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Le pas
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Ce soir par la vitre claire
la campagne est une eau calme
Ce que tu vois n’est rien d’autre
que le ciel qui se retire,
comme une barque chavirée
la campagne est une eau calme
Ce que tu vois n’est rien d’autre
que le ciel qui se retire,
comme une barque chavirée
dans la boue rouge du chemin, rien que des ombres en désordre qui s'avancent,
une fosse ouverte
au creux de noisetiers
N’entends-tu pas venir,
sonore à la lisière,
le pas
comme une promesse tardive,
comme un bouquet d'étoiles
offert à la croisée
Qu’y a-t-il à faire en ce lieu
au creux de noisetiers
N’entends-tu pas venir,
sonore à la lisière,
le pas
comme une promesse tardive,
comme un bouquet d'étoiles
offert à la croisée
Qu’y a-t-il à faire en ce lieu
sinon graver un nom sur chaque pierre, y déplier le jour, le peu de jour obstinément qui reste,
abrupt
en un millier d'ardoises
Aussi ton emblème sera
le visage des sentiers, l'accueil précaire
de leur destin
en un millier d'ardoises
Aussi ton emblème sera
le visage des sentiers, l'accueil précaire
de leur destin
Giorgio Morandi Paesaggio con alberi (1929) |
Grand Cahier.048.Dispersion.020.Les filets du temps.01
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Vivre autrement
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Il eut été possible de vivre autrement, de jeter plus loin, des étages des regards vers les pavés, à deux pas de loger près des jardins,
la statue du Conquérant
Il eut suffi à un moment, de traverser la place, de heurter le cuivre d'un grand porche. C'eût été plus simple. Il eut suffi d’entrer par cette porte verte (je la vois encore).
Je me rappelle
Une certaine architecture de pierres jaunâtres, de très hautes fenêtres à carreaux bleutés où l'éclair s'enroule, la poussière de vieux soleils contre le mur noirci d'en face.
Les obus d'hier l'auront oublié, je pense
Le cours des choses fut tout autre. Une eau s'est écoulée, une eau mauvaise, grise une fumée. Un flot s’est répandu avec lenteur, pénétrant chacun des jours comme un poison.
Et ne me reste plus maintenant qu’un goût de baies amères dans la bouche
Mais que s'est-il autrefois perdu que je parle d'un ailleurs, de quelque chose qui n'est pas, en aucun cas ne fut...
Grand Cahier.050.Dispersion.021.Bifurcation.02
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Dyssomnie
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Le vent soulève la fenêtre, la fenêtre calmement respire. La pluie frappe le front des pierres
Le corps enfoncé sous les draps, il dort il respire le dor-
meur il remue, c'est une ombre.
meur il remue, c'est une ombre.
Froide une sueur se répand sur son front
Le vent a entr’ouvert la porte de la chambre, la chambre a blanchi effrayée sous la lune
Le dormeur s'agite, il est perdu il bat la campagne, il est perdu dans ses rêves
Une buée refleurit dans un souffle. La nuit heurte la vi-
tre, la nuit tourne au vert. Un arbre gèle,
tre, la nuit tourne au vert. Un arbre gèle,
Il est seul au milieu de la cour
Grand Cahier.074.Dispersion.021.Bifurcation.03
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Shanshui
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Beaucoup de lieux sont mélangés au moment du départ, des flots furieux battent l'acier des roches, en tout sens, d'acides buissons de groseille, c’est un espace frais étagé de théâtre où l'on entre
J'aime à n’avoir sous l'
effort – ne heurte du sou-
lier que le caillou
effort – ne heurte du sou-
lier que le caillou
banal. L'air est en flamme, une douleur me fulgure à l'épaule, le chemin sans cesse repart dans l'étourdissement des heures qui passent
Quand l'étendue se découvre enfin, des cris stridents déchirent le ciel parfait
Un bond, il faut encore un bond, un dernier rebond par-dessus la tête des sapins, pour entre pierre et neige atteindre le refuge
Le cœur reprend son souffle, accueille la fatigue. Le café brûle dans les mains. La nuit lentement du creux du val que la nuée couvre isole tout
Grand Cahier.077.Dispersion.021.Bifurcation.04
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Un corps flotte
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Souvent les pas nous mènent
vers ce lieu sans bords, la mer unie, le ciel démesuré confondus dans la grisaille
Lentement tourne sur son axe, le grand cylindre à musique, émetteur d'un son grave, qui – dans l'épaisseur de l'air – s'enfonce lentement
Il n'y a plus rien à voir, toutes les visions s'effacent dans cet unique vide gris. Une présence non située occupe l'autre côté de l'espace
La phrase s'achève la phrase en ces trois points noirs, bétonnés de fers rouillés, de pontons hachés par les sables
La falaise comme un couteau pénètre les brouillards venus des pôles. Une mouette observe et plane au-dessus, va se poser pour un temps sur un plongeoir.
Les pas nous mènent vers la jetée, nous poussent
à descendre les marches,
à toucher l'
eau
à descendre les marches,
à toucher l'
eau
Grand Cahier.096.Dispersion.021.Bifurcation.05
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La vie était simple...
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La vie était simple
en ce temps-là ! Si simple et si
vivante. C’était un bouquet
d’impatience pour demain,
une bouffée de soleils tôt venus,
une nichée d’oiseaux piaillant
qui becquette
Élan de sève ou de résine
Si simple vie, végétale poussée
comme givre du froid cristallin de la terre
Le ciel s’en va trop vite, le ciel
le soir s’assombrit par la lucarne,
s’en va jeter de pleines poignées
de vent qui vont bousculer les arbres
Comme une respiration
puissante allant sur le pays
en ce temps-là ! Si simple et si
vivante. C’était un bouquet
d’impatience pour demain,
une bouffée de soleils tôt venus,
une nichée d’oiseaux piaillant
qui becquette
Élan de sève ou de résine
Si simple vie, végétale poussée
comme givre du froid cristallin de la terre
Le ciel s’en va trop vite, le ciel
le soir s’assombrit par la lucarne,
s’en va jeter de pleines poignées
de vent qui vont bousculer les arbres
Comme une respiration
puissante allant sur le pays
Grand Cahier.097.Dispersion.021.Bifurcation.06
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Resserrement
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Noire,
une fine flamme fend l’air
pénètre par la porte
entr'ouverte l'été
– Phalènes qui tournoyaient
autour de la lampe,
vous vous brûlez les ailes
comme syllabes dispersées
Une ombre plus légère
qu’un pleur
a traversé la chambre.
Une minute éblouie
par un peu de fraîcheur.
Fixé dans l'angle mort,
le travail se resserre
en un point de lumière
Le temps
continue d’avancer
lentement vers le soir.
Aucun nuage ne recouvre plus le ciel,
la journée fut si chaude
Que les herbes
ont jauni
et les feuilles rouillé
une fine flamme fend l’air
pénètre par la porte
entr'ouverte l'été
– Phalènes qui tournoyaient
autour de la lampe,
vous vous brûlez les ailes
comme syllabes dispersées
Une ombre plus légère
qu’un pleur
a traversé la chambre.
Une minute éblouie
par un peu de fraîcheur.
Fixé dans l'angle mort,
le travail se resserre
en un point de lumière
Le temps
continue d’avancer
lentement vers le soir.
Aucun nuage ne recouvre plus le ciel,
la journée fut si chaude
Que les herbes
ont jauni
et les feuilles rouillé
Grand Cahier.102.Dispersion.021.Bifurcation.07
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Toujours l'homme
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Des astres, là-haut dégringole un air glacial
La mer ressasse tout le temps la même phrase
Tourné vers l’effroyable hostilité des pierres
L’homme accroupi près du feu fabrique son arme
Démuni, il sait qu’il devra bientôt se battre
Peu importe le prix, la chose ou le motif,
Ce n’est rien d’autre qu’un minuscule combat !
Fait qui jamais ne s’inscrira sur une table
La mer ressasse tout le temps la même phrase
Tourné vers l’effroyable hostilité des pierres
L’homme accroupi près du feu fabrique son arme
Démuni, il sait qu’il devra bientôt se battre
Peu importe le prix, la chose ou le motif,
Ce n’est rien d’autre qu’un minuscule combat !
Fait qui jamais ne s’inscrira sur une table
Grand Cahier.117.Dispersion.021.Bifurcation.08
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Domaine
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L'automne, ses jardins mourants sous les lourds édredons de cendre et plumes d'eau, l'automne a ses pensées de neige
Après la traversée des bois,
du pré qui dégringole et qui
débouche inexplicablement
du pré qui dégringole et qui
débouche inexplicablement
sur une route envahie de verdure, on est arrêté pour un instant par une grille aux épis de rouille, dont l’usage est perdu depuis longtemps
Une maison surplombe la colline, on arrive devant un nombre incommensurable de fenêtres., la façade est cassée de blanc, il n'y a plus rien qui veille, pas la moindre lumière.
(Pour un peu l'on entendrait
les airs d’un bal au salon
La toupie du temps s’affole)
les airs d’un bal au salon
La toupie du temps s’affole)
Des nuages gris là-haut, parcourent le ciel entier. Entre eux, un vide à vous donner le vertige, le vide là-haut du grand résonateur
On pousse des portes – à chaque fois sur une absence, un battement se répercute de chambre en chambre. Essaims de mouches, plafond qui bourdonnent
Grand Cahier.125.Dispersion.021.Bifurcation.09
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Près du château
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On a chamboulé les herbes de la colline en tous sens, les herbes qui sifflent sous le vent, bousculées disputées sans qu’on sache
bleuies d’ombres
La colline est flanquée d’un ancien poulailler, d’un corps de ferme aux fenêtres occultées, lieu des batailles qu’on voudra, issues de l’endroit et de l’envers de nombreux débats – où sont donnés à chacun, les plus mauvais des coups de bec
Des troncs noircis de noisetiers tracent dévastés dans les fonds benthiques du jardin une sorte de chiffre
Une première pluie fige les prés soudain, et les vergers sont envahis l’un après l’autre
On peut entendre au loin le sifflement d'un merle qui pointe d'un or pur les groseilliers en sang
Grand Cahier.148.Dispersion.021.Bifurcation.10
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En automne
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Dehors, par un soir
de marronnes, l'odeur des marais
s’est répandue,
on a frappé
à grands coups répétés
l'anneau du cœur
Des boiseries éclatent en lanières,
il y a des bruissements
noirs dans l'air,
des choses qui tournoient,
ce sont samares
de frênes qui s’envolent
, à tous vents
Il faut se taire obstinément,
poursuivre un même songe
par les sentiers bleuis
quand l'aile triste d'une horloge
aura sonné les heures
de délivrance
. ou bien l'éternité
de marronnes, l'odeur des marais
s’est répandue,
on a frappé
à grands coups répétés
l'anneau du cœur
Des boiseries éclatent en lanières,
il y a des bruissements
noirs dans l'air,
des choses qui tournoient,
ce sont samares
de frênes qui s’envolent
, à tous vents
Il faut se taire obstinément,
poursuivre un même songe
par les sentiers bleuis
quand l'aile triste d'une horloge
aura sonné les heures
de délivrance
. ou bien l'éternité
Grand Cahier.149.Dispersion.021.Bifurcation.11
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La montagne était là...
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La montagne était là mais lointaine, inaccessible en ses multiples roses, ses miroirs
L'ombre d’une hêtraie-sapinière, impatiente n'y-touchez-pas, se transforma en la broussaille. Les crêtes dépassées, ce fut un éboulis de chaleur, une main de géant qui s’ouvrit
Un soleil éternel s'y tenait sous la perfection du ciel, l'air de ces espaces délivrés était plus intense que l'herbe bleue du Kentucky
Aucune bête ni terrée ni une aile, rien qui se recroise dans leurs lignes de chance et de vie. Un air fabuleux se mit à souffler. On entendit le son d'une mandole, un chant clair d’une haute tension au désert de ces pentes
La montagne était là, simplement, visible et belle dans ses froids
Grand Cahier.165.Dispersion.021.Bifurcation.12
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Lyncée
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Personne au départ ne l’ignore, il n’est pas de retour, jamais ils ne reviennent pas un jour pas un seul n'est jamais revenu il n’y a pas d’arrêt il n’y a point d’appui
Ce qui se montre à l’évidence aujourd’hui sera l’erreur de demain
L'œil rivé sur les eaux noires, l'enfant a revêtu les habits de Lyncée. Il ne se fie plus qu’à son regard, il n’a plus qu’un seul recours, c’est celui des étoiles. Le bois de proue, le bois de chêne lui dit les routes possibles, quels écueils on évite
Il voit et prend courage, il voit cachées au travers des nuages les veines d'or, il suit les fortifications de la sardoine et de l'onyx – infailliblement des profondeurs, une église qui tinte
Grand Cahier.152.Dispersion.021.Bifurcation.13
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Les mots s'animent...
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Les mots s’animent le train siffle,
depuis le passage à niveau
d'hier jusqu’à celui d’aujour-
d'hui, quand s'abaisse la barrière
Inentendu,
un bruit en cache-t-il un autre ?
On ne voit rien nulle
part – vous êtes avertis
d'où que vienne la lumière
Vont les rails dans un sens,
et les idées dans l'autre.
Rien n’est sûr,
s’en vont les choses, et le temps
passe obstinément
Que voudriez-vous que je vous dise ?
Des mots, des mots, toujours des mots
et cette moitié qui leur manque
Désespérément
depuis le passage à niveau
d'hier jusqu’à celui d’aujour-
d'hui, quand s'abaisse la barrière
Inentendu,
un bruit en cache-t-il un autre ?
On ne voit rien nulle
part – vous êtes avertis
d'où que vienne la lumière
Vont les rails dans un sens,
et les idées dans l'autre.
Rien n’est sûr,
s’en vont les choses, et le temps
passe obstinément
Que voudriez-vous que je vous dise ?
Des mots, des mots, toujours des mots
et cette moitié qui leur manque
Désespérément
Grand Cahier.185.Dispersion.021.Bifurcation.14
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Dièse
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Pour ce soir ce sera l'édredon et le pré qui varie avec, démantelé, sa palissade. Le temps est à la pluie
Tu te tiens là d'aplomb, bras serrant le corps, vois des mouvements que l'on dit imprévisibles
Au travers de cette haie, le village s'alourdit, vire au brun, les maisons n'ont plus de ventre
Le jour s'éteint
Cheveux rouges dans l'âtre, une danse dans l'âme, cela claque. Tourne-toi vers le feu qui ronfle dans la salle
La nuit ouvre le ciel
Grand Cahier.231.Dispersion.021.Bifurcation.15
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Quatre actions de fortune
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Après la traversée, et les circuits et les travaux,
après chacune des allées, comme on revient sur le gagnage,
le temps fixe les plombs aux voiles du dehors
*
Si nous portons le même habit ces derniers temps, c’est qu’il nous va, c’est qu’il nous pose
Si toujours nous portons la même peau, n'empêche, elles
sont bien plus serrées les mailles, jour après jour,
sa trame recompose le lien de fleurs et d'arabesques
*
Malgré les désordres que sont, et la guinche des eaux et le désir futur de pomme
(le ciel, nous l'avons dessillé)
je crois qu'il leur faudra plus d'un quatre de chiffre pour nous prendre au piège
*
Une motion plus forte existe-t-elle aujourd’hui ? Vocable d'or dans une bouche,
je pique l'aiguille, je passe le fil – traverse l'aube
L'étoffe est endormie de vos pays
Les douze clefs de Basil Valentine gravées par Matthaeus Merian (1593–1650) et publiées en 1678 - Neuvième clef |
Grand Cahier.392.Dispersion.021.Bifurcation.16
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