Sisyphe


Un poème n’est jamais rien

– mais la plupart du temps, je roule une pierre, j’ai des soucis, j’ai mes affaires. Des petits riens ; je m’en occupe, sans y penser… ou bien je rêve. Et puis j’écris. Cette chose qui va naître, comment pourrait-elle naître pour n’être jamais rien ?

Mais les raisons sont difficiles à démêler, les raisons d’être, de les associer à tous les autres qui sont là, à l’autre

comme il va, comme il passe et qui est un grand mystère

Et cet être cet autre, qui en est l’auteur, est-ce moi est-ce toi, improbable lecteur ? Quand j’écris j’ai toujours en tête un autre qui me lit, et voit mes fautes, là, au lieu-dit à l’insu, m’empêchant d’aller en bien ou en mal où je voudrais…

Et plus tard quand tout est terminé, j’essaie d’oublier mes écrits pour laisser l’autre y revenir, et me lire en toute inconnaissance

Mais chaque fois, il y a (entre deux mots) un rien, un petit rien d’être, un quelque chose qui ne va pas. Il n’est jamais content, jamais !

Je change alors, ajoute un mot, un mot que je regrette un autre et recommence… ad libitum

Il faut pourtant qu’arrive un jour – Ai-je échoué ai-je réussi ? où je ne puisse plus jamais, où je ne puisse plus changer, quoi que ce soit

Il est en moi, dans tout mon être comme un tatouage indélébile, il est en moi la chair du monde

André Masson
Le mythe de Sysiphe
(1926)

Grand Cahier.626.Révolvie.035.Vauvert.16

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte