La souricière


Il est de ces lieux clairs modernes décorés d'une netteté clinique high-tech. Voyez cette maison par exemple, elle est du quartier Demi Lune. Ouvert le sas, franchit l'entrée de glace avivée de jaunes tubulures

Vous montez quelques marches que recouvre un dallage de grès – une pierre de texture très serrée, non gélive, dans les tons beiges ; et vous voilà assis, assis dans une salle obscure

La mise en scène au cours métrage est peu prolixe

À voir : le village natal de Saint-Vigor-des-Mézerets, l'établi de l'ébéniste. Une gouache, un copeau de chêne, l'immensité de l'océan. Un personnage solitaire qui marche sur la crête ou bien qui s'accroupit près des nuages

C'est un canard sur lequel la pluie tombe en vain

En résumé le fait du peintre à son travail, ses moments familiers, ses quelques chaises

Vous le verrez au détour d'un couloir, sur les murs de l'expo, en reflets vidéo. Le piège est propre. L'artiste se penche, silencieux et discret. Ignorant les signaux, contour- nant les barrières, il observe une effigie de bleus et de rouges qui sont des anthracites

Suzana Chasse
No Thing X
(2019)

Grand Cahier.311.Révolvie.031.Maisons de verre.12

As paredes


Que disais-tu Miguel en ta légende
Qu'y avait-il auprès de ce pommier
une route une rivière un muret ?

C’est un lieu de conflit un lieu fermé
qui nous sépare et nous enclos. La dent
fait mal. Croque la pomme à pleines dents

Devant le monde au regard exposée
cette motte de terre est véritable
L'étoile des pépins guettée des merles

d’un jet retombe entre les doigts de l'herbe
Que disais-tu de ce mur protègeant
des vents d’avril, empêchant les enfants

d’y venir, et quels trésors pouvait-il
recelés ? Un orage de septembre
nous le dira peut-être ? Et va chanter

Piet Mondrian
Paysage avec arbres
(1912)

Grand Cahier.086.Révolvie.031.Maisons de verre.11

L'espérance au jardin s’éternise


Sur le couvert des ardoises qui s'incline,
On entend la griffe d’un oiseau de neige.
Les corbeaux d’hiver accentuent le contraste,

Leur livrée triste s’agace au bord du toit.
Une cheminée fume. Dans le foyer
Vont crépiter pour un temps quelques brindilles,

Rendre les flammes d’un été excessif

Les bois de l’hiver ont noirci les chemins,
Les chemins ébouriffés et creusés d'ombres.
Sur la gouttière la neige tourbillonne.

Un souffle très léger de plumes se pose.
Par la lucarne se profile les arbres
Ou la clôture du jardin. La barrière

S'ouvre sur un ciel plus sombre encore
Afro Basaldella
Jardin de l'espérance
(1958)

Grand Cahier.042.Révolvie.031.Maisons de verre.10

Après, calme ...


La maison est odorante,
l'amour une clarté

Ils s’étaient tout d’abord engagés
(l’un l’autre (l’un l’une envers l’autre – unis tous les deux sous un même toit – celui qui y croyait et celle
qui n’y croyait pas)
) mais aujourd’hui que la guerre est défaite, que les che- mins du désir sont
perdus,
que reste-t-il ?
Le rouge est estompé,
les goûts sont effacés.
Les murs tagués des derniers âges
Dans le jardin fleurissent le réséda, et des arbres flo- rifères. Des orangers poussent,
hauts comme des hommes leur tête
est ronde
est couleur de bronze des
os
rangés
– Ce sont des arbres sans vents sous la perfection du ciel qui font le pays,
pour combien encor ?
– ce si calme verger du temps

Igor Mitoraj
Tyndare fissuré, jardin de Boboli, Florence
Photo de Mariella Zoppi
(1998)

Grand Cahier.170.Révolvie.031.Maisons de verre.09


Sainte-Colombe


Une fois un père un homme
D’une époque très austère
Au baroque XVIIème
Irrégulier et fleuri
À l’insu des bords de Saône,
(d’une viole épris) voulut

Y ajouter une corde
Septième – une tessiture
Ajouter d'argent – un homme
Dans les branches d'un murier
Là voulut construire

son nid

Vanitas (Anonyme)
École française, 1er moitié du XVIIème
(Réserve du Musée du Louvre)


Grand Cahier.471.Révolvie.031.Maisons de verre.08

Dièse


Variation des prés par la baie du soir
Sous la nuée couvent les toits
D'un village brun

– Le jour connaît sa faute

Rouges les laines dans la salle éteinte,
Au creux du foyer brûle en vain
La braise qui varie

– La nuit ouvre le ciel

Egon Schiele
Wiese mit Dorf im Hintergrund II
(1907)

Grand Cahier.017.Révolvie.031.Maisons de verre.07

Un lacet puis un autre


La route déboule sous les roues, les pneus chuintent

De la route émane
une forte odeur de bitume – épaisse chauffe ainsi que laisse, et charbonneuse dans l'été

Un lacet puis un autre

Poudres et plombs m'assomment, je sue, je m'épou-mone. D'autant j'aspire
l'air sec et soleilleux d'une Provence griffée de végé- taux. L'immensité, droit devant stridule

comme un tonneau de cigales

Si l'on se fie à ce qu'indique la pancarte,
on devrait bientôt voir, se desséchant, au détour du pro- chain talus,

un olivier millénaire, le gris de ses bois confondu avec la roche

Vincent van Gogh
Oliviers avec les Alpilles en arrière-plan
(1889)

Grand Cahier.310.Révolvie.031.Maisons de verre.06

L'oubli


De ce ressaut,
je ne vois qu’une eau grise, une eau d’acier d’un seul tenant qui s’écoule entre moi-même et la ville industrieuse

il y a cette improbable conjugaison des termes
et le temps qui passe
l’eau d’une rivière entraînant les herbiers, une eau qui reflue délivrant des remords

Alors je me souviens d’une cité austère
bâtie dans les granits

– le corps de garde la mer
qui donne ce goût d’algues, une soupe épaisse et douce...

les grands espaces de pierre,
le vent, l’ombre des tourelles
s’étendant sur les remparts.

De la falaise au loin,
les miettes d’un pain noir, jetées là pour longtemps

Il y eut quelques mots d’échange, et rien de plus.
Ailleurs un peu plus tard,
une main d’herbe
comme un signe d’océan

Le temps poursuit sa route, les choses vont mûrir, les choses vont s’enfuir encore
puis s’oublieront

Joan Mitchell
La porte de l'adieu
(1980)

Grand Cahier.088.Révolvie.031.Maisons de verre.05

Il n'y aura pas d'arrêt


La tempête d'hier s'est calmée. Il a plu. Le ciel est gris, l'eau glacée. Le froid, l'humidité

Traversent la maison. Sur les murs, on a collé de longues laisses de papier couleur de soleil mais rien n'y fait. Les meubles sont trop vieux et tristes, usés. Depuis mon enfance, je les vois et les vois s'écrouler

« Précipité lent » dit le chimiste, c'est le temps

Issues de la cage d'escalier, quelques notes pointues persistent ; la radio joue un air de piano qui s'ajoute

Aux battements métalliques du réveil. Le grand verre à musique but d'un trait : plus de coups de marteau, plus de clous dans ma tête

Je m'assois sur le parquet. Ma veste posée sur le dossier de la chaise est mouillée. J'ai marché tout à l'heure dans la rue sans le moindre but. Je me tasse dans un coin, il faudrait oublier

Fernand Léger
Les hélices
(1918)

Grand Cahier.126.Révolvie.031.Maisons de verre.03

Le bouleau


Il y avait autrefois une porte vitrée avec de grands carreaux de verre de couleurs différentes garnissant le châssis. Cette porte donnait sur une courette endormie dans la noirceur des pierres

Il y avait un bouleau blanc, pas plus gros que le doigt d'un enfant, et six feuilles

Passant la porte un soleil léger cligna de l'œil. Il y avait ronde et vernie une table, un jambon qui venait de Colmar, des raisins minuscules

Un orage annonça une brusque lumière, une eau vive sur les feuilles (très petites les feuilles) quelques gouttes tombèrent. Il y avait les légumes et les fruits du jardin, le bourdonnement des guêpes, et le chat qui s’ébroue et s’enfuit

Toutes les choses s'arrêtèrent, immobiles. Le bouleau se noya. On pouvait apercevoir encore dans ce cageot de nuit le peu d'écailles blanches et de vie qu'il avait

Gustav Klimt
L'arbre de vie, l'attente et l'accomplissement
(1905-1909)

Grand Cahier.401.Révolvie.031.Maisons de verre.03

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte