Là où je vis


Sèche et neuve la ville et sans amours, filante coloriée comme au laser ;

souvent, souvent je marche dans la rue,
j’avance d’un pas,
je m'avance un peu plus chaque jour
et les bruits dans la foulée eux aussi s'avancent, et re- bondissent d'un bout à l'autre de l'axe,

les vitres s'effacent, les chromes réfléchissent ;

souvent, souvent, je vois des hommes tous en boule, yeux gris, têtes grises certifiées, serrées en masse, étroi- tement laurées

Je pense pour ma part vivre un âge d'or d’un généreux factice, dans le loisir et le souci d'hygiène. L'hôpital

est une citadelle imprenable qui domine la ville.

Les canaux sont remblayés depuis longtemps, depuis le grand dessèchement – c'était après la guerre –

depuis plus d'eau, plus un mort
Ou trop d'eau, etc.
il faudra bien s'en accommoder mon frère

Gustave Moreau
Étude préparatoire pour Le triomphe d'Alexandre le Grand
(1886-1890)

Grand Cahier.309.Révolvie.032.L'univers de la chauffe.04

Techno-manies


Aujourd’hui
que se répand l’inéluctable,
que la plastique imputrescible des anges
explose
et que gire au cœur des océans
toute une boue de désirs,
qui donc

regarde encore ?
Il suffirait pourtant d’ouvrir les yeux,
ne serait-ce qu’une fois,
mais qui le veut ? Tout ce gâchis...

Beauté ne se voit si ne connaît regard qui la regarde

Ces vieilles choses
entreposées contre un dernier talus, comme un amas de feuilles desséchées, oubliées dans un coin, les soleils dispersés, si l’on en prend soin marchent encore – à coup sûr

Nous vous fuyons à tire d’aile
Ô,
techno-manies,
vous qui régnez
lâchez la manivelle

Louis Boulanger
La ronde du Sabbat (1828)
d'après la ballade de V.Hugo

Grand Cahier.316.Révolvie.032.L'univers de la chauffe.03

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte