Lux


Peut-on vraiment se réjouir

de l’étroitesse et de la clarté des Lumières ?
Quelle impression joyeuse peut-on ressentir
devant ce vaste paysage policé ?

Vie sans ombre des dieux anciens
se reposant de leur mystère

– Ce moment de délire,
cet excès de mesure

sentido / não sentido –

Être clavecin sensible
qui se pense seul au monde
persuadé que passe en lui
l’harmonie de l’univers
Louis Michel van Loo
Portrait de Denis Diderot
(1767)

Grand Cahier.615.Alentour de Soares.001.Collages.13

Porque eu
sou do tamanho do
que vejo


J’ai la dimension de mon regard,
dit Caeiro

Ce que je vois
est l’étendue de la lumière
À la taille de ma rétine
et dans l’esprit

Son reflet dans mentis
dit l’être à sa manière
Du fond du puits des émotions
jusqu’aux étoiles

si froides,
éternelles,
et si hautaines –
le pouvoir du pli
est sans limites

est regard
qui relie les choses disparates,

ouvrant au mouvement
Artemisia Gentileschi
Autoportrait en allégorie de la Peinture
(1639)

Grand Cahier.614.Alentour de Soares.042.Collages.13

Nous


Nous ne sommes que mouche ;

Perclus de familier
tourné vers l’inconnu

nous, à l’intersection
de la raison rien d’autre

que la conscience d’un insecte
sur le tronc d’arbre de la vie,
un nom gravé en minuscule

no pó do necessário,
o meu nome

dans la poussière
du nécessaire,

les yeux rivés
– a minha escritura / com a morte. Com a morte?

sur les vitres colorées d’une cellule
au-dedans de ses grilles

Odilon Redon
Sur le fond de nos nuits
(1890)

Grand Cahier.613.Alentour de Soares.001.Collages.11

Refuge


Nous sommes tous
envahis par le bruit du monde, bousculés, par le chahut des circonstances extérieures,

le grand dehors

Et pourtant, il suffit d’une belle journée
de soleil, et l'insistante venue d’une ombre pointant la campagne pour,

sensible nous rétrécir
vers le dedans

Nous ne trouvons plus alors qu’un pauvre refuge dans la maison sans portes qui se dit

nous-même
Collage de Helen Hill
Dedans dehors nulle part
(2006)

Grand Cahier.608.Alentour de Soares.042.Collages.11

Nuit


le monde sans limites
appelé univers
a-t-il encore
des raisons d’exister
lorsque tout dort
vaste trop vaste
est son programme
truffé de tant d’erreurs
replié sur lui-même
tournant pour rien
\des bruits là-haut
\éclats de vitre tête folle
\ou simple poussière
d'un dieu mort – la nuit est muette
au fond est un tombeau

*
l'inutile bannière
de ton casernement,
effilochée
flottant dans l’air
pour rien ni pour personne
Lynd Ward - Wild Pilgrimage
Plate 21
(1932)

Grand Cahier.607.Alentour de Soares.042.Collages.10

Ombre


Dans la clarté de la nuit
le vent

soulève lentement
des choses VAGUES

nombreuses
et sombres

qui ne sont pas le LINGE étendu
à l’étage

mais l’ombre impalpable
ACCORDÉE avec les
choses
Franz Marc
Linge dans le vent
(1902)

Grand Cahier.606.Alentour de Soares.042.Collages.09

Quatre heures...


Quatre heures
L’horloge sonne claire
Je gis dans l’entre-deux des rêves,
les pensées endormies
Tout est univers NU,
abstrait,
réglé de colonnes de chiffres,
construit de négations nocturnes

Fatigué,
anxieux je parviens
à la connaissance physique
du mystère des choses...

ourlé d’une lueur qui vient de loin

Cesser, dévider, bousculer
cette conscience...

En finir, cesser d’être enfin,
n’être plus qu’une trace

UNE survivance métaphorique :

L’absurde oscillation des feuilles
d’une plante grimpante
accrochée à l’encadrement

d’une lucarne ouverte sur la nuit
Max Ernst
Peinture pour les jeunes
(1943)

Grand Cahier.602.Alentour de Soares.042.Collages.08

Incertitude


Grosses tardives des gouttes de pluie
tombaient encor/ par la fenêtre ouverte
et l’on sentait des fraîcheurs indécises,

azur s’en allant à l’assaut du ciel
azur quand les nuages se retirent
de ce côté-ci de château Saint-Georges

N’était-il pas venu le moment de se réjouir ?
Une envie indéfinie, un désir inconnu

comme une sensation de vivre et de mourir, mais qui s’éloigne un peu, mais qui s’absente au jour

Penché à la fenêtre, regardant haut perché, la route sans rien voir, j’étais à l’abandon
– j'étais

pareil /à ces chiffons
qui servent /à nettoyer les saletés
étendus sur le rebord /à sécher,
/là oubliés et salis languissant
sur l’appui /à leur tour
Victor Hugo
Paysage avec pont, Guernesey
(1856)

Grand Cahier.601.Alentour de Soares.042.Collages.07

(Être)


Par un vague matin de congé sans histoires,

  je m’apprêtais à exister,
    officiellement désœuvré,
marchant de long en large,
      rêvant des rêves décousus,
  revêtant le réel
    d’idéaux irréalisables
    
– J’avais au cœur

la honte d’avoir négligé / d’importantes démarches / de ne pas avoir accompli / des ambitions possibles,

fortuitement

tenu de longues
et substantielles
conversations

inexistantes – vues de l’extérieur,

ce moi aux songeries
  sans repos ni grandeur,
    aux flâneries sans but
      ni raison d’espérer,
qui déambulait à voix basse,
    usant toutes ses heures

en des promesses  des impressions de liberté
lorsqu'il divague dans le cloître
de son intimité

ce moi / sachant que rien ne tient, suivant le savoir non savoir des hommes,
n'était

qu'un (être) minuscule inachevé, tête vide positionnée
devant l’absurde

Henri Cueco
Sans titre
(2015)

Grand Cahier.600.Alentour de Soares.001.Collages.05

Deus é o existirmos e isto não ser tudo


« Dieu, c’est que nous existions, et que tout ne se ramène pas à cela seulement » nous dit Soares

Ou peut-être … et qu'elle nous excède en tout
et c'est notre petitesse alors qui devient : difficilement acceptable

Dieu ne nous a pas rêvés, ne nous rêve pas, ne nous rêvera pas. Nous sommes seuls au monde, et c'est dans notre lucarne qu'il faut que le monde soit ou ne soit pas

Quel est donc ce rien qui le précède ?
(il n'y a pas de précédent / tout précédent se rassemble pour un suivant / tout suivant est l'effacement d'un précé- dent)

, c’est l’étrangeté de l’existence imprédicative, l'essen- tielle énergie – lumière, matière – des yeux tristes d'une vie toute entière tournée vers le rien

De quelle absurdité sommes-nous si proche ? Cendres incandescentes un si court laps de temps

Dieu, n’est qu’une réponse, une réponse trop courte qui ne tient pas la distance. Dieu est une réponse qui annule la question. À quoi bon une réponse alors

Dieu est un empêcheur d’être
nécessaire, pour certains

Vassily Kandinsky
Jaune rouge bleu
(1925)

Grand Cahier.599.Alentour de Soares.042.Collages.05

Les dieux


Les dieux n’ont plus part au monde, retirés en nous-mêmes, ils se taisent —

Indifférente est la nature, sans bords, démesurément ne choisissant rien —

Hasard, papillon magnifique musardant sur ton front —

Dans les courbes de la plage, brûlant se devine / coquille en ce temps-là / et nacré mais depuis mort, le pli du désir de rien

(on lit toujours des contes mauresques à l’enfant

il n’y a plus à choisir : entre les blés et la touffeur des ronces vague réminiscence qui s’étiole au milieu des cyprès la dis- tance à l’abîme se prolonge)

qu’ils soient encore – parmi les hommes – ou se soient retirés, – nous dépendons – étroitement – de ce qu’ils sont – mais eux-mêmes – en ce qu’ils sont, – dépendent – étroi tement – de la nécessité

Henri-Edmond Cross
Le four des Maures
(1906)

Grand Cahier.598.Alentour de Soares.001.Collages.03

L'immense


L’immense est devenu trop

prégnant, et
tant de fois millionnaire

envahissant
tout
démesurément – il n’est plus assez de
mots pour le
dire

(Myrillion, Tria-contillion, N-plex…

Ce que nous
faisons
ne vaut pas trois
sous

Notre conscience
est nulle, comptablement

Zao Wou-Ki
Hommage à José Luís
(1988)

Grand Cahier.597.Alentour de Soares.001.Collages.03

Le fil


Que tu veuilles démêler
tes pensées   comme un écheveau
multicolore

où bien voir encore
surgir dans l'espace – nouvelle
une figure,

) ils font ainsi les enfants
de ces jeux de ficelle qu’ils tissent
entre leurs doigts écartés (

tu n'oublieras pas qu'il ne faut
jamais lâcher
le brin du pouce originel

Salvador Dali
Un thé chez les fous
Alice au Pays des Merveilles
(1969)

Grand Cahier.596.Alentour de Soares.042.Collages.02

Collage


        Ce ne sont là
        que des
        impressions décousues

Dommage,

la rive d’/ICI
jamais plus ne sera
la rive d'en /FACE

depuis trop longtemps
        il n'y a plus rien à dire
        je ne dirai plus
rien

les dieux se sont retirés
plus aucun dieu n'existe
        que le rien

aujourd'hui
nous ne lutterons pas /

nous rassemblerons
nous nous pencherons

sur le livre des sensations
(en suivant en écoutant) les sens
de nos nerfs cérébraux

Ni seul et dans la chambre, silencieux, plein de scru- pules, et minutieux d'éruditions,

bavardant au milieu de la foule
Mais sur le seuil, à l'écoute, et chantant
à mi-voix

Fernando Pessoa
Livro do Desassossego
édition, Jerónimo Pizarro (Tinta de China)
(10/2013)

Grand Cahier.787.Alentour de Soares.042.Collages.01

Parallèles


Depuis longtemps, ces phrases que j’ai pu dire sont sans mémoire – depuis longtemps ces phrases (réécrites sans cesse) n’ont plus de liens avec moi-même

Pareilles
à des gens à qui je parle, ou qui me parle, mais que j’écoute à peine

Fasciné par leur physionomie, la fréquence et le rythme de leurs mots – qu’ils s’en viennent ou qu’ils s’en aillent

j’ai le souvenir sensible d’une inflexion de voix, d’un geste de la main ; je note
avec une précision photographique
une mimique musculaire, l’émotion affichée sur leur vi- sage, une expression faciale qui les éclaire

Mais ce qu’elles ont pu me dire, de l’essentiel,
je n’ai rien pu gardé
– et que leur ai-je dit déjà de mon côté,
voulais-je m’adresser vraiment à elles
– était-ce bien à moi qu’elles étaient s’adresser ?

Ces phrases
elles me sont devenues étrangères
et ont suivi leur voie.

Nous vivons,
séparés par l’oubli désormais. Nos chemins
de vie sont parallèles

Henri-Michaux
Meidosem
(1948)

Grand Cahier.634.Alentour de Soares.002.Trois fils.03

Sublime comptable...


Sublime comptable de la ville de Lisbonne
Écrivant les mots de son salut
Claironnant l'aurore qui l'engendre,

Comme au désert
le moine éloigné dans sa solitude,
l'ermite percevant dans les pierres et les grottes la sub- stance d'un Christ

Ces chiffres, ces marques du registre, dont les lignes sont tracées à la règle
Sont bruits du monde eux aussi, monde qui recèle tout un peuple d'exilés qui en font la valeur
– le moine, l'ermite, le navigateur ou le poète –

toutes les portes qui mènent aux Indes et à l'orient de toutes les musiques

Et ces marques banales du néant valent bien les mots rimés qui s'additionnent, et qui s'alignent dans le tissu de ma vie

Henri Michaux - Bilbao Salle 306
La vie des signes
(1963)

Grand Cahier.633.Alentour de Soares.041.Trois fils.02

Mélopée des villes...


Mélopée des villes, des chanteurs de rues

Des automobiles et des trains surgis ici, en mon âme, et là-bas aussi bien — Quelle différence cela fait-il l'en-dedans et l'au-dehors — l'essentielle inexistence en moi et hors de moi des choses

L'univers ne tient-il pas tout entier dans l'étroite lucarne de tes yeux, dans le coquillage océanique de tes oreilles

(pulpe et graine sous la dent, fraîche salive des nuits, fumée du vent qui froue dans les fossés)
Sens-tu

Le rythme d'encre au bout de tes doigts

Le rythme accordé de l'être avec le monde, sans avan- ce ni retrait, s'en allant d'un même pas

Le son d'un triangle parfait

Pedro Alves
Largo do Duque de Cadaval - Rossio
(Lisbonne 2018)

Grand Cahier.632.Alentour de Soares.041.Trois fils.01

Sur les traces d'une personne
improbable


Le temps qui se dérobe aux reflets du miroir
exige le revers d’une sur-existence

Impossible d’amarrer la conscience au monde
L’océan de la pensée submerge le réel

C’est dommage mais la rive d’en FACE
Ne sera jamais la rive d’ICI

Sur les branches sont enroulées les balançoires
Les commencements d’une fuite vers le haut
sont impossibles

... des volutes de fumée ...

Si je ne dis rien
de ces impressions décousues – venues je ne sais d’où,
c’est qu’il n’y a rien à dire

Les dieux se sont retirés depuis trop longtemps

Il n’existe plus aucun dieu
Susceptible de rassembler
Le sens de nos nerfs cérébraux

Nous ne lutterons pas contre l’inexorable

Mais nous nous pencherons
plein de scrupules, et minutieux d’éruditions,
sur le livre des sensations de notre vie

Ni seul et dans la chambre
silencieux ni bavardant
au milieu de la foule
Mais sur le seuil à l’écoute
et chantant à mi-voix

(collage)
Vassily Kandinsky
Impression III
(1911)

Grand Cahier.595.Alentour de Soares.001

Autopsicografia


O poeta é um fingidor
Finge tão completamente
Que chega a fingir que é dor
A dor que deveras sente.

E os que lêem o que escreve,
Na dor lida sentem bem,
Não as duas que ele teve,
Mas só a que eles não têm.

E assim nas calhas de roda
Gira, a entreter a razão,
Esse comboio de corda
Que se chama coração.


1ª publ. in Presença , nº 36. Coimbra: Nov. 1932



Autopsychographie

Le poète est un feigneur,
Il feint si complètement
Qu’il en vient à feindre la douleur, même
Douleur qu'il ressent vraiment.

Et ceux qui lisent ce qu’il a pu écrire,
Dans la douleur lue, ressentent aussi bien,
Non les deux qu’il avait éprouvées
Mais une autre, qu’ils n’éprouvent pas.

Et c’est ainsi que sur ses rails,
Divertissant la raison, la roue
Tourne, de ce petit train à ressorts
Qu’on appelle le cœur.


Grand Cahier.627.Alentour de Soares.00

Décembre


Le brun l'emporte jusqu'aux trois quarts, chênes serrés, feuilles jaunâtres

Nul ne passe ni rien

Les froids barreaux des tours, le donjon carré qui ferme à jamais l'horizon, plus rien que

Le goût, rien que la bave des chiens, le sang

Ne va pas trop tarder, veneur : annonce la fin, sonne de la corne, souffle, écœuré le voici le

Sanglier jeté comme une souche

Dans le cercle gris de la mort – l'hallali, neuf contre un, jonché, autant de tours, gueules acharnées

Décembre
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.371.Très Riches Heures.012

Novembre


Une telle emphase était-elle nécessaire pour une gau- lée de glands ?

La pose est théâtrale

En robe rose et peut-être bas blancs sur les mollets, nuit spéculaire, c'est un grillage d'ombres – les deux autres se gaussent – et s'abritent sous les chênes, appuyés sur leur bâton

Il n'y a pas que les gouris qui fugnent le sol, à s'égarer ainsi de leur ran. Bonhomme et débonnaire, de pelage gris, un chien veille

D'un château de rêve, né sous le signe du scorpion ne reste plus qu'un jeu de cubes, une tour trop basse aux flancs délabrés des collines

On distingue franchie, au-delà de la noirceur des troncs, le feuillage soulevé, dentelé du fond bleui, un semblant de paysage

Verte une rivière qui sinue, le soupçon d'un village

Novembre
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.370.Très Riches Heures.011

Octobre


La SEINE trace en l'exact milieu un bandeau

Aveuglement des quais, porte étroite percée dans la muraille

Ferme est le fond du tableau

Sous chacune des bretèches, on arrime les barques – des groupes se reflètent dans l'eau, une ombre s'adosse au mur – on promène un chien noir un chien blanc, on discute

L'angle des tours est un cal posé sur les dents de la herse engoncée dans la terre

À l'horizontale, rayée calcaire, la terre amendée pres- que violette

Ligne dans l'axe et troènes par six, un archer franc parmi les banderoles protège de son arc les champs de l'avant-scène

Des pies froides et des corneilles picorent près du sac blanc et du sac noir

La tristesse est grande du semeur, ses pas s'éloignent

Claque le fouet, raideur pesanteur des labours

Octobre
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485).

Grand Cahier.369.Très Riches Heures.010

Septembre


Lorsque la LOIRE prend ses couleurs à l'aube suppo- sée en contrebas

(La Porte des Champs est ouverte, il n'y eut jamais de vignes à cet endroit)

On le voit briller comme aux jours de fête le château des fleurs, la silhouette d'amour

Haute se tient, disait René, l'idéale chose celestielle, la blanche robe des fées sur le socle ja piecza des guerres

Un carré de tours crénelées trilobées tout en tiges segmentées, lys élancé vers le bleu

Une flottante forêt de girouettes et de pignes miroitantes sur la panne des plombs

Que font-ils ces paysans, plus bruns que grive qui se gave, saoulés de raisins roux, tournés vers nous, ne nous regardant pas, l'œil vague

Bleu, blanc, rouge, elle est enceinte, tête dans les ceps indifférente affairée

Ce n'est que la note moqueuse, ce n'est que l'indignité d'un COLOMBE

Septembre
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.368.Très Riches Heures.009

Août


Fenaison tardive, des hommes-gerris au bain se rafraî- chissent mais rose est la terre à l'orée de ce bois,

l'esprit s'envole ailleurs
Depuis la gauche un couple venant poursuit le dialogue d'amour

S'agit-il d'une chasse ou de cour à sa dame ? Jeux hiéroglyphiques, ce que veut l'oisiveté du temps

C'est le vol d'un faucon allant piller corneille

Un homme en chapeau de paille attentif et résolu – sa compagne surprise, manche rouge et robe noire sur cheval gris – s'apprête à libérer les armes de son poing
(
Un homme en chapeau de paille attentif et résolu – sa compagne surprise, manche rouge et robe noire sur cheval gris – s'apprête à libérer les armes de son poing
)
Le fauconnier, leurre encharné à la ceinture, surveille de l'oiseau chacun des mouvements

Elle est blanche la livrée d'un autre

Il se tient droit solitaire, harnaché de bleu cette fois-ci, non plus de vert

Du même amble souverain qu'en mai, devant lui gambadent les deux petits chiens que l'on disait d'oysel

Août
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.367.Très Riches Heures.008

Juillet


Je ne le crois pas, baigné par les eaux du CLAIN, hau- tement défendable

Est-ce vraiment qu'un château en l'espèce arrêterait des sarrasins, dissuaderait l'anglais de "certaines chouses tou- chans certains tractiés" malgré

La force de la pierre aveugle, la butée d'un triangle à chaque pointe fermé d'une tour, le rejet, l'exil vers l'intérieur du familier décor des fenêtres

Sur les eaux, une chapelle étrangement s'expose à tous les passages – le fort est relié par une coursive au spirituel – ils iraient jusqu'à convertir les goulées de vent s'ils le pouvaient – un couple de cygnes doucement s'approche acclimatant les lieux

Faisait-il, le seigneur, muette lecture de ce livre même au fil des heures canoniales ?

Le paysan habillé de petits draps, le berger, sa femme en bleu qui nous tourne le dos, mettons-les en avant par volonté

On n'a pas conservé les proportions et ce pourrait-être

Si n'était les tons jaunes sur un vitrail, une baie trans- figurée par la lumière, la représentation des gestes, des outils de leur labeur, du nourrir et du vêtir

Couper à la faucille les blés parsemés de coquelicots, prendre la laine entre les forces, mouton serré sur le genou

Juillet
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.366.Très Riches Heures.007

Juin


Que les grands ciels pâlis à hauteur des toits d'ardoise du Palais composent pour le temps du bonheur une clarté française en ce mois d'herbes fauchées

Tout est courbe élégante, aussi bien les rives de la SEINE qui renferme des vignes que l'autre côté de l'eau

Avec la ligne des meules, la ligne des saules, l'ample mouvement des faux, les corps souples de trois paysans

Chapeautés, vêtus de lins blancs gris et roses, qui tail- lent en cadence leur andain

Tout est féminine blancheur, comme celle-là qui se pro- tège de l'azur intense par un voile, qui râtelle, qui amasse d'une fourche-fière les foins

Dans l'axe domine le bois de cèdre de la croix, haute chapelle de verre et sainte, violet recueil à cette heure où prie peut-être le roi

Juin
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.365.Très Riches Heures.006

Mai


Cornes cornets et flûtes, aux quatre points cardinaux, sonnez trompettes en désordre

Pignons, échauguettes vers les remparts et les toits de la Cité

Montez votre mai aux étages, ornez de feuilles vos coiffes blanches, mettez des glaïeuls, des rameaux verts aux fenêtres

Est-ce le PRE-AUX-CLERCS ce bois touffu serré où la fête se donne ?

Foule attentionnée autour des dames, de leur livrée de mai vêtues, robes teintes des cristaux de malachite, la verte couleur tendre du printemps

Je dis que c'est le même cheval blanc de parade qu'en août en un miroir

Mai
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.364.Très Riches Heures.005

Avril


Longtemps resteront incertaines

L'arc de deux barques tirant le filet sur l'étang du roi, le cours tranquille de l'ORGE à DOURDAN

Choses qu'un instant l'on crut voir, choses anachro- niques

Des vergers réguliers à la façon de Versailles, la contre-perspective d'une cour de l'époque d'Heian

Propos recueillis d'un historien, choses précisément dites

C'est un jardin clos du moyen âge entouré de treilles tissées de tiges de saules, vergier d'amour, jardinet des simples – l'hortus conclusus vers le ciel grand ouvert

Le paysage à proportion n'est pas… chose naturelle, où sommes-nous ?

Les regards se croisent en ce lieu de verdure, comme un bouquet de fleurs violettes cueillies des jeunes filles

Elle échange avec le Prince, elle qui n'avait que onze ans, yeux baissés l'anneau, et le Duc attendri :

– « Ah qu'il fait bon regarder, la gracieuse bonne et belle ! »

Haute ceinture, sous les seins, resserrée, juste bouclée, manches ouvertes, soit amples, soit lacées, houppelande taillée dans drap de laine et drap d'or, fréquemment fourrés, les satins, les velours figurés

Avril
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.363.Très Riches Heures.004

Mars


Il pleut, berger s'enfuit sur la terre à gauche

Mélusine vole au-dessus du château, annonce-t-elle un malheur à LUSIGNAN ?

La tour de l'Horloge pourtant, la barbacane tient le fond

Précisément peints d'une texture à quatre temps les murs blanchis protègent le quadrille des champs noirs

Et pour chacun des travaux de la terre, la route qui diverge au point d'une montjoie

Le détail de ces vies minuscules absorbe le regard, à qui donc va le gain ?

L'espace a boutonné sa veste de travers

Dix mille tonneaux de Saintonge ou d'Aunis, vins clairs vendus bon an, partiront vers DAMME près de BRUGES

Sur le devant de la scène, un vieillard en cotte fatiguée et surcot blanc – pousse le coutre

Faisant contre-sens la force tranquille, presque une ombre projetée des bœufs

Mars
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.362.Très Riches Heures.003

Février


« Je suis sans couvert et sans lit,
Côtes ne connaissent que pailles
Et lit de paille n'est pas lit,
Et en mon lit n'est fors que pailles. »

S'il les présentent ainsi comme au théâtre, ouverte la maison l'étable et le blanc revers de janvier, à la grièche de l'hiver

C'est qu'intérêt peut-être il porte – aux pauvres gens

Les FRERES ont fait l'esquisse, le peintre est anonyme et n'a pas de vergogne

Que femme trousse un peu sa robe aux claquements du feu, ce n'est pas moquerie

Quatre ruches de paille sommeillent, en ces temps où le miel est précieux

Le toit est percé de la bergerie, tous ils s'entassent sous la neige. Près des fagots je vois une picorée hardie de corbeaux

Voici contre le froid mon conseil : souffle dans tes doigts, abats les arbres, frappe et conduis l'âne, jusqu' au village

« Je suis sanz coutes et sanz liz,
N'a si povre juqu'a Sanliz. »

Février
Les Très Riches Heures
du duc de Berry
(1410-1485)

Grand Cahier.361.Très Riches Heures.002 (Pauvreté Rutebeuf)

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte