Tu es, printemps d'or...


Tu es, printemps d'or
Vêtu d'éclats, de glace et d'eau,
Mon souvenir.
Tu es printemps, grandi de belle humeur
Au vert village

de Normandie
Comment pourrais-je t’oublier ?

Le jour s'étonne en suivant le ruisseau
C'est un endroit désert. Les champs
Sont barbés d'orge,
Ils sont monde et perle, ils sont beaux
Le givre est dans la pierre

J'entends le clocher carré qui tinte

Sous le ciel dégagé, là-haut,
Une frayeur tourne sans cesse –
Le temps vivifié, a blanchi et s'illumine
Un merle éperdument va siffler
Des bois rougis

André Lemaitre
Paysage normand
(1975)

Grand Cahier.040.Révolvie.030.Les effets de l'aube.13

Théâtre d'hiver


Même la rampe est débordée : inondés, les étages, le carton de la roche est éventré

Soleil projecteur dans la grisaille, zébrures d'éclair. De la fureur sur le fond de la toile

Les barques de fortune ont chaviré, sont emportées d'un plan à l'autre. Noyées irrémédiables, les têtes enfon- cées, tous les toits recouverts

À quelle planche de salut s'accrochent-ils, à quelle hure ? Chaque anfractuosité loge un serpent ou / le tronc d'un arbre dont les branches sont gelées

Peut-on sauver encore un peu de vie, – rattraper la main d'un enfant. – Peut-être y a-t-il dans cette paroi de glace

un refuge. – À quoi sert-il de lutter contre le courant, – de jeter une prière inutile – vers la face déchaînée de ces ciels ?

Mais la ruse bien close d'une coque de noix, dure amande et féconde, poussière ou pollen, au fond, c'est bien plus tard

… Quand l’eau se fut rassise, aussitôt que l'idée …

Nicolas Poussin
L'hiver ou le Déluge
Les saisons (1660-1664)

Grand Cahier.384.Les saisons.004

L'automne


C'est un pays de causse (hanté d'une richesse) dispersé de vents et d'acacias, aux hameaux perchés
inexpugnables
que recouvre la mousse envahie des liserons

Une roche calcaire sous des ciels chargés, lourds qui annoncent l'orage qui ne vient pas, l'orage qui ne vient jamais

Pourtant la récolte sera bonne, l'echad – un premier raisin porté au bout d'une branche – plus glorieux qu'un gibier
Grenades –
figues de miel et de grains, pommes bleues
cueillies près de la source

L'échelle s'adosse à l'étoffe du pommier, l'échelle s'incline un peu trop, la jeune fille monte à l'échelle et tend le bras

Nicolas Poussin
L'automne ou la grappe de Canaan
Les saisons (1660-1664)

Grand Cahier.383.Les saisons.003

L'été


Le blé est semé depuis toujours dans l’étendue, mer calme et serrée comme un pain de soleil
sous le volume assombri des tourmentes

Cinq doigts / de chevaux – ruent / attelés
au grenier de la vie

Une haute villa domine la campagne, falaise reliée par des chemins sinueux, et qu'on franchit par des ponts jetés sur des brèches. On pense au pays de l'éternel, (à ces belles grottes antiques oubliées) à l'enclos lumineux des colonnes

L'esprit de midi en tous sens irradie de cobalt

« Laissez-la donc glaner
Parmi les blés coupés,
N'allez pas la frapper.
Ayez soin de tirer
Les épis des javelles,
Laissez, qu'elle les glane,
N'allez pas la blâmer. »

L'histoire / dit aussi, car il y a une histoire / qu'il a pris la sandale / pour que le nom jamais ne soit perdu, pour que rien jamais ne soit retranché,

que l'ombre rafraîchissante du chêne grandisse !

La huche s'est ouverte Sur une abondance d'aliments, la paille s'envole avec le vent d’une musique, un vin clair a coulé Rouge est la tunique, rouge et d'or et jetée par le travers

Nicolas Poussin
L'été ou Ruth et Booz
Les Saisons (1660-1664)

Grand Cahier.382.Les saisons.002

Le printemps vert


Le printemps vert a revêtu sa peau de jeunesse

Je le connais bien ce pays des commencements. Les collines sauvages, l'eau de l'étang, son ourlet de fraîcheur

Au jardin d'Aubusson les beaux chênes foliés sont profus d’ombres. Pas la moindre marque du travail des hommes, dans ce paysage composé

À l’oreille une femme nous indique, notre nourriture de vie, pendeloques d'or, les pommes du savoir, détachées de cet arbre

Le dieu s'appuie sur les nuages, le dieu dénombre les ciels translucides. Est-il vraiment trompé, insoucieux
Dort-il ?

Doit-il s’offenser d'un geste de Sibylle ? N’y a-t-il pas plutôt invitation à atteindre les étoiles un jour, ce chemin de vie à jamais poursuivi, à jamais inaccessible

Le temps n'a pas cours. La terre est déserte, inhabitée. L'être seul s'étend

Saudade campagne océane

Nicolas Poussin
Les saisons - Le Printemps ou Le Paradis terrestre
(1660-1664)

Grand Cahier.373.Les saisons.001

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte