Démarche


Aussi vais-je à mon tour considérer les gens que je rencontre (villageois, paysans, secrétaire de mairie, vieux ou vieilles) comme ayant été dessinés à la manière des habitants qui vaquent à leurs occupations, arrêtés dans le paysage que m'offre le monde. Mais à la différence des figurines humaines par trop lointaines d'un tableau, chacun pourra se comporter à sa guise.

Il m’apparaît toutefois que si je cherchais comme l’ordi- naire romancier le fondement de leurs gestes incontrôlés, que j'entrais dans leur psychologie ou que j'enquêtais sur les liens complexes qui les unissent, l'effet serait bien trop vulgaire.

Qu'importe s'ils bougent, il suffit d'imaginer que les per- sonnages des tableaux, eux aussi, bougent. Remueraient-ils tous ces êtres qu'ils ne pourraient pas quitter le plan. C'est par l’imagination qu'ils en sortent effectivement et qu'ils évoluent dans les quatre dimensions, qu'ils se heurtent à nous et nous causent des ennuis, qu’ils interagissent avec nos intérêts.

Plus nombreux sont les ennuis, plus grandes sont les difficultés à porter alentour un regard esthétique.

Je me contenterai de les apercevoir de loin, avec dés- intérêt, ceux-là que mes flâneries me font croiser… pour que ne se produisent pas trop facilement, entre eux et moi, l'électricité des passions.

Ils auront beau se démener, ils ne pourront pas me sau- ter au cou. Devant ce tableau dont j'observe les person- nages qui s'agitent en tous sens, il suffira que j'établisse la distance d'un bon mètre ! Je pourrai les regarder sans courir le moindre risque.

En d'autres termes, mon esprit ne sera pas accaparé d’un intérêt particulier, j'analyserai leurs gestes en concen- trant uniquement mon attention sur l'aspect artistique. Ainsi je pourrai déterminer avec lucidité ce qui est beau et ce qui ne l'est pas comme l’exige mon tempérament.

Akutagawa Ryûnosuke
(1927)

Grand Cahier.584.Akutagawa Ryûnosuke.004.Démarche.00

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte