Conte


Le fils de la ferme voisine a coupé au travers du pré, a franchi le chemin bourbeux. Il a descendu, trois heures son- naient au village, sous la basse frondaison des pommiers : des fruits trop mûrs éclatèrent dans l'ombre. Son pas est lourd et ses bottes sont vertes. La maison contournée, il est entré dans la salle commune, a salué l'homme qui l'attend les coudes sur la table puis s'est assis, a bu le cidre offert

« Allez donc jouer dans le grenier, les enfants ! » dit l'hom- me qui se penche. La fenêtre s'ouvre sur le petit jardin, ses bords semés de pensées sont aussi chargés de couleurs que les ciels du bocage. Mais dans cet après-midi d'été l'univers est rond, les marches brûlent et les boules de marbre lustré à l'extrémité de la rampe en cuivre du perron reflètent tout un jeu d'éclats d'or et de courbes. « Allez ! » dit-il encore

Pour accéder au grenier il faut grimper l'escalier accolé au mur d'ouest (la pierre est humide et moussue), éviter le rebord branlant du palier d'où se découvre la route qui mène au bourg, enfouie sous deux épaisses haies, pousser une porte mal ajustée

Un reste de récolte, un vieux fusil enveloppé dans sa toile huilée, des habits passés de mode, divers objets et bibelots brisés dont l'usage s'est perdu, tout ceci, un trésor pour des yeux, dans la pénombre et la poussière, donne l'occasion d'infinies distractions

On a oublié ce qui se trame en bas. Le soleil fait la roue, les jeux côtoient les rêves. Ils ne s'interrompront que bien plus tard et pour un bref instant, un choc sourd, un long gémis- sement. On est sans pouvoir sur les choses qui passent. Demain, on trouvera la hache à la même place, la niche sera vide, la chaîne détendue et l'eau du seau aura taché les herbes du fossé

Olivia Rolde
Life Zone
(2019)


Grand Cahier.177.Refonds.002.Hortense.07

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte