Intensités

*

Die Sonnenblumen

Ihr goldenen Sonnenblumen,
Innig zum Sterben geneigt,
Ihr demutsvollen Schwestern
In solcher Stille
Endet Helians Jahr
Gebirgiger Kühle.
...

Les tournesols

Ô tournesols dorés,
Avec ferveur, prêt à mourir,
Ô très humble sœur
Dans un tel silence
Prend fin l'année d'Hélian
D'un froid de cimes
...


Je me souviens...


1.
Je me souviens que nous allions,
l’un à côté de l’autre nous cacher vers les hauts, dans la touffeur des combles

Brûlante venait la soif,
comme les griffes du Tigre sur une peau tendue, comme une poussière
d'Egypte dans les rayons du sel

L'ascenseur tirait à l'infini les corps patients ; je me souviens que nous mourrions,

que la faim nous prenait aux claires-voies du désir. Chairs tuméfiées sur les parpaings du temps

Grand Cahier.052.Refonds.004.Intensités.01 {•••}


On plie le corps...


2.
On plie le corps contre un bois de charpente
On blesse le cœur qui cogne trop vite
La peau va s'érafler. Une écharde,
un peu de sang va pénétrer dans la poussière
La bouche se ferme et s’ouvre, on halète
C'est à se mordre la langue

La guerre va s'aggraver malgré les larmes

Les faims et les soifs,
elles vont grossir, elles vont enfler encore
Les ballons couleur de soleil vont éclater,
vont se crever
Qu'il rie, ou qu'il acclame,
qu'il mette à sac tous les édits !

La barre du jardin a versé où l'ortie foisonne

Grand Cahier.053.Refonds.004.Intensités.02 {•••}


Roche des Rames


3.
Aspiré par le dehors

je descends la roche des Rames
que la bruyère
recouvre, traverse la rivière et,

saisi par l'inutile énervement du jeu,
les bras battants, me précipite
sous les hêtres d'un versant troué

Combien de secondes
va‑t‑il falloir attendre
avant le ploc dans le gouffre sans fond ?

Je tire au pistolet de poing,
incohérentes et mortelles
trois balles qui sifflent dans l'air

L'une d'entre elles
abat dans un éclat de lumière
un triste pluvier. Bourre

de plumes que l'eau de la cascade emporte

Grand Cahier.054.Refonds.004.Intensités.03 {•••}


Roberto Matta
The Unthinkable
(1957)

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte