Pour quelle raison se fiait-il à ces marques ? Jaunes, tracées à flanc de montagne de loin en loin sur le tronc d'un chêne. Le chemin qu'il s'obstinait à suivre s'avérait improbable. Lorsqu'il atteindrait la ligne des crêtes, pourrait-il trouver dans la paroi rocheuse un passage, une brèche lui donnant accès à l'autre côté ?
Il en doutait
Mais il continuait d'avancer, glissant sur la terre grasse, les feuilles mortes, la pierraille affleurant
Il ne voulait pas voir sur sa droite la grande horloge comtoise qui battait les minutes, ni, jeté sur les hauteurs, les grammes du soleil
Je ne crois pas qu'il fuyait, d'ailleurs peut-on fuir ! Le monde est étroit, instantanément atteignable aussi vaste soit-il et peuplé
Ce n'était pas là son premier départ. Il y avait eu d'autres parcours. Il connaissait bien ce pays, il y possédait quelques maigres arpents de bois dans une géographie complexe de ravins et de pâtures. Il se souvenait, comme en pointillé sur une carte, d'avoir gravi cette colline, enjambé ces barbelés, puis contourné le plateau d'en face pour redescendre par les combes, jusqu'au village demeuré in- visible ; quelques masures abandonnées, une route impra- ticable qui se fondait en un sentier de ronces, un semis de graviers
Il n'oubliait pas – proche, étrange, au détour d'un bosquet alors qu'il longeait un ruisseau frais sous le couvert – l'œil de biais d'un cheval blanc
Paul Gauguin Cheval blanc (1898) |
Grand Cahier.337.Refonds.004.Printemps, cheval.04