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Inventaire
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La chambre, elle est bleue
même le plafond où ne pend aucun lustre
Sur le plancher, les étagères et le bureau s'empilent des livres, un désordre de livres
On orne les murs de cartes lunaires, de photos de Koudelka ou d'icônes, cela pour tromper le vide bleu par des ocres et des rouges
Près de la fenêtre, un diagramme – labyrinthe d'esca- liers inachevés avec le M et la flèche
Une caisse de munitions portant une lampe, le lit (sa couverture en chaude laine), le tiroir de l’office
où l'on trouve des âmes / innombrables et mortes, mais qui scintillent / encore...
le mur d'en face et la vitre peinte
Tous aux couleurs de l'orange et du soleil
Tous aux couleurs de l'orange et du soleil
Avec les disques vinyles et la veste noire, il ne resterait plus rien à dire que ces quelques mots inscrits, tapés à la machine sur des feuilles blanches
et fichés par le travers !
Benoit Vinadelle Folie ou démence d'après Victor Hugo (les chants du crépuscule) (~2016) |
Grand Cahier.128.Révolvie.031.Maison de verre.01
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Maison de verre
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24 fois 40 blocs carrelés. Et encore 24 fois 80 morceaux de verre et plus, scellés dans l'acier
Comme une lanterne japonaise qui flotte dans l'espace, comme une membrane translucide inondée par le soleil, la lune et les étoiles
Une double échelle jaune de flammes soudain l'éveille
Rouge est la signature dans le métal
Machine à vivre
aux yeux de tous. Machinerie de théâtre
pour se mettre en scène, beau navire
de l'âme.
aux yeux de tous. Machinerie de théâtre
pour se mettre en scène, beau navire
de l'âme.
Contre les parois de glace des vannes ouvrent les feux à la cantonade. Étages sur pilotis où le spectacle se déroule
La maison est un décor de verre... de verre et de bron- ze. La maison est rubis de neige où fleurit l'arbre
Grand Cahier.121.Révolvie.031.Maison de verre.02
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Le bouleau
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Il y avait autrefois une porte vitrée avec de grands carreaux de verre de couleurs différentes garnissant le châssis. Cette porte donnait sur une courette endormie dans la noirceur des pierres
Il y avait un bouleau blanc, pas plus gros que le doigt d'un enfant, et six feuilles
Passant la porte un soleil léger cligna de l'œil. Il y avait ronde et vernie une table, un jambon qui venait de Colmar, des raisins minuscules
Un orage annonça une brusque lumière, une eau vive sur les feuilles (très petites les feuilles) quelques gouttes tombèrent. Il y avait les légumes et les fruits du jardin, le bourdonnement des guêpes, et le chat qui s’ébroue et s’enfuit
Toutes les choses s'arrêtèrent, immobiles. Le bouleau se noya. On pouvait apercevoir encore dans ce cageot de nuit le peu d'écailles blanches et de vie qu'il avait
Grand Cahier.401.Révolvie.031.Maison de verre.03
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Il n'y aura pas d'arrêt
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La tempête d'hier s'est calmée. Il a plu. Le ciel est gris, l'eau glacée. Le froid, l'humidité
Traversent la maison. Sur les murs, on a collé de longues laisses de papier couleur de soleil mais rien n'y fait. Les meubles sont trop vieux et tristes, usés. Depuis mon enfance, je les vois et les vois s'écrouler
« Précipité lent » dit le chimiste, c'est le temps
Issues de la cage d'escalier, quelques notes pointues persistent ; la radio joue un air de piano qui s'ajoute
Aux battements métalliques du réveil. Le grand verre à musique but d'un trait : plus de coups de marteau, plus de clous dans ma tête
Je m'assois sur le parquet. Ma veste posée sur le dossier de la chaise est mouillée. J'ai marché tout à l'heure dans la rue sans le moindre but. Je me tasse dans un coin, il faudrait oublier
Grand Cahier.126.Révolvie.031.Maison de verre.04
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L'oubli
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De ce ressaut,
je ne vois qu’une eau grise, une eau d’acier d’un seul tenant qui s’écoule entre moi-même et la ville industrieuse
il y a cette improbable conjugaison des termes
et le temps qui passe
et le temps qui passe
l’eau d’une rivière entraînant les herbiers, une eau qui reflue délivrant des remords
Alors je me souviens d’une cité austère
bâtie dans les granits
– le corps de garde la mer
qui donne ce goût d’algues, une soupe épaisse et douce...
les grands espaces de pierre,
le vent, l’ombre des tourelles
s’étendant sur les remparts.
De la falaise au loin,
les miettes d’un pain noir, jetées là pour longtemps
Il y eut quelques mots d’échange, et rien de plus.
Ailleurs un peu plus tard,
une main d’herbe
comme un signe d’océan
bâtie dans les granits
– le corps de garde la mer
qui donne ce goût d’algues, une soupe épaisse et douce...
les grands espaces de pierre,
le vent, l’ombre des tourelles
s’étendant sur les remparts.
De la falaise au loin,
les miettes d’un pain noir, jetées là pour longtemps
Il y eut quelques mots d’échange, et rien de plus.
Ailleurs un peu plus tard,
une main d’herbe
comme un signe d’océan
Le temps poursuit sa route, les choses vont mûrir, les choses vont s’enfuir encore
puis s’oublieront
Grand Cahier.088.Révolvie.031.Maison de verre.05
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Un lacet puis un autre
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La route déboule sous les roues, les pneus chuintent
De la route émane
une forte odeur de bitume – épaisse chauffe ainsi que laisse, et charbonneuse dans l'été
Un lacet puis un autre
Poudres et plombs m'assomment, je sue, je m'épou-mone. D'autant j'aspire
l'air sec et soleilleux d'une Provence griffée de végé- taux. L'immensité, droit devant stridule
comme un tonneau de cigales
Si l'on se fie à ce qu'indique la pancarte,
on devrait bientôt voir, se desséchant, au détour du pro- chain talus,
un olivier millénaire, le gris de ses bois confondu avec la roche
Grand Cahier.310.Révolvie.031.Maison de verre.06
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Dièse
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Variation des prés par la baie du soir
Sous la nuée couvent les toits
D'un village brun
– Le jour connaît sa faute
Rouges les laines dans la salle éteinte,
Au creux du foyer brûle en vain
La braise qui varie
– La nuit ouvre le ciel
Sous la nuée couvent les toits
D'un village brun
– Le jour connaît sa faute
Rouges les laines dans la salle éteinte,
Au creux du foyer brûle en vain
La braise qui varie
– La nuit ouvre le ciel
Grand Cahier.017.Révolvie.031.Maison de verre.07
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Sainte-Colombe
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Une fois un père un homme
D’une époque très austère
Au baroque XVIIème
Irrégulier et fleuri
À l’insu des bords de Saône,
(d’une viole épris) voulut
D’une époque très austère
Au baroque XVIIème
Irrégulier et fleuri
À l’insu des bords de Saône,
(d’une viole épris) voulut
Y ajouter une corde
Septième – une tessiture
Ajouter d'argent – un homme
Dans les branches d'un murier
Là voulut construire
Septième – une tessiture
Ajouter d'argent – un homme
Dans les branches d'un murier
Là voulut construire
son nid
Grand Cahier.471.Révolvie.031.Maison de verre.08
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L'espérance au jardin s’éternise
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Sur le couvert des ardoises qui s'incline,
On entend la griffe d’un oiseau de neige.
Les corbeaux d’hiver accentuent le contraste,
Leur livrée triste s’agace au bord du toit.
Une cheminée fume. Dans le foyer
Vont crépiter pour un temps quelques brindilles,
Rendre les flammes d’un été excessif
Les bois de l’hiver ont noirci les chemins,
Les chemins ébouriffés et creusés d'ombres.
Sur la gouttière la neige tourbillonne.
Un souffle très léger de plumes se pose.
Par la lucarne se profile les arbres
Ou la clôture du jardin. La barrière
S'ouvre sur un ciel plus sombre encore
On entend la griffe d’un oiseau de neige.
Les corbeaux d’hiver accentuent le contraste,
Leur livrée triste s’agace au bord du toit.
Une cheminée fume. Dans le foyer
Vont crépiter pour un temps quelques brindilles,
Rendre les flammes d’un été excessif
Les bois de l’hiver ont noirci les chemins,
Les chemins ébouriffés et creusés d'ombres.
Sur la gouttière la neige tourbillonne.
Un souffle très léger de plumes se pose.
Par la lucarne se profile les arbres
Ou la clôture du jardin. La barrière
S'ouvre sur un ciel plus sombre encore
Grand Cahier.042.Révolvie.031.Maison de verre.10
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As paredes
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Que disais-tu Miguel en ta légende
Qu'y avait-il auprès de ce pommier
une route une rivière un muret ?
C’est un lieu de conflit un lieu fermé
qui nous sépare et nous enclos. La dent
fait mal. Croque la pomme à pleines dents
Devant le monde au regard exposée
cette motte de terre est véritable
L'étoile des pépins guettée des merles
d’un jet retombe entre les doigts de l'herbe
Que disais-tu de ce mur protègeant
des vents d’avril, empêchant les enfants
d’y venir, et quels trésors pouvait-il
recelés ? Un orage de septembre
nous le dira peut-être ? Et va chanter
Qu'y avait-il auprès de ce pommier
une route une rivière un muret ?
C’est un lieu de conflit un lieu fermé
qui nous sépare et nous enclos. La dent
fait mal. Croque la pomme à pleines dents
Devant le monde au regard exposée
cette motte de terre est véritable
L'étoile des pépins guettée des merles
d’un jet retombe entre les doigts de l'herbe
Que disais-tu de ce mur protègeant
des vents d’avril, empêchant les enfants
d’y venir, et quels trésors pouvait-il
recelés ? Un orage de septembre
nous le dira peut-être ? Et va chanter
Grand Cahier.086.Révolvie.031.Maison de verre.11
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La souricière
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Il est de ces lieux clairs modernes décorés d'une netteté clinique high-tech. Voyez cette maison par exemple, elle est du quartier Demi Lune. Ouvert le sas, franchit l'entrée de glace avivée de jaunes tubulures
Vous montez quelques marches que recouvre un dallage de grès – une pierre de texture très serrée, non gélive, dans les tons beiges ; et vous voilà assis, assis dans une salle obscure
La mise en scène au cours métrage est peu prolixe
À voir : le village natal de Saint-Vigor-des-Mézerets, l'établi de l'ébéniste. Une gouache, un copeau de chêne, l'immensité de l'océan. Un personnage solitaire qui marche sur la crête ou bien qui s'accroupit près des nuages
C'est un canard sur lequel la pluie tombe en vain
En résumé le fait du peintre à son travail, ses moments familiers, ses quelques chaises
Vous le verrez au détour d'un couloir, sur les murs de l'expo, en reflets vidéo. Le piège est propre. L'artiste se penche, silencieux et discret. Ignorant les signaux, contour- nant les barrières, il observe une effigie de bleus et de rouges qui sont des anthracites
Grand Cahier.311.Révolvie.031.Maison de verre.12
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À l'abandon
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Qu’il me soit donné un jour de revivre
Dans cette maison couverte de lierres
Avec son jardin tranquille et désert
Envahi depuis longtemps d'herbes hautes
Retiré qu’il me soit donné de vivre
Seul un soir au bonheur des volets clos
N’attendant plus personne seul en songe
Harcelé de piailleurs catastrophiques
Dans cette maison couverte de lierres
Avec son jardin tranquille et désert
Envahi depuis longtemps d'herbes hautes
Retiré qu’il me soit donné de vivre
Seul un soir au bonheur des volets clos
N’attendant plus personne seul en songe
Harcelé de piailleurs catastrophiques
Grand Cahier.320.Révolvie.031.Maison de verre.13
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Barrage
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C’est d’un seul tenant,
– lisse est l'eau le long de la rivière –
on y blanchissait des lins
C’est une eau qui s’avance en masse où les rames plongent en silence
Nous avons lutté / contre les courants nous avons espéré / des berges du matin jusqu’aux derniers rivages
Nos efforts, les mouvements de nos deux bras
ne se sont arrêtés qu’à l’épuisement, à
l’arrivée de la nuit
l’arrivée de la nuit
Le barrage est un écran de brume qui scintille comme un feu de rampe sur la scène devant nous
comme un théâtre végétal et mortel
Il reste encore une écluse à passer dans le vacarme des eaux bleues. Les berges qui parfois se rapprochent sont enchevêtrées de chant d'oiseaux
Grand Cahier.343.Révolvie.031.Maison de verre.14
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Renoncement
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Vous atteindre mes provinces belles c’est vous perdre. Et tout pays me conviendra, qu’il soit natal ou non
si pour un temps j’y trouve
un havre de paix et la nuit du rêve
Si je dors et si
je me réveille (je tourne la clef)
la porte qui s’ouvre est une porte réelle
Je n’ai pas de regret
un havre de paix et la nuit du rêve
Si je dors et si
je me réveille (je tourne la clef)
la porte qui s’ouvre est une porte réelle
Je n’ai pas de regret
Un rêve est un rêve, il n’est pas fait de chairs. Est une tête sans mains qui ne vaut pas grand’ chose...
Rien que je puisse toucher. Or, c’est dans nos mains que s’invente la terre,
unitive, nous offrant liberté. La terre
au visage de violette
dans un ciel mais d'ici
échappée, dégagée, sauvée !
au visage de violette
dans un ciel mais d'ici
échappée, dégagée, sauvée !
Grand Cahier.089.Révolvie.031.Maison de verre.15
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Un goût
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Grand mur blanc,
moellons de soleil jetés
Le mortier sèche et tombe
mangé de lierres
noircis de baies
Et peut-être de quelques roses
Seule une lumière
aux ombres variées
une musique, un air
pour unique mémoire
Puis le silence
plus vaste que la mer
plus brillant que les neiges
moellons de soleil jetés
Le mortier sèche et tombe
mangé de lierres
noircis de baies
Et peut-être de quelques roses
Seule une lumière
aux ombres variées
une musique, un air
pour unique mémoire
Puis le silence
plus vaste que la mer
plus brillant que les neiges
Ô l'immense plaine du bleu sur le toit de cette maison !
Grand Cahier.093.Révolvie.031.Maison de verre.16
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Affleurements
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Ce vase à col étroit d'où jaillissent des fleurs
La fine bleuité de cette porcelaine
Les tiges coupées, l'eau surie sa forte odeur
Voici comme à la mort est la vie, souveraine
Il reste peu de temps le soir quand l’heur s’en va
Cette porte qui baille est une tombe au cœur
Un manteau de poussière, une triste lumière
Ce léger parfum qui émane d’un linceul
Signale qui fut là dans les tons de l'oubli
Les clous de tes souliers s'enfoncent dans les sables
Des groupes de moineaux sautillent par endroits
Des groupes de moineaux pépient comme des miettes
Les vasques sont en fleurs, quatre pigeons s’envolent
Vers les quatre points cardinaux d’une fontaine
La peau s'écaille par le sel et par le feu
Les lèvres d’argile s'évasent sur la roue
C’est le potier qui rêve le potier qui songe
Stable et rugueuse matière, elle est Rose terre
Indifférente à la nuit tendre des jardins
La fine bleuité de cette porcelaine
Les tiges coupées, l'eau surie sa forte odeur
Voici comme à la mort est la vie, souveraine
Il reste peu de temps le soir quand l’heur s’en va
Cette porte qui baille est une tombe au cœur
Un manteau de poussière, une triste lumière
Ce léger parfum qui émane d’un linceul
Signale qui fut là dans les tons de l'oubli
Les clous de tes souliers s'enfoncent dans les sables
Des groupes de moineaux sautillent par endroits
Des groupes de moineaux pépient comme des miettes
Les vasques sont en fleurs, quatre pigeons s’envolent
Vers les quatre points cardinaux d’une fontaine
La peau s'écaille par le sel et par le feu
Les lèvres d’argile s'évasent sur la roue
C’est le potier qui rêve le potier qui songe
Stable et rugueuse matière, elle est Rose terre
Indifférente à la nuit tendre des jardins
Grand Cahier.145.Révolvie.031.Maison de verre.17
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Extinction du monde
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La nuit débouche du plus bas, du fond du pré, la nuit monte comme une eau, envahit l’espace
Le soleil glisse au bois quelques derniers ciseaux, un rayon court en biais jusqu'en haut des rues, s’égare
dans les étages, puis s’échappe d’un coup par les toits. Le soleil
ne brille plus que sur un coq
disparait dans l’indis-
tinc
t
Grand Cahier.221.Révolvie.031.Maison de verre.18
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Guépard de verre
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Billes sonores, billes
tombées
dans les poches du ciel
sur les toits lisses de l’été,
le jour s’est brisé le jour,
en de multiples éclats en pétales
de couleurs
Je te rencontre ici
à l'angle acéré de la rue
Plus rien qui soit pareil
il y a trop de clarté
une tendre motion se libère
et lorsqu’une douleur
me traverse – une autre meurt
Les jardins foisonnent, bondis-
sent par-dessus le mur,
rendant leurs roses
On entend dans les cours
des cris lointains. La maison nous accueille
Immobile est dans l'air
le laurier
tombées
dans les poches du ciel
sur les toits lisses de l’été,
le jour s’est brisé le jour,
en de multiples éclats en pétales
de couleurs
Je te rencontre ici
à l'angle acéré de la rue
Plus rien qui soit pareil
il y a trop de clarté
une tendre motion se libère
et lorsqu’une douleur
me traverse – une autre meurt
Les jardins foisonnent, bondis-
sent par-dessus le mur,
rendant leurs roses
On entend dans les cours
des cris lointains. La maison nous accueille
Immobile est dans l'air
le laurier
Shoichi HASEGAWA À la découverte du palais perdu (2015) |
Grand Cahier.171.Révolvie.031.Maison de verre.19
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