Un poème n’est jamais rien
– mais la plupart du temps, je roule une pierre, j’ai des soucis, j’ai mes affaires. Des petits riens ; je m’en occupe, sans y penser… ou bien je rêve. Et puis j’écris. Cette chose qui va naître, comment pourrait-elle naître et n’être jamais rien ?
Mais les raisons sont difficiles à démêler, les raisons d’être, les associer à l'autre
Comme il va, comme il passe est un grand mystère
Et cet être cet autre, qui en est l’auteur, est-ce moi est-ce toi, improbable lecteur ? Quand j’écris j’ai toujours en tête un autre qui me lit, et voit mes fautes, là, au lieu-dit à l’insu, m’empêchant d’aller, bien ou mal, où je voudrais…
Et plus tard quand tout est terminé, j’essaie d’oublier mes écrits pour laisser l’autre y revenir, me lire en toute inconnaissance
Mais chaque fois, il y a entre deux mots un rien, un petit rien d’être, un quelque chose qui ne va pas. Il n’est jamais content, jamais !
Je change alors, ajoute un mot, un mot que je regrette un autre. Et recommence… à l’infini
Il faut pourtant qu’arrive un jour – Ai-je échoué ai-je réussi ? où je ne puisse plus jamais, où je ne puisse plus changer quoi que ce soit
Il est en moi, dans tout mon être comme un tatouage indélébile, il est en moi la chair du monde
André Masson Le mythe de Sysiphe (1926) |
Grand Cahier.626.Révolvie.005.Vauverts.16