Une nuit de fête d'automne (la lune inondait le paysage d'une clarté blafarde) Deming, alors moinillon du temple Lingyin, préparait son bouillon lorsqu'il entendit tomber des gouttes de pluie
Il regarda surpris par la fenêtre mais ne vit briller que les Pléiades dans la profondeur infinie du ciel
Il ouvrit la porte, sortit et levant la tête il s'aperçut que voltigeaient dans l'air puis tombaient sur le sommet de la montagne auprès de l'ermitage une nuée de perles, une averse de graines. Il contempla longuement ce spectacle. Chaque graine diffusait des rayons multicolores
Quand ce fut fini, Deming s'en alla sur la montagne et remplit ses poches de tout ce jeu de trésors minuscules
Il ne revint qu'à l'heure du petit déjeuner, aux premiers souffles du matin. Il montra sa trouvaille à son maître Zhiyi
« Mon fils, ne sais-tu pas qu'il existe sur la lune un génie qui s'obstine à vouloir détruire l'arbre de vie – un lièvre y prépare l'élixir à l'ombre de son feuillage – l'arbre des cou- leurs, l'arbre inépuisable du verbe ; de sa hache, il cogne le tronc mais ne parvient jamais au bout de sa tâche et s'é- puise car le bois est très dur
Et les germes de cet arbre magnifique sous le choc ont volé jusqu'à nous, jusqu'à toi ignorant petit moine. Sois fier, sois respectueux du don qui t'est fait…
Va planter ces graines au bord du lac de l'Ouest. Elles poussent très vite. Dès la fin de l'automne, elles seront devenues de hautes et fortes tiges et se couronneront de fleurs roses, jaunes, pourpres et blanches
Et selon leur éclat seront baptisées 'osmanthe d'or', 'osmanthe d'argent', 'osmanthe de rose' »
Qian Hui'an Wu Gang coupant l'arbre d'Osmanthe (1833-1911) |
Grand Cahier.426.Les jardins sont un langage.002.le Maître des filets.05