Fugace est le visage des sentiers


Il suffisait de suivre une ligne incertaine, ocrée pou- dreuse, bordée de loin en loin par des lieux frais couverts

L’esprit, sans y prendre garde pouvait en continuant, vi- der ses poches
Tu ne poursuivais rien, tu ne voyais rien
venir si ce n’est ce remuement de feuilles d’une rapidité extrême, un bondissement du cœur
et l'espace aussitôt qui se rétablissait

Des mots se nichaient sous ta langue comme un village tranquille

Le matin est ouvert de tous les côtés à la fois et refermé sur lui-même par l'humidité des grands arbres de la nuit, tu prends la route familière qui sort du bourg. Tu suis les traces en V des tracteurs, le bosquet emmuré, le calvaire

En tournant vers la gauche, il y a trois grands bidons de zinc près de la barrière,
tu soulèves le bouchon de l’un d’eux
et déverses dans le pot
cinq bons litres d'un lait fumant et crémeux

Dans le ciel immense, tu retrouves la vigueur tissée des hirondelles

Plus tard dans la nuit, sous l'éclairage de la table de travail les uns après les autres s'afficheront,
volant comme phalènes
la multiplicité des signes d’une même parole – ton envie de tout reprendre était si forte –
le jeu des lettres en bleu posées dans la blancheur

André Lemaître
Route de Troarn
(1952)

Grand Cahier.254.Cahier bleu-vert.006.Retrouvailles.00

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte