Il me vint alors une inquiétude...


Il me vint alors une inquiétude – je me souviens qu'une inquiétude m'envahit, ce n'était pas un rêve...

On avait dressé un lit blanc dans la nuit

J'écoutais depuis longtemps les bruits de la forêt, depuis toujours peut-être sans pouvoir m'endormir, je n'étais plus qu'une oreille, j'écoutais (méthodiques des voix) murmurer, mordre, acides et creuser les bois rouillés

Je voulus voir aussi et je vis : une tête déformée, des traits flasques, un œil jaune, je vis des ombres qui passaient entre les arbres, me regardaient et se cachaient

Je réclamais l'oubli. Mon corps se perdit enfin dans l'épaisseur du monde, dans le scintillement du très grand univers

Bien plus tard, des souffles frais d'avant l'aube s'en allèrent mourir dans les frondaisons. Une lente blancheur se répandit comme des larves sur le sol pourri de feuilles

Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas non plus comment, mais je sais ce qui vint alors jusqu’à moi. Ce fut une avancée, un presque rien, une pensée. Rien de plus qu'un insecte

Antoni Tàpies
Libre-mur
(1990)

Grand Cahier.066.Cahier bleu-vert.003.Perditions.12

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte