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La nuit revient
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L'air
Le paysage est immobile
La rivière ne coule plus
Les arbres sont figés
L'été s'est arrêté
C'est ton cœur qui bat dans cette poix
Peu à peu
Le masque de la nuit
Le masque frais
Tes vêtements qui ont moisi
Le mal qui te poursuit
Se sont collés à toi
Le paysage est immobile
La rivière ne coule plus
Les arbres sont figés
L'été s'est arrêté
C'est ton cœur qui bat dans cette poix
Peu à peu
Le masque de la nuit
Le masque frais
Tes vêtements qui ont moisi
Le mal qui te poursuit
Se sont collés à toi
Pablo Picasso Nu étoilé (1936) |
Grand Cahier.172.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.01
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Jetons au feu...
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Jetons au feu ces vieilles nippes !
Dehors, le vent force à la porte
Les yeux pleins de poussière
Nous planterons des peupliers.
Souterrains, nous irons
Aux nappes d'eaux profondes
Dehors, le vent force à la porte
Les yeux pleins de poussière
Nous planterons des peupliers.
Souterrains, nous irons
Aux nappes d'eaux profondes
Grand Cahier.173.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.02
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Cosa
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Du grenier s'échappe des colombes
Le pré au pommier porte un plus beau fruit
Terre, fraîcheur et tendresse des matins
Une chose, un corps noirci, meurt
Pourrit dans l'herbe muette
D'autres plus fortes sont venues
Le pré au pommier porte un plus beau fruit
Terre, fraîcheur et tendresse des matins
Une chose, un corps noirci, meurt
Pourrit dans l'herbe muette
D'autres plus fortes sont venues
Grand Cahier.174.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.03
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Voies rompues
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La mer a monté jusque-là, route mouillée
Les mâts balancés, la voile ronde, flaques et talus font un paysage. Le ciel est de glace, batelier muet. Il fait un froid certain. La boue colle au talon, il faut un effort à chaque pas
Puis la route s'effondre au bord du bois, s'ouvre la plaine, l'étendue de la ville avec son poids de pierres
On entend, cela vient se briser, le bruit des ateliers, d'un garage aux portes rouges – le travail du fer, bruits des jardins ouvriers, pépiements, draps qui claquent
La route basse et droite continue vers le centre probable. C'est un après-midi calme qui se perd et la ville imperceptiblement s'étire
Voies rompues, version 1
Grand Cahier.175.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.04
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Cela s'achève
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J'ai vu par la fenêtre une nuit la lune envahir tout l'espace. Le ciel jaunir. La terre dure
Ne fût jamais aussi froide. Je hais cette chambre emplie de larmes
Les murs gelés d'hier étaient illuminés, il y avait foule. Un jour de fête, on se prépare, on achète la terre entière pour un enfant
Je ne pourrais plus dormir. J'ai revu les amis. Ils m'ont laissé
Grand Cahier.176.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.05
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Lieux de pauvreté
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Les fruits envolés et puis tombés iront renaître
en d'autres terres
en d'autres terres
La cour sablée s'entoure
De bâtiments, d'un poids de fenêtres mortes
L'hiver s'installe
— Vois ! Les branches raidies, les écorces mouillées, glissantes, et tout cela qui se tient et tremble. La vie n'est pas trouvée. Les lèvres sèches, les doigts bleuis par trop de froid, ne veille plus qu'une carcasse ! Qui voudrait rester au milieu de cette cour, le frêne qui se dit peuplé ? La coupure est nette à ses racines
Il suffit pourtant d'un corps, une ombre simple qui s'approche, et ce feuillage d'oiseaux devient jour surpris, air froissé
Grand Cahier.178.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.06
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Retrouvée
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Pourquoi regretter ce qui fut, les jours morts, le temps gâché ? L'ennui de ces journées n'avait-il pas sa force ?
Il est rare mais c'est le sort commun, il est inespéré d'être là au bon moment quand, fugitive, une ombre coupe la route, surgie des haies, traverse et pour un bref instant s'arrête et te regarde.
Tu rentres et tu n'as rien saisi, rien n'est resté entre tes mains. Nulle image qui te hante si ce n'est le lent décours
Mais pourquoi regretter ?
Cette fine pluie d'hiver sur le toit calme, le fauteuil où tu t'assieds, la lampe
(est-ce toi lisant ou bien elle qui veille ?) dans le silence et le frais, à peine ponctué, à peine crispant la nuque,
oui,
cette mi-clarté d'hiver qui ne pèse pas comme un nuage gris, ce simple janvier sans une neige, lui aussi avait une richesse
Grand Cahier.180.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.07
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Le banc, l’herbe...
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Le banc, l'herbe a blanchi. Les couleurs du matin sont plus visibles, chaque détail est plus tranché. Il fait un froid certain. La terre douce est un duvet
Si simples les images, et si nombreuses
Les mouettes tournent dans la cour avec un cri. Tout est calme. Il y a des ciseaux de soleil qui se glisse dans la chambre où tu reposes et sous tes paupières closes des rêves plein la tête
Grand Cahier.181.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.08
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La même cour
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C'est toujours la même cour,
le même carré de bâtiments sans toit,
carré de terre aplanie
plantée d'arbres nus, lieu gris
où vers quatre heures, certes
les enfants pour l'éternité joueront,
mais ceux-là aussi vont vieillir
C'est toujours la même cour et,
puisque je bats retraite,
cessent les cris,
s'éloignent les bruits
et d'entre ces murs s'éveillent,
de quelle profondeur ?
silencieuse et familière, une présence
le même carré de bâtiments sans toit,
carré de terre aplanie
plantée d'arbres nus, lieu gris
où vers quatre heures, certes
les enfants pour l'éternité joueront,
mais ceux-là aussi vont vieillir
C'est toujours la même cour et,
puisque je bats retraite,
cessent les cris,
s'éloignent les bruits
et d'entre ces murs s'éveillent,
de quelle profondeur ?
silencieuse et familière, une présence
René Magritte La tempête (1932) |
Grand Cahier.195.Cahier bleu-vert.015.Carnet de tristesse.09
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