Il n’y a ni mort ni vie dans la statue de pierre le marbre est lisse et pur et sans idée (s’il fut un geste qui donna forme) il faut que s’en souvienne le regard d’un être pour qu’il se montre
Il n’est pas de corps dans la pierre ni de forme lissée dans le marbre sans le regard d’un autre qui reconnaît le geste et l’intention
Le geste juste et violent fait ressortir le rythme dans la pierre (dans le corps du marbre pur et sonore) qui devient rythme pur pour celui qui regarde et voix pour celui qui écoute
L’hôte de pierre est devenu la pierre de l’hôte sur laquelle il achoppe et l’être qui est là se regarde enchaîné dans les lisses contours du marbre
Sans cesse il cherche une échappée
Il n’y a ni mort ni vie dans la pierre mais l’être se voit qui souffre (et c’est presque une extase) dans la pure indif- férence du marbre
La pierre reçoit indifférente celui qui souffre éternel- lement sous le regard de l’autre qui est là (et qui souffre et c’est presque une extase) et reconnaît sa mort prochaine sa mort écrite dans le marbre
Laocoon éternellement, pris dans les liens de ses serpents souffre Mais qui dit cela qui lit qui voit qui entend cela si ce n’est celui qui meurt et qui pour un instant se regarde
Statue qui n’est rien d’autre qu’une chose informe un lam- beau sans le regard de celui qui voit sa condition sa souffrance inscrite dans le marbre
Un même regard qui se répète au fil du temps
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| Le groupe du Laocoon (Ier ou IIe siècle av. J.-C.) musée Pio-Clementino, Vatican (Rome) photo : Emanuele Liali (10.2020) |
Grand Cahier.696.Intérieurs, Extérieur Voix.045.19