, et le soir an- noncé, langueurs et fleurs épanouies, dans la chaleur accumulée –

Saules, penchez-vous sur le bord que je songe et re- pose. Dans cette étendue d'eau froide au regard de lune, je ne vois que moi-même –

Flambants miroirs ! De draps, de nappes, frais tendus les ciels sont apprêtés –

Dans la maison des hommes, on attend depuis toujours celui qui va chanter –

Grand Cahier.313.Dispersion.020.Les filets du temps.05 {•••}


Conjugaison



Je ne sais plus vraiment quel est mon nom, j’ai dû l’oublier ; si je le savais, je me dis que peut-être je l'écrirais

Tu ne sais pas ce que tu écris, ni ce que tu es, encore moins d'où tu viens ; ce sont là des choses que tu ignores ; tu n'écris pas tout ce que tu sais

Il ne sait pas quels sont les chemins qu’il dut empruntés pour venir jusqu’ici ; dans quels buissons il faut chercher, s'il le savait…

Nous ne savons pas le devenir de nos écrits, encore moins ce que nous y mettons, quelle partie de nous‑même ; nous n’écrivons que la langue d’un pays

Vous ne savez pas quand vous arriverez, et même arriverez-vous ; les yeux, vous les fermez pour que cela n'arrive en aucun cas ; vous y croyez ?

Ils ne veulent rien d’autre que croire, ne veulent rien savoir ; jamais ils n'écriraient, au grand jamais ; d’aucuns pour eux s'y employèrent ; au bout du compte existent-ils ?

Grand Cahier.355.Dispersion.020.Les filets du temps.06 {•••}


Dans les pas d'Alexandre



Je me hâte, je me précipite à la ligne. Je ne veux qu'une chose, elle est là, juste au bout

J'ai compté sur mes doigts, j'ai compté douze fois

Me dirais-je pour autant, poète ou précis comptable de ma langue, mon épicerie, épicier dans sa blouse, un crayon à l'oreille

Je note la commande. Il me faudrait une motion de cristaux verts, ce qu'il en reste ayant passé

Passe-poème,
rêve profond des nuits, poisson de zinc, ciel folié

Grand Cahier.399.Dispersion.020.Les filets du temps.07 {•••}


Entrevu



J'ai refait le chemin me voilà désœuvré. Je me suis aperçu qu’il manquait une pièce un moment. Poche percée, pièce perdue, un peu d'or. Vraiment presque rien.

Cela valait-il la peine d’y retourner, de remettre ses pas dans ses pas, de reprendre le chemin à l'envers, atten- tionné, tête songeuse, en haut en bas regardant ?

J’ai découvert nombre de passages ignorés la fois d'a- vant. Je me suis aperçu qu’il existait bien des traverses. Qui sont peu fréquentés, que la broussaille envahit. Que je n'ai pas suivis. Que je n’ai pas voulu suivre, occupé de mon or

Je me disais : plus de temps, il faudra revenir, peut-être un jour qui sait, ou que j'en dise …Et maintenant que je l'ai retrouvée ?

Grand Cahier.344.Dispersion.020.Les filets du temps.08 {•••}


Voix rompues



Voix rompues, langues étranglées percluses de mémoi- re, linges épinglés aux ficelles du vent

Langues et voix en allées, flottantes desséchées, qui vous empreigniez de troubles révoltes, de tant d'histoires emportées

Feux ressortis du plus lointain,
Jaillis de l'unique frappe d'un silex, éclats de feu perdu en des temps improbables

Nous voulions à notre tour parcourir les chemins dé- terrés mais la plupart des chemins d'autrefois sont coupés, leurs traces effacées défigurés de trop d'éboulis, d'arbres morts, d'arbres abattus. Peu de chemins sont encore pra- ticables

Nous voulions découvrir de la terre les stigmates, les anciens tremblements. Mais comment recomposer cela quand tout s'effondre et vient à disparaître sous la pesanteur des jours et le poids énorme des travaux

Grand Cahier.372.Dispersion.020.Les filets du temps.09 {•••}


Apud nos



L'heure est grise à la fontaine

L'eau
Va circuler dans les canaux de pierre, de chapes d'or et d'armoiries.

Elle a vu passer de rouges camails au temps des fée- ries. Son eau calme reflète le front des églises

Ce sont douze bornes qui l’encerclent et la protègent. L'arcane parfait d'un trèfle soutient sa base

L'eau
Va s'écouler des quatre mascarons aux cheveux des saisons

D'abord vers l'est les fleurs, l'été des épis, un automne frugivore. Puis la tête renfrognée d'un vieillard

Entre les pilastres, on peut lire (gravée) ce vers latin, énigmatique et lapidaire : « Nativos silices linquere nympha dolens »

Que la morsure du temps s’attaque à cette œuvre si elle veut, Veguère une figuiero, un cop, dins moun camin

Grand Cahier.381.Dispersion.020.Les filets du temps.10 {•••}


Dernières messageries



Rouge c'est un colis, l'adresse est au grenier du soir. Le timbre et le cachet lui disent des rivages
...les huppes du vent qui s'en vont, des rêves qui tour- noient, des lieux remplis de voix, des chuchotements, des bribes lointaines...
lui disent la mer, emplie de naufrages, la mer sans ces- se réinventant le ciel sur sa hanche

Grimpé sur l'escabeau, le soleil a penché sa tête, sa tê- te ronde à la lucarne. Les jouets s'abîment, les plus beaux

Que veut-il voir ? Que les ombres s'allongent ?

...les eaux lancinantes des tours, des roues de bois, les douces caresses d'objets, les peluches, des fantaisies d'as- semblages aux endroits de la ville...

Grand Cahier.268.Dispersion.020.Les filets du temps.11 {•••}


Baïkal



Notre barque s'avançait en silence sous la transparence des nuages, une loupe d'eau bleue enchâssée entre les côtes escarpées, une extraordinaire eau bleue glissait lim- pide accostée à notre barque

Pour quelle raison s’avance-t-elle ainsi, puisque le temps s’est endormi frôlé par les branches des sapins

Tout est calme. Rien ne nous presse. Nous laissons venir ce qui vient sans rien troubler des vies si proches sur les berges

Chevreuil grignotant les surgeons d'un bouleau
Loutres lustrées voyant de leurs grands yeux étonnés le morceau de bois dérivant
Le vent miaule
Et nous respirons en ramant dans la clarté des eaux du lac

Grand Cahier.349.Dispersion.020.Les filets du temps.12 {•••}


Imitazione



Lungi dal proprio ramo,
Povera foglia frale,
Dove vai tu ? Dal faggio
Là dov'io nacqui, mi divise il vento.
Esso, ornando, a volo
Dal bosco alla campagna,
Dalla valle mi porta alla montagna.
Seco perpetuamente
Vo pellegrina, e tutto l'altro ignoro.
Vo dove ogni altra cosa,
Dove naturalmente
Va la foglia di rosa,
E la foglia d'alloro.

En mémoire de Giacomo, je le redis,

Si loin de la branche originelle,
Pauvre feuille fragile,
Où t'en vas-tu ? – Le vent m'a séparée
Du fayard où je naquis.
Je m'en vais, il m'emporte
Et me tourmente je m'envole
Du bois vers les campagnes,
De la vallée vers les montagnes
Perpétuellement secouée.
Je vais, je voyage ignorée du prochain,
Je vais où vont toutes les choses,
Où naturellement vont
Aussi bien la feuille de la rose
Que la feuille du laurier.

Grand Cahier.378.Dispersion.020.Les filets du temps.13 {•••}


Tracer son chiffre...



Tracer son chiffre
sur les parois de la caverne

ne rime à rien
car dans dix mille ans, y aura-t-il encore quelqu’un pour lire et pour comprendre ?

J'écris sans rime dans la nuit, indifférent et sans souci, c'est ma raison, je n'y peux rien.

Je ne fais que vivre
et d’un écrit

trace mon chiffre un peu
sur la paroi

Grand Cahier.289.Dispersion.020.Les filets du temps.14 {•••}


Au bout du compte



À l'extrémité d’une branche, un merle sur le frêne en face, imite les hésitations du soir

On se souvient du temps de pierre
quand des blocs entiers du ciel coupaient la sente, la nuque arquée comme d'une mule, les angles déchirant la plante

Nulles couleurs alors
Des souches, la roche et les premiers paquets de neige

À quoi tous ces efforts ont-ils bien pu servir ?

Le réconfort d'un café chaud – là-haut – entre les plan- ches d'un réduit qui donne

sur une vue ?
Décidément bien peu de choses

Grand Cahier.223.Dispersion.020.Les filets du temps.15 {•••}


On ne peut pas dire...



On ne peut pas dire en ces lieux
qu'elle soit

précisément ... situable,
affirmativement ... vivante,
intimement ... liée,

qu'une part très personnelle
lui soit … attribuée,

non,
bien que ces arbres,

chêne ou châtaignier,
le buisson de mûres
et la boue du chemin

lui soient, en un souffle de vent
… restitués

René Magritte
La voix du sang
(1960)


Grand Cahier.409.Dispersion.020.Les filets du temps.16 {•••}

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte