On dit que le bambou...


On dit que le bambou s'écrit depuis les Yin – c’est le texte disparu des légendes Les feuilles du bambou sont pinceau et encre

Il y eut une époque où les signes étaient encore parlant, étaient graphe de corbeaux effrayés, simulation en aile de libellule, serrement des griffes du passereau

Dans le jardin petit comme un grain de moutarde
est caché l'univers

Dongpo dit qu'il ne faut pas ignorer la loi du bambou et met en garde celui qui additionnerait joint à joint, feuille à feuille plutôt que de peindre les rides. Car déjà les turions possèdent les nœuds et le vide et ne font que reprendre en grandissant ce qu'ils possèdent déjà

On dit que la note jaune fut produite pour la première fois par le maître de musique Liung Liun. Du chaume d'un bambou, cueilli à l'ouest de Dahai dans le val de Yeqi, tube taillé de longueur précise et rempli de grains, est issu la mesure initiale des douze sons, la hauteur absolue qui fut à n'en pas douter le fa

Dans son registre généalogique du bambou, Dai Kaishi nous dit qu'il se distingue des autres herbes, des autres arbres
(le matin
on le plante
le soir
on y prend le frais),
qu'il est modeste, fin, ferme, inflexible et qu'il ne craint pas la neige, tous caractères qui font de lui un gentilhomme

Lorsque l'empereur Shun au cours de son voyage mourut de fatigue dans le sud de la Chine, on dit que ses épouses le pleurèrent jusqu'à Xiangjiang, la rivière du Hunan, et que leurs larmes tombèrent sur des bambous, y laissant des taches

Les brins de bambous tachetés de larmes
sont émetteurs de sentiments
dit un poème

Xiaojun WANG
Oeuvres anciennes : Bambou et pierre (Xieyi demi)
(2015)

Grand Cahier.431.Les jardins sont un langage.038.l'Harmonie.03

L'amateur de prunus


Et quand il fait froid
il faut aller voir éclore,
si l'on a de l'amour,
les fleurs de prunus

Il y a bien des méthodes,
sans y aller à
dos de mule comme le
fit Meng Haoran

Ceux qui aiment la montagne emporteront avec eux une tente fermée sur trois côtés et ouverte sur l'avant comme un filet de chasse. Et puis dessous, beaucoup de charbons pour réchauffer l'arack

Ceux qui aiment à façonner leur jardin disposeront plusieurs écrans de papier recouverts d'un toit plat. Et dans les quatre directions, une fenêtre ouvragée qui s'ouvre et qui se ferme, selon l'endroit des fleurs

On suspendra près de l'entrée cette inscription
« Logis pour s'approcher des fleurs »

Parmi celles-ci, un panonceau planté dira
« Fleurs des distances raccourcies »

Meng Haoran
le plus vieux des poètes Tang, ami de Wang Wei
(689.691 - 740)

Grand Cahier.430.Les jardins sont un langage.038.l'Harmonie.02

Le langage est un jardin...


Le langage est un jardin
Que la pierre et l'eau composent

Car de chaque mot s'échappe
Insaisissable une

eau claire
Mais chacun d'eux va s'é-
cri r
e

Resserré
sur lui-même,
Qui recèle
une pierre

À la manière (à la main) du jardin zen du temple
Myōshin-ji (Kyoto)

Grand Cahier.412.Les jardins sont un langage.038.l'Harmonie.01

Le Maître des filets (网师园)

*


Attardez-vous



En quelques coups de pinceau il composa de lettres son jardin, stèles aussi bien gravées, tablettes suspendues que petites montagnes qui ne peuvent se passer de terre, droites falaises, grottes de pierre ou menus rocs

En toute rigueur et ingéniosité, le maître disposa sa rocaille à l'ombre d'un ginkgo millénaire

Les quatre quartiers il les relia d'un long passage cou- vert. Au centre, les eaux du lac et puis les pierres
qui écoutent le luth. À l'est,
la cour et les toits aux angles relevés. Un paysage de campagne paisible au nord. Plus vaste les régions de l'ou- est, la colline et son bois de pins argentés

Le maître en ces lieux entassa douze précieux monu- ments que les temps avaient laissés à l'abandon

« J'ai coutume de dire que façonner sa demeure ou écrire sont une seule et même chose »

Louyue kaiyun - 鏤月開雲
Yuanming Yuan, quarante vues du jardin de la Clarté parfaite
Dynastie des Qing, ère Qianlong, an 9, 1744

Grand Cahier.422.Les jardins sont un langage.037.Le Maître des filets.01 {•••}


Condensé de nature



La plupart sont vendeurs de poules et joueurs impro- visés de mah-jongg accoudés à des caisses de bois

Un vent frais se lève

Où est-il le mandarin pêcheur qui goûtait son gâteau de lune sous le kiosque au milieu de l'étang et suivait le sentier sinueux d'un jardin miniature, propice à la méditation ?

Empruntant le paysage

Allant peindre ou lire à haute voix dans son pavillon d'une fin de printemps

Éclat du lac, coloris des montagnes, brumes et nuages, bambous – les bûcherons, les bergers, les vieillards ivro- gnes et les belles en promenade – tous retenus dans le pli d'un éventail

Grand Cahier.423.Les jardins sont un langage.037.Le Maître des filets.02 {•••}


Grenadiers



Il n'a pas besoin d'être plus grand que deux trois mu notre jardin envahi des grenadiers
Leur nombre n'est pas superflu, j'en planterai comme il convient

Une terre sèche et rocailleuse est bonne à leur nature, ils aiment bien le soleil, les grenadiers, ils sont la richesse des jardins, aussi petits soient-ils, et l'ornement

Bâtir un kiosque à hauteur de leur front pour accueillir les immortels venus des airs

S'appuyer au vieux balustre et contempler le rouge orangé des fleurs sessiles, en entonnoir jaillissant d'un calice

Grand Cahier.424.Les jardins sont un langage.037.Le Maître des filets.03 {•••}


Yuanxiao



Fille d'honneur de Wudi, du grand maître de la lignée des Han, tu pleures l'absence de tes parents. Yuanxiao, fille recluse, depuis longtemps, les larmes coulent de tes yeux

Compte sur Dongfang Shuo, pour convaincre l'empe- reur d'inventer la fête des lanternes et des boulettes de riz glutineux qu'il adore

Sinon la ville sur les ordres du céleste de Jade au quin- zième jour du mois lunaire sera incendiée par le Génie du Feu

Yuanxiao, tu revois tes parents au retour de l'année et tu apprécies le vin d'osmanthe

Lis-nous les devinettes
Goûte et dis-nous,
de quoi sont composées les boulettes :
poireau, moutarde,
ciboule,
ail ou gingembre ?

Grand Cahier.426.Les jardins sont un langage.037.Le Maître des filets.04 {•••}


Sur la lune est un cratère où pousse
un arbre d'osmanthe



Une nuit de fête d'automne (la lune inondait le paysage d'une clarté blafarde) Deming, alors moinillon du temple Lingyin, préparait son bouillon lorsqu'il entendit tomber des gouttes de pluie

Il regarda surpris par la fenêtre mais ne vit briller que les Pléiades dans la profondeur infinie du ciel

Il ouvrit la porte, sortit et levant la tête il s'aperçut que voltigeaient dans l'air puis tombaient sur le sommet de la montagne auprès de l'ermitage une nuée de perles, une averse de graines. Il contempla longuement ce spectacle. Chaque graine diffusait des rayons multicolores

Quand ce fut fini, Deming s'en alla sur la montagne et remplit ses poches de tout ce jeu de trésors minuscules

Il ne revint qu'à l'heure du petit déjeuner, aux premiers souffles du matin. Il montra sa trouvaille à son maître Zhiyi

« Mon fils, ne sais-tu pas qu'il existe sur la lune un génie qui s'obstine à vouloir détruire l'arbre de vie – un lièvre y prépare l'élixir à l'ombre de son feuillage – l'arbre des cou- leurs, l'arbre inépuisable du verbe ; de sa hache, il cogne le tronc mais ne parvient jamais au bout de sa tâche et s'é- puise car le bois est très dur

Et les germes de cet arbre magnifique sous le choc ont volé jusqu'à nous, jusqu'à toi ignorant petit moine. Sois fier, sois respectueux du don qui t'est fait…

Va planter ces graines au bord du lac de l'Ouest. Elles poussent très vite. Dès la fin de l'automne, elles seront devenues de hautes et fortes tiges et se couronneront de fleurs roses, jaunes, pourpres et blanches

Et selon leur éclat seront baptisées 'osmanthe d'or', 'osmanthe d'argent', 'osmanthe de rose' »

Grand Cahier.426.Les jardins sont un langage.037.Le Maître des filets.05 {•••}


Stellata



Fleurs d'Himalaya, floraison de neige primitive, blanches étoiles jaillissant du bout des branches, tulipées comme des linges quand pointe l'aube d'une fraicheur vernale, quand mars éclate en un bouquet d'artifice, flamboiement de rose, magnolias, vous êtes alors d'une telle évidence, d'une telle abondance. Yulan !

Fleurs oublieuses, vous n’avez
pour seul défaut que d’être
abandonnées,

là-bas toutes ensembles

Inévitablement, au comble
de la prospérité vient le déclin, c'est un principe
constant. Au cœur de la plénitude

naît le vide

Un coup de pied du gel, un coup de vent venu de l'ouest – richesse, gloire, splendeurs ne sont plus que tâches recroquevillées au sol, oubli de poussières broyées, le fouillis mauvais de trois jours

Grand Cahier.428.Les jardins sont un langage.037.Le Maître des filets.06 {•••}


Fugui



Peut-on exiger par les nuits de neige, comme le fit Wu Zetian, impératrice accompagnée de ses deux coqs, édicter, sommer la déesse que le jardin de cent fleurs, au matin soit fleuri

Décrète si tu veux, dit la pivoine. J'attendrai fidèle à ma nature, on me dit salutaire – que le temps soit venu et l'endroit exposé de plein sud

M'accommoder ?
– N'y compte pas
Me faire plier ?
– De quelle façon ?

Que ta colère m'envoie jusqu'à Luoyang, j'y resterai longtemps pour sa prospérité

Après tout, l'oiseau de la grotte de cinabre
regarde toujours
   vers
le soleil

L'impératrice Wu Zetian, 武则天
(née le 17 février 624 à Lizhou et morte le 16 décembre 705)
Dynastie Tang

Grand Cahier.429.Les jardins sont un langage.037.Le Maître des filets.07 {•••}

Fugui


Peut-on exiger par les nuits de neige, comme le fit Wu Zetian, impératrice accompagnée de ses deux coqs, édicter, sommer la déesse que le jardin de cent fleurs, au matin soit fleuri

Décrète si tu veux, dit la pivoine. J'attendrai fidèle à ma nature, on me dit salutaire – que le temps soit venu et l'endroit exposé de plein sud

M'accommoder ?
– N'y compte pas
Me faire plier ?
– De quelle façon ?

Que ta colère m'envoie jusqu'à Luoyang, j'y resterai longtemps pour sa prospérité

Après tout, l'oiseau de la grotte de cinabre
regarde toujours
   vers
le soleil

L'impératrice Wu Zetian, 武则天
(née le 17 février 624 à Lizhou et morte le 16 décembre 705)
Dynastie Tang

Grand Cahier.429.Les jardins sont un langage.037.le Maître des filets.07

Stellata


Fleurs d'Himalaya, floraison de neige primitive, blanches étoiles jaillissant du bout des branches, tulipées comme des linges quand pointe l'aube d'une fraicheur vernale, quand mars éclate en un bouquet d'artifice, flamboiement de rose, magnolias, vous êtes alors d'une telle évidence, d'une telle abondance. Yulan !

Fleurs oublieuses, vous n’avez
pour seul défaut que d’être
abandonnées,

là-bas toutes ensembles

Inévitablement, au comble
de la prospérité vient le déclin, c'est un principe
constant. Au cœur de la plénitude

naît le vide

Un coup de pied du gel, un coup de vent venu de l'ouest – richesse, gloire, splendeurs ne sont plus que tâches recroquevillées au sol, oubli de poussières broyées, le fouillis mauvais de trois jours

Magnolia étoilé
Siebold, Zuccarini, Maximowicz
(1872)

Grand Cahier.428.Les jardins sont un langage.037.le Maître des filets.06

Sur la lune est un cratère où pousse
un arbre d'osmanthe


Une nuit de fête d'automne (la lune inondait le paysage d'une clarté blafarde) Deming, alors moinillon du temple Lingyin, préparait son bouillon lorsqu'il entendit tomber des gouttes de pluie

Il regarda surpris par la fenêtre mais ne vit briller que les Pléiades dans la profondeur infinie du ciel

Il ouvrit la porte, sortit et levant la tête il s'aperçut que voltigeaient dans l'air puis tombaient sur le sommet de la montagne auprès de l'ermitage une nuée de perles, une averse de graines. Il contempla longuement ce spectacle. Chaque graine diffusait des rayons multicolores

Quand ce fut fini, Deming s'en alla sur la montagne et remplit ses poches de tout ce jeu de trésors minuscules

Il ne revint qu'à l'heure du petit déjeuner, aux premiers souffles du matin. Il montra sa trouvaille à son maître Zhiyi

« Mon fils, ne sais-tu pas qu'il existe sur la lune un génie qui s'obstine à vouloir détruire l'arbre de vie – un lièvre y prépare l'élixir à l'ombre de son feuillage – l'arbre des cou- leurs, l'arbre inépuisable du verbe ; de sa hache, il cogne le tronc mais ne parvient jamais au bout de sa tâche et s'é- puise car le bois est très dur

Et les germes de cet arbre magnifique sous le choc ont volé jusqu'à nous, jusqu'à toi ignorant petit moine. Sois fier, sois respectueux du don qui t'est fait…

Va planter ces graines au bord du lac de l'Ouest. Elles poussent très vite. Dès la fin de l'automne, elles seront devenues de hautes et fortes tiges et se couronneront de fleurs roses, jaunes, pourpres et blanches

Et selon leur éclat seront baptisées 'osmanthe d'or', 'osmanthe d'argent', 'osmanthe de rose' »

Qian Hui'an
Wu Gang coupant l'arbre d'Osmanthe
(1833-1911)

Grand Cahier.426.Les jardins sont un langage.037.le Maître des filets.05

Yuanxiao


Fille d'honneur de Wudi, du grand maître de la lignée des Han, tu pleures l'absence de tes parents. Yuanxiao, fille recluse, depuis longtemps, les larmes coulent de tes yeux

Compte sur Dongfang Shuo, pour convaincre l'empe- reur d'inventer la fête des lanternes et des boulettes de riz glutineux qu'il adore

Sinon la ville sur les ordres du céleste de Jade au quin- zième jour du mois lunaire sera incendiée par le Génie du Feu

Yuanxiao, tu revois tes parents au retour de l'année et tu apprécies le vin d'osmanthe

Lis-nous les devinettes
Goûte et dis-nous,
de quoi sont composées les boulettes :
poireau, moutarde,
ciboule,
ail ou gingembre ?

La fête des Lanternes 元宵节,
clôture du Nouvel An chinois
(entre 21/01 et le 19/02) + 15 jours

Grand Cahier.425.Les jardins sont un langage.037.le Maître des filets.04

Grenadiers


Il n'a pas besoin d'être plus grand que deux trois mu notre jardin envahi des grenadiers
Leur nombre n'est pas superflu, j'en planterai comme il convient

Une terre sèche et rocailleuse est bonne à leur nature, ils aiment bien le soleil, les grenadiers, ils sont la richesse des jardins, aussi petits soient-ils, et l'ornement

Bâtir un kiosque à hauteur de leur front pour accueillir les immortels venus des airs

S'appuyer au vieux balustre et contempler le rouge orangé des fleurs sessiles, en entonnoir jaillissant d'un calice

Colibri et grenades
par Jin Chen
(1878 - 1926)

Grand Cahier.424.Les jardins sont un langage.037.le Maître des filets.03

Condensé de nature


La plupart sont vendeurs de poules et joueurs impro- visés de mah-jongg accoudés à des caisses de bois

Un vent frais se lève

Où est-il le mandarin pêcheur qui goûtait son gâteau de lune sous le kiosque au milieu de l'étang et suivait le sentier sinueux d'un jardin miniature, propice à la méditation ?

Empruntant le paysage

Allant peindre ou lire à haute voix dans son pavillon d'une fin de printemps

Éclat du lac, coloris des montagnes, brumes et nuages, bambous – les bûcherons, les bergers, les vieillards ivro- gnes et les belles en promenade – tous retenus dans le pli d'un éventail

Éventail, feuille double en papier
Chine vers 1880

Grand Cahier.423.Les jardins sont un langage.037.le Maître des filets.02

Attardez-vous


En quelques coups de pinceau il composa de lettres son jardin, stèles aussi bien gravées, tablettes suspendues que petites montagnes qui ne peuvent se passer de terre, droites falaises, grottes de pierre ou menus rocs

En toute rigueur et ingéniosité, le maître disposa sa rocaille à l'ombre d'un ginkgo millénaire

Les quatre quartiers il les relia d'un long passage cou- vert. Au centre, les eaux du lac et puis les pierres
qui écoutent le luth. À l'est,
la cour et les toits aux angles relevés. Un paysage de campagne paisible au nord. Plus vaste les régions de l'ou- est, la colline et son bois de pins argentés

Le maître en ces lieux entassa douze précieux monu- ments que les temps avaient laissés à l'abandon

« J'ai coutume de dire que façonner sa demeure ou écrire sont une seule et même chose »

Louyue kaiyun - 鏤月開雲
Yuanming Yuan, quarante vues du jardin de la Clarté parfaite
Dynastie des Qing, ère Qianlong, an 9, 1744

Grand Cahier.422.Les jardins sont un langage.037.le Maître des filets.01

l'Humble Administrateur

*


Suzhou



« De la terre ou du ciel »
Tel est le nom français des montagnes de Sugiu

Marco lorsqu'il descendit vers Quinsai nota que la rhubarbe y pousse en grande perfection et que le gingembre est bon marché. Ainsi pour un gros de Venise, quarante livres de frais et du bon

Il alla jusqu’à compter les six mille ponts de pierres qui surplombent les eaux de la cité. Deux galères pouvaient y passer de front

Il s'étonna du très grand nombre d'habitants, des gran- dissimes quantités de soie, de la sagesse des marchands, de la subtilité des hommes dans tous les arts, magiciens, philosophes et grands mires naturels

Mais de l'ouvrage maniéré des jardins inoubliables
Rien ne dit

Abraham Cresques
Atlas catalan, La caravane de Marco Polo voyageant vers les Indes
(1375)

Grand Cahier.411.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.01 {•••}


La fonderie des jardins



Ji Cheng écrivit, le premier en son genre, un livre illustre. Il n’existe pas, il n’y a rien de tel où que ce soit

« Savez-vous que la taille
d'un galet de pavage
doit‑être de la taille
d'un
œuf d'oie
pour qu'il ressemble
à un brocart de Shu »

Ji Cheng connaissait tous les arts – peinture&poésie qui sont une seule et même chose, calligraphie, ceux des fleurs et ceux du thé. Il les mêla – les cultiva-t-il ? Non,

mais il construisit son jardin, églogue de pierre et d'eau

« Une brise va naître
du bosquet de bambous
tandis que l'on prépare
les boissons glacées

Quel bonheur
que de vider quelques coupes de vin
en guise de gage
dans un kiosque frais ! »

Grand Cahier.414.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.02 {•••}


Au val de Jante



Ji Cheng écrivit, le premier en son genre, un livre illustre. Il n’existe pas, il n’y a rien de tel où que ce soit

« Savez-vous que la taille
d'un galet de pavage
doit‑être de la taille
d'un
œuf d'oie
pour qu'il ressemble
à un brocart de Shu »

Ji Cheng connaissait tous les arts – peinture&poésie qui sont une seule et même chose, calligraphie, ceux des fleurs et ceux du thé. Il les mêla – les cultiva-t-il ? Non,

mais il construisit son jardin, églogue de pierre et d'eau

« Une brise va naître
du bosquet de bambous
tandis que l'on prépare
les boissons glacées

Quel bonheur
que de vider quelques coupes de vin
en guise de gage
dans un kiosque frais ! »

Grand Cahier.415.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.03 {•••}


L'ordinaire



Shen Fu, petit homme subalterne, sensible, original de caractère, naquit à Suzhou, fut bon peintre de fleurs. Avec justesse, il exprima quelques faits banals et mourut

Il tint au fil inconstant des jours, des propos limpides, extrêmement concis pour ce qui concerne l'art secret des jardins

Mais ne s'agissait-il que de cela ?

Créer de petits lieux clos dans de vastes étendues et donner l'illusion de la grandeur quand l'espace est restreint, densifier le vide en matérialisant l'irréel, alterner mystère et évidence, les approches faciles et le profond retrait

Ses préoccupations d'
enfant, ses imaginations, elles
se retrouvent
aussi
au détour d'une phrase, à hauteur de mire
d'un poème,
d'un voyage immobile
un dessin,
au pied d'une terrasse envahie d'herbes folles,
dans le creux d'un muret de terre

Où chaque détail finit par devenir un univers, une forêt, une montagne, une vallée

Grand Cahier.416.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.04 {•••}


Hushi



Les préposés du bureau dussent-ils ordonner la levée de corvées pour dix mille hommes – des efforts consi- dérables ; dussent-ils provoquer le mécontentement général et précipiter la chute de l'empire, chaque pierre, quelle que soit la taille qu'elle aura, chaque pierre marquée d'un ban- deau de papier jaune, appartient à l'empereur – elle ornera ses jardins

Elles sont
 les pierres
l'âme des jardins
Elles sont
 les pierres
le réceptacle de l'âme
Lorsqu'elles
proviennent
(Pétales
 (apel.les)
 fleurs de calcaire) modelées
du lac Tai

Escarpées, rongées par les vagues, on les nomme cimes de rocher. Celles qu'on aime doivent être maigres et non charnues, percées de tunnels de part en part, de galeries verticales, avec une peau ridée de vieux sage et non lissée, comme Guanyun encapuchonné de nuages

Grand Cahier.417.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.05 {•••}


Tao Qian



Tao Qian, près de la haie de l'est, se pencha pour cueil- lir les chrysanthèmes, se releva
sereinement afin de contempler au loin
les montagnes du sud

Beau geste, belle manière
d'un amateur de vin et de fleurs de pêcher,

flores de melocoton, bich, phai, bach, that ton
– tels sont les noms vietnamiens de couleurs qui ornent le Têt

Et cette colonie de rescapés de la dynastie des Qin qui vécut un siècle et demi dans la paix, la liberté et l'abon- dance

Voilà un homme qui ne plie pas l'échine pour cinq boisseaux de riz et qui préfère laisser déborder sa fierté du côté méridional

Se contenter d'un petit espace, chaque jour pour son plaisir parcourir son jardin, faire le tour
(l'infini est au détour)
yí bào yèzi brassée entouré de ses bras un pin cen- tenaire

Grand Cahier.418.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.06 {•••}


Petits, soigneux...



Petits, soigneux
sont les jardins du lettré
herbe-fenêtre-lune

On appelle jardin ces morceaux de nature complétés d'un bâtiment de simple construction, modeste, très ouvert ; jardin, les inspirés dispositifs, les cloisons qui distribuent l'espace – murs blancs et toits de tuiles noires, fenêtres et portes rouges établissant des fonctions très précises, et qui donnent à chacun conformément sa place

Dit ou dessiné
à grands traits de pinceau,
voici le paysage

Grand Cahier.420.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.07 {•••}


Zhuozheng



Lorsque le censeur impérial, qu'à tort on accusa de cor- ruption, décida de se retirer de la vie politique et de ses affronts, ses jeux et rivalités, il acheta le temple Dahong et construisit

Cage ombragée de fleurs et de plantes d'où l'on aime à sortir d'un coup

dans la nature. Cet usinage, cette falsification d'icelle
qu'il appela Zhuozheng

Les trois cinquièmes sont composés d’un plan d’eau coupé de ponts, comme rocaille en bordure de ces édifices aux formes contournées, d’une galerie qui zigzague

– Changer de paysage à chacun de ses pas,
suivre l'allée sinueuse conduisant à la beauté sereine –

Car de cultiver son jardin et de vendre ses légumes, cela aussi est la politique de l'humble administrateur.

Grand Cahier.421.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.08 {•••}


Anecdote



Harassé d'une marche trop longue, Tao Yuanming près de l'étang vint s'asseoir
L'ombre était apaisante des saules

Il prit sa cithare et joua dans la clarté du jour, mêlant et notes et chant d'oiseaux et clapotis des vagues
Flore et faune l'écoutèrent
Plus aucun nuage dans le ciel n'osa bouger

Le désordre des choses disparu, Tao s'endormit sous l'osier des saules toujours vert
Auprès de lui, la cithare avait perdu ses cordes

Tao Yuanming appuyé contre un roc
par Fan Zeng
(1980)

Grand Cahier.421.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.09 {•••}

Anecdote


Harassé d'une marche trop longue, Tao Yuanming près de l'étang vint s'asseoir
L'ombre était apaisante des saules

Il prit sa cithare et joua dans la clarté du jour, mêlant et notes et chant d'oiseaux et clapotis des vagues
Flore et faune l'écoutèrent
Plus aucun nuage dans le ciel n'osa bouger

Le désordre des choses disparu, Tao s'endormit sous l'osier des saules toujours vert
Auprès de lui, la cithare avait perdu ses cordes

Tao Yuanming appuyé contre un roc
par Fan Zeng
(1980)

Grand Cahier.419.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.09

Zhuozheng


Lorsque le censeur impérial, qu'à tort on accusa de cor- ruption, décida de se retirer de la vie politique et de ses affronts, ses jeux et rivalités, il acheta le temple Dahong et construisit

Cage ombragée de fleurs et de plantes d'où l'on aime à sortir d'un coup

dans la nature. Cet usinage, cette falsification d'icelle
qu'il appela Zhuozheng

Les trois cinquièmes sont composés d’un plan d’eau coupé de ponts, comme rocaille en bordure de ces édifices aux formes contournées, d’une galerie qui zigzague

– Changer de paysage à chacun de ses pas,
suivre l'allée sinueuse conduisant à la beauté sereine –

Car de cultiver son jardin et de vendre ses légumes, cela aussi est la politique de l'humble administrateur.

Wang Xianchen
拙政园 (Zhuōzhèng Yuán)
Le jardin de l'Humble Administrateur à Suzhou
(1509)

Grand Cahier.421.Les jardins sont un langage.036.l'Humble Administrateur.08

Articles les plus consultés


à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte