*
Ce ne sont là
que des
impressions décousues
Dommage,
la rive d’/ICI
jamais plus ne sera
la rive d'en /FACE
depuis trop longtemps
il n'y a plus rien à dire
je ne dirai plus
rien
les dieux se sont retirés
plus aucun dieu n'existe
que le rien
aujourd'hui
nous ne lutterons pas /
nous rassemblerons
nous nous pencherons
sur le livre des sensations
(en suivant en écoutant) les sens
de nos nerfs cérébraux
que des
impressions décousues
Dommage,
la rive d’/ICI
jamais plus ne sera
la rive d'en /FACE
depuis trop longtemps
il n'y a plus rien à dire
je ne dirai plus
rien
les dieux se sont retirés
plus aucun dieu n'existe
que le rien
aujourd'hui
nous ne lutterons pas /
nous rassemblerons
nous nous pencherons
sur le livre des sensations
(en suivant en écoutant) les sens
de nos nerfs cérébraux
Ni seul et dans la chambre, silencieux, plein de scru- pules, et minutieux d'éruditions,
bavardant au milieu de la foule
Mais sur le seuil, à l'écoute, et chantant
à mi-voix
Mais sur le seuil, à l'écoute, et chantant
à mi-voix
![]() |
Fernando Pessoa Livro do Desassossego édition, Jerónimo Pizarro (Tinta de China) (10/2013) |
Grand Cahier.787.Alentour de Soares.042.Collages.01
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Le fil
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Que tu veuilles démêler
tes pensées comme un écheveau
tes pensées comme un écheveau
multicolore
où bien voir encore
surgir dans l'espace – nouvelle
une figure,
surgir dans l'espace – nouvelle
une figure,
) ils font ainsi les enfants
de ces jeux de ficelle qu’ils tissent
entre leurs doigts écartés (
de ces jeux de ficelle qu’ils tissent
entre leurs doigts écartés (
tu n'oublieras pas qu'il ne faut
jamais lâcher
jamais lâcher
le brin du pouce originel
Grand Cahier.596.Alentour de Soares.042.Collages.02
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L'immense
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L’immense est devenu trop
prégnant, et
tant de fois millionnaire
envahissant
tout
démesurément – il n’est plus assez de
mots pour le
dire
(Myrillion, Tria-contillion, N-plex…
Ce que nous
faisons
ne vaut pas trois
sous
Notre conscience
est nulle, comptablement
prégnant, et
tant de fois millionnaire
envahissant
tout
démesurément – il n’est plus assez de
mots pour le
dire
(Myrillion, Tria-contillion, N-plex…
Ce que nous
faisons
ne vaut pas trois
sous
Notre conscience
est nulle, comptablement
Grand Cahier.597.Alentour de Soares.042.Collages.03
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Les dieux
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Les dieux n’ont plus part au monde, retirés en nous-mêmes, ils se taisent —
Indifférente est la nature, sans bords, démesurément ne choisissant rien —
Hasard, papillon magnifique musardant sur ton front —
Dans les courbes de la plage, brûlant se devine / coquille en ce temps-là / et nacré mais depuis mort, le pli du désir de rien
(on lit toujours des contes mauresques à l’enfant
il n’y a plus à choisir : entre les blés et la touffeur des ronces vague réminiscence qui s’étiole au milieu des cyprès la dis- tance à l’abîme se prolonge)
qu’ils soient encore – parmi les hommes – ou se soient retirés, – nous dépendons – étroitement – de ce qu’ils sont – mais eux-mêmes – en ce qu’ils sont, – dépendent – étroi tement – de la nécessité
Grand Cahier.598.Alentour de Soares.042.Collages.04
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Deus é o existirmos e isto não ser tudo
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« Dieu, c’est que nous existions, et que tout ne se ramène pas à cela seulement » nous dit Soares
Ou peut-être … nous excède en tout
et c'est notre petitesse alors qui devient : difficilement acceptable
Dieu ne nous a pas rêvés, ne nous rêve pas, ne nous rêvera pas. Nous sommes seuls au monde, et c'est dans notre lucarne qu'il faut que le monde soit ou ne soit pas
Quel est donc ce rien qui le précède ?
(il n'y a pas de précédent / tout précédent se rassemble pour un suivant / tout suivant est l'effacement d'un précé- dent)
, c’est l’étrangeté de l’existence imprédicative, l'essen- tielle énergie – lumière, matière – des yeux tristes d'une vie toute entière tournée vers le rien
De quelle absurdité sommes-nous si proche ? Cendres incandescentes un si court laps de temps
Dieu – ce trop semblable cet autre – n’est qu’une ré- ponse, une réponse trop courte qui ne tient pas la distance. Dieu est une réponse qui annule la question. À quoi bon une réponse alors
Dieu est un empêcheur d’être
nécessaire, pour certains
Grand Cahier.599.Alentour de Soares.042.Collages.05
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(Être)
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Par un vague matin de congé sans histoires,
je m’apprêtais à exister,
officiellement désœuvré,
marchant de long en large,
rêvant des rêves décousus,
revêtant le réel
d’idéaux irréalisables
– J’avais au cœur
je m’apprêtais à exister,
officiellement désœuvré,
marchant de long en large,
rêvant des rêves décousus,
revêtant le réel
d’idéaux irréalisables
– J’avais au cœur
la honte d’avoir négligé / d’importantes démarches / de ne pas avoir accompli / des ambitions possibles,
fortuitement
tenu de longues
et substantielles
conversations
et substantielles
conversations
inexistantes – vues de l’extérieur,
ce moi aux songeries
sans repos ni grandeur,
aux flâneries sans but
ni raison d’espérer,
qui déambulait à voix basse,
usant toutes ses heures
ce moi aux songeries
sans repos ni grandeur,
aux flâneries sans but
ni raison d’espérer,
qui déambulait à voix basse,
usant toutes ses heures
en des promesses des impressions de liberté
lorsqu'il divague dans le cloître
lorsqu'il divague dans le cloître
de son intimité
ce moi / sachant que rien ne tient, suivant le savoir non savoir des hommes,
n'était
qu'un (être) minuscule inachevé, tête vide positionnée
devant l’absurde
devant l’absurde
Grand Cahier.600.Alentour de Soares.042.Collages.06
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Incertitude
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Grosses tardives des gouttes de pluie
tombaient encor/ par la fenêtre ouverte
et l’on sentait des fraîcheurs indécises,
azur s’en allant à l’assaut du ciel
azur quand les nuages se retirent
de ce côté-ci de château Saint-Georges
N’était-il pas venu le moment de se réjouir ?
Une envie indéfinie, un désir inconnu
tombaient encor/ par la fenêtre ouverte
et l’on sentait des fraîcheurs indécises,
azur s’en allant à l’assaut du ciel
azur quand les nuages se retirent
de ce côté-ci de château Saint-Georges
N’était-il pas venu le moment de se réjouir ?
Une envie indéfinie, un désir inconnu
comme une sensation de vivre et de mourir, mais qui s’éloigne un peu, mais qui s’absente au jour
Penché à la fenêtre, regardant haut perché, la route sans rien voir, j’étais à l’abandon
– j'étais
pareil /à ces chiffons
qui servent /à nettoyer les saletés
étendus sur le rebord /à sécher,
/là oubliés et salis languissant
sur l’appui /à leur tour
qui servent /à nettoyer les saletés
étendus sur le rebord /à sécher,
/là oubliés et salis languissant
sur l’appui /à leur tour
Grand Cahier.601.Alentour de Soares.042.Collages.07
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Quatre heures...
|
Quatre heures
L’horloge sonne claire
Je gis dans l’entre-deux des rêves,
les pensées endormies
Tout est univers NU,
abstrait,
L’horloge sonne claire
Je gis dans l’entre-deux des rêves,
les pensées endormies
Tout est univers NU,
abstrait,
réglé de colonnes de chiffres,
construit de négations nocturnes
construit de négations nocturnes
Fatigué,
anxieux je parviens
à la connaissance physique
du mystère des choses...
à la connaissance physique
du mystère des choses...
ourlé d’une lueur qui vient de loin
Cesser, dévider, bousculer
cette conscience...
cette conscience...
En finir, cesser d’être enfin,
n’être plus qu’une trace
UNE survivance métaphorique :
n’être plus qu’une trace
UNE survivance métaphorique :
L’absurde oscillation des feuilles
d’une plante grimpante
accrochée à l’encadrement
d’une plante grimpante
accrochée à l’encadrement
d’une lucarne ouverte sur la nuit
Grand Cahier.602.Alentour de Soares.042.Collages.08
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Ombre
|
Dans la clarté de la nuit
le vent
le vent
soulève lentement
des choses VAGUES
des choses VAGUES
nombreuses
et sombres
qui ne sont pas le LINGE étendu
à l’étage
à l’étage
mais l’ombre impalpable
ACCORDÉE avec les
choses
ACCORDÉE avec les
choses
Grand Cahier.606.Alentour de Soares.042.Collages.09
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|
Nuit
|
le monde sans limites
appelé univers
a-t-il encore
des raisons d’exister
lorsque tout dort
appelé univers
a-t-il encore
des raisons d’exister
lorsque tout dort
vaste trop vaste
est son programme
truffé de tant d’erreurs
replié sur lui-même
tournant pour rien
est son programme
truffé de tant d’erreurs
replié sur lui-même
tournant pour rien
\des bruits là-haut
\éclats de vitre tête folle
\ou simple poussière
d'un dieu mort – la nuit est muette
au fond est un tombeau
\éclats de vitre tête folle
\ou simple poussière
d'un dieu mort – la nuit est muette
au fond est un tombeau
*
l'inutile bannière
de ton casernement,
effilochée
flottant dans l’air
pour rien ni pour personne
de ton casernement,
effilochée
flottant dans l’air
pour rien ni pour personne
Grand Cahier.607.Alentour de Soares.042.Collages.10
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|
Refuge
|
Nous sommes tous
envahis par le bruit du monde, bousculés, par le chahut des circonstances extérieures,
le grand dehors
Et pourtant, il suffit d’une belle journée
de soleil, et l'insistante venue d’une ombre pointant la campagne pour,
sensible nous rétrécir
vers le dedans
vers le dedans
Nous ne trouvons plus alors qu’un pauvre refuge dans la maison sans portes qui se dit
nous-même
Grand Cahier.608.Alentour de Soares.042.Collages.11
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|
Nous
|
Nous ne sommes que mouche ;
Perclus de familier
tourné vers l’inconnu
nous, à l’intersection
de la raison rien d’autre
que la conscience d’un insecte
sur le tronc d’arbre de la vie,
un nom gravé en minuscule
Perclus de familier
tourné vers l’inconnu
nous, à l’intersection
de la raison rien d’autre
que la conscience d’un insecte
sur le tronc d’arbre de la vie,
un nom gravé en minuscule
no pó do necessário,
o meu nome
o meu nome
dans la poussière
du nécessaire,
les yeux rivés
– a minha escritura / com a morte. Com a morte?
sur les vitres colorées d’une cellule
au-dedans de ses grilles
du nécessaire,
les yeux rivés
– a minha escritura / com a morte. Com a morte?
sur les vitres colorées d’une cellule
au-dedans de ses grilles
Grand Cahier.613.Alentour de Soares.042.Collages.12
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Porque eu
sou do tamanho do que vejo |
J’ai la dimension de mon regard,
dit Caeiro
Ce que je vois
est l’étendue de la lumière
À la taille de ma rétine
et dans l’esprit
Son reflet dans mentis
dit l’être à sa manière
Du fond du puits des émotions
jusqu’aux étoiles
si froides,
éternelles,
et si hautaines –
le pouvoir du pli
est sans limites
est regard
qui relie les choses disparates,
ouvrant au mouvement
dit Caeiro
Ce que je vois
est l’étendue de la lumière
À la taille de ma rétine
et dans l’esprit
Son reflet dans mentis
dit l’être à sa manière
Du fond du puits des émotions
jusqu’aux étoiles
si froides,
éternelles,
et si hautaines –
le pouvoir du pli
est sans limites
est regard
qui relie les choses disparates,
ouvrant au mouvement
Grand Cahier.614.Alentour de Soares.042.Collages.13
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|
Lux
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Peut-on vraiment se réjouir
de l’étroitesse et de la clarté des Lumières ?
Quelle impression joyeuse peut-on ressentir
devant ce vaste paysage policé ?
Vie sans ombre des dieux anciens
se reposant de leur mystère
– Ce moment de délire,
cet excès de mesure
sentido / não sentido –
Être clavecin sensible
qui se pense seul au monde
persuadé que passe en lui
l’harmonie de l’univers
de l’étroitesse et de la clarté des Lumières ?
Quelle impression joyeuse peut-on ressentir
devant ce vaste paysage policé ?
Vie sans ombre des dieux anciens
se reposant de leur mystère
– Ce moment de délire,
cet excès de mesure
sentido / não sentido –
Être clavecin sensible
qui se pense seul au monde
persuadé que passe en lui
l’harmonie de l’univers
![]() |
Louis Michel van Loo Portrait de Denis Diderot (1767) |
Grand Cahier.615.Alentour de Soares.042.Collages.14
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