[A ESCRITA E A COSTURA]


[a escrita nunca deixou
de ser costura: posto
que linha; posto
que agulha; posto
que laços 
e posto que nós; 
posto que franjas 
e posto que fímbrias.
alinhavos de bainhas 
e bordaduras, 
tecitura e tessitura, 
e as lâminas ávidas 
da tesoura, posto
que corte, posto
que cesura, posto
que síncope 
de uma música 
sempre estranha.]




Paulinho Assunção (son blog)
Belo Horizonte - Minas Gerais - República Federativa do Brasil

***
[L’ÉCRITURE ET LA COUTURE]


[l'écriture jamais n'a cessé
d'être couturière : puis- 
que le fil ; puis- 
que l'aiguille ; puis- 
que dés et liens 
et puisque nous ; 
puisque les franges 
puisque l'ourlet. 
l'ébauche de l'enveloppe 
et des bordures, 
texture et tessiture, 
et les lames enthousiastes 
des ciseaux, puis- 
que la coupe, puis- 
que la césure, puis- 
que la syncope 
d'une musique 
toujours étrange.]

***
[LA SCRITTURA E LA SARTORIA]


[la scrittura non ha mai smesso
d’essere sartoria: dato
che è linea; dato
che è ago; dato
che è lacci
e dato che è nodi;
dato che è frangia
e dato che è bordura.
imbastitura d’orli
e guarnizioni,
orditura e intreccio,
e poi le lame avide
delle forbici, dato
che è taglio, dato
che è cesura, dato
che è sincope
di una musica 
sempre insolita.]

Traduzione italiana di
Manuela Colombo (il suo blog)

. . Sur les traces

d'une personne improbable

*

La rive d’en face ne sera jamais la rive d’ici, là est le dommage

Dans ces impressions décousues, je ne dis rien (Car les dieux sont retirés depuis longtemps) et il n’y a plus rien à dire

n’existe plus aucun dieu susceptible de rassembler les sens de nos nerfs cérébraux

Nous ne lutterons pas contre l’inexorable mais nous nous pencherons plein de scrupules et minutieux d’éruditions sur le livre des sensations de notre vie

Ni seul dans notre chambre – silencieux, ni au milieu de la foule – bavardant, mais sur le seuil à l’écoute et chantant
À mi-voix




Carta a Mário de Sá-Carneiro - 14.03.1915

Estou num daqueles dias em que nunca tive futuro. Há só um presente imóvel com um muro de angústia em torno. A margem de lá do rio nunca, enquanto é a de lá, é a de cá, e é esta a razão intima de todo o meu sofrimento. Há barcos para muitos portos, mas nenhum para a vida não doer, nem há desembarque onde se esqueça. Tudo isto aconteceu há muito tempo, mas a minha mágoa é mais antiga.
Lettre à Mário de Sá-Carneiro - 14.03.1915

Je suis dans un de ces jours où je n'ai jamais eu de futur. Il n'y a qu'un présent immobile avec autour un mur d'angoisse. Cette rive là-bas du fleuve, puisqu'elle est de là-bas, elle n'est jamais d'ici, et c'est la raison intime de mon tourment. Il y a des ports pour bien des bateaux, mais aucun n'existe pour une vie sans souffrance, ni de débarcadère où l'on puisse oublier. Tout ceci est arrivé il y a longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne.




Livro do desassossego 12-1

Invejo – mas não sei se invejo – aqueles de quem se pode escrever uma biografia, ou que podem escrever a própria. Nestas impressões sem nexo, nem desejo de nexo, narro indiferentemente a minha autobiografia sem factos, a minha história sem vida. São as minhas Confissões, e, se nelas nada digo, é que nada tenho que dizer.
Le livre de l'intranquillité 12-1

J'envie – sans bien savoir si je les envie – ceux dont on peut écrire la biographie, où qui peuvent l'écrire eux-même. Dans ces impressions sans liens entre elles, ni désir de liens, je raconte avec indifférence mon autobiographie sans événement, mon histoire sans vie. Ce sont mes Confessions, et si je n'y dit rien, c'est que je n'ai rien à dire.





Livro do desassossego 1-3


O coração, se pudesse pensar, pararia.


A quem, como eu, assim, vivendo não sabe ter vida, que resta senão, como aos meus poucos pares, a renúncia por modo e a contemplação por destino?


Não sabendo o que é a vida religiosa, nem podendo sabê-lo, porque se não tem fé com a razão; não podendo ter fé na abstração do homem, nem sabendo mesmo que fazer dela perante nós, ficava-nos, como motivo de ter alma, a contemplação estética da vida.

 
E, assim, alheios à solenidade de todos os mundos, indiferentes ao divino e desprezadores do humano, entregamo-nos futilmente à sensação sem propósito, cultivada num epicurismo subtilizado, como convém aos nossos nervos cerebrais.

Retendo, da ciência, somente aquele seu preceito central, de que tudo é sujeito às leis fatais, contra as quais se não reage independentemente, porque reagir é elas terem feito que reagíssemos; e verificando como esse preceito se ajusta ao outro, mais antigo, da divina fatalidade das coisas, abdicamos do esforço como os débeis do entretimento dos atletas, Zaïroisee curvamo-nos sobre o livro das sensações com um grande escrúpulo de erudição sentida.
Le livre de l'intranquillité 1-3


S'il pouvait penser, le cœur s'arrêterait.


A ceux, mes rares semblables, vivant comme moi sans savoir vivre, que reste-t-il sinon, le renoncement pour mode de vie et la contemplation pour destin ?


Ne sachant ce qu'est la vie religieuse, et ne pouvant le savoir, car la foi n'est pas l'affaire de la raison; ne pouvant avoir foi dans cette abstraction de l'homme, ni même savoir ce que nous pourrions en faire, il ne nous restait, comme motif pour avoir une âme, que la contemplation esthétique de la vie.


Et, ainsi, étrangers à la solennité de tous les mondes, indifférents au divin et dédaigneux de l'humain, nous nous livrons futilement à la sensation sans objet, cultivant un épicurisme très subtil, comme il convient à nos nerfs cérébraux.

Ne retenant de la science que son précepte central, qui veut que tout soit soumis à des lois imparables, contre lesquelles on ne peut réagir de façon indépendante, car vient d'elles le réagir qui fait que nous réagissons, et constatant que ce précepte s'ajuste à cet autre, plus ancien, de la divine fatalité des choses, nous renonçons à tout effort comme les chétifs, à l'entrainement des athlètes, et nous nous penchons sur le livre des sensations avec un grand scrupule d'érudition ressentie 




Livro do desassossego 2

Tenho que escolher o que detesto — ou o sonho, que a minha inteligência odeia, ou a ação, que a minha sensibilidade repugna; ou a ação, para que não nasci, ou o sonho, para que ninguém nasceu.

Resulta que, como detesto ambos, não escolho nenhum; mas, como hei-de, em certa ocasião, ou sonhar ou agir, misturo uma coisa com outra.
Le livre de l'intranquillité 2

Je dois choisir - ce que je déteste - entre le rêve, que mon intelligence exècre, et l'action, que ma sensibilité réprouve; ou l'action pour laquelle je ne suis pas né, ou le rêve pour lequel personne n'est jamais né.

Il en résulte que, détestant les deux, je n'en choisis aucun ; mais comme il faut bien choisir, en certaines occasions, de rêver ou d'agir, je mélange une chose avec l'autre.

Intensités

Die Sonnenblumen

Ihr goldenen Sonnenblumen,
Innig zum Sterben geneigt,
Ihr demutsvollen Schwestern
In solcher Stille
Endet Helians Jahr
Gebirgiger Kühle.

...

Les tournesols

Ô tournesols dorés,
Avec ferveur, prêt à mourir,
Ô très humble sœur
Dans un tel silence
Prend fin l'année d'Hélian
D'un froid de cimes.

...






1.
Je me souviens que nous allions, l’un à côté de l’autre nous cacher vers les hauts, dans la touffeur des combles. Brûlante venait la soif, comme les griffes du Tigre sur une peau tendue, comme une poussière d’Égypte dans les rayons du sel. L'ascenseur tirait à l'infini les corps patients ; je me souviens que nous mourrions, que la faim nous prenait aux claires-voies du désir. Chairs tuméfiées sur les parpaings du temps.


Matta – S'unir par les plaisirs (1982)






2.
On plie le corps contre un bois de charpente. On blesse le cœur qui cogne trop vite. La peau va s'érafler. Une écharde, un peu de sang va pénétrer dans la poussière. La bouche se ferme et s’ouvre, on halète. C'est à se mordre la langue.
La guerre va s'aggraver malgré les larmes

Et les faims, et les soifs, elles vont grossir, elles vont enfler encore. Les ballons couleur de soleil vont éclater, ils vont crever. Qu'il rie, qu'il acclame, qu'il mette à sac tous les édits !
La barre du jardin a versé où l'ortie foisonne.

Matta – The Unthinkable (1957)






3.
Aspiré par le dehors,

je descends la roche des Rames que la bruyère recouvre, traverse la rivière et, saisi par l'inutile énervement du jeu, les bras battants, me précipite sous les hêtres d'un versant troué. Combien de secondes va-t-il falloir attendre avant le ploc dans le gouffre sans fond ? Je tire au pistolet de poing, incohérentes et mortelles trois balles qui sifflent dans l'air. L'une d'entre elles abat dans un éclat de lumière un triste pluvier. Bourre de plumes que l'eau de la cascade emporte.

Matta – fragment de Watchman, What of the Night ? (1968)






Trop de gens...


Trop de gens se sont enfuis – Dehors il pleut, leur mauvais sang les a trahis, les gens ont relevé leur col et sont partis

Le vent a soufflé sur les bords il t’a surpris. Tu ressens un léger filet d’air sur ta peau, tu frissonnes – un court laps de temps.

Referme la fenêtre, repousse la potence, résigne-toi. Ce n’est qu’un peu de jour accroché aux rideaux de la fenêtre, il y a

Quelque chose qui refuse chez toi, un rejet de l'extérieur, le besoin d'un écran. La vitre essuie la rue, éponge l'incivile, sa présence importune

La haie, l'arbre aux écureuils, la lampe et le carré de cour ont basculé dans un éclat

Chacun reprend sa place s’installe dans l’immuable, chacun recommence à réfléchir, à creuser le silence, à noiseter son nid.

… décompter les minutes

Lentement la pluie sur le toit retourne un sablier

Hibou ou Ubu ?
Gravure d'Alfred Jarry (1894)

Paru dans
Les minutes de sable mémorial 
-
Chapitre : Les paralipomènes
*
Alfred Jarry
le texte complet...

Oiseaux


 
Wilfredo Lam (1960)

L'oiseau, 
de tous nos consanguins 
le plus ardent à vivre...
*
Saint-John Perse


L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.




Articles les plus consultés


à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte