Mélopée des villes... (L do D. 3-1)


Mélopée des villes, des chanteurs de rues

Des automobiles et des trains surgis ici, en mon âme, et là-bas aussi bien — Quelle différence cela fait-il l'en-dedans et l'au-dehors — l'essentielle inexistence en moi et hors de moi des choses

L'univers ne tient-il pas tout entier dans l'étroite lucarne de tes yeux, dans le coquillage océanique de tes oreilles

(pulpe et graine sous la dent, fraîche salive des nuits, fumée du vent qui froue dans les fossés)
Sens-tu

Le rythme d'encre au bout de tes doigts

Le rythme accordé de l'être avec le monde, sans avan- ce ni retrait, s'en allant d'un même pas

Le son d'un triangle parfait

Pedro Alves
Largo do Duque de Cadaval - Rossio
(Lisbonne 2018)



Livro do desassossego LdoD 3

Amo, pelas tardes demoradas de Verão, o sossego da cidade baixa, e sobretudo aquele sossego que o contraste acentua na parte que o dia mergulha em mais bulício. A Rua do Arsenal, a Rua da Alfândega, o prolongamento das ruas tristes que se alastram para leste desde que a da Alfândega cessa, toda a linha separada dos cais quedos tudo isso me conforta de tristeza, se me insiro, por essas tardes, na solidão do seu conjunto. Vivo uma era anterior àquela em que vivo; gozo de sentir-me coevo de Cesário Verde, e tenho em mim, não outros versos como os dele, mas a substância igual à dos versos que foram dele. Por ali arrasto, até haver noite, uma sensação de vida parecida com a dessas ruas. De dia elas são cheias de um bulício que não quer dizer nada; de noite são cheias de uma falta de bulício que não quer dizer nada. Eu de dia sou nulo, e de noite sou eu. Não há diferença entre mim e as ruas para o lado da Alfândega, salvo elas serem ruas e eu ser alma, o que pode ser que nada valha, ante o que é a essência das coisas. Há um destino igual, porque é abstracto, para os homens e para as coisas — uma designação igualmente indiferente na álgebra do mistério.

Mas há mais alguma coisa... Nessas horas lentas e vazias, sobe-me da alma à mente uma tristeza de todo o ser, a amargura de tudo ser ao mesmo tempo uma sensação minha e uma coisa externa, que não está em meu poder alterar. Ah, quantas vezes os meus próprios sonhos se me erguem em coisas, não para me substituirem a realidade, mas para se me confessarem seus pares em eu os não querer, em me surgirem de fora, como o eléctrico que dá a volta na curva extrema da rua, ou a voz do apregoador nocturno, de não sei que coisa, que se destaca, toada árabe, como um repuxo súbito, da monotonia do entardecer!
Le livre de l'intranquillité LdoD 3

J'aime, par les longues soirées d’Été, le calme de la ville basse, et par dessus tout, redoublé par contraste, le calme de ces quartiers qui, le jour plonge dans le plus grand des vacarmes. La rue de l'Arsenal, la rue de l'Alfândega, le prolongement des rues tristes qui s'étirent vers l'est au bout de l'Alfândega, le tranquille alignement des quais, tout cela réconforte ma tristesse, si je m'engage et rejoins par ces soirées leur solitude.Je vis alors dans une ère antérieure à celle où je vis et me réjouis de me sentir le contemporain de Cesàrio Verde, et j'ai en moi, non des vers semblables aux siens, mais la substance même de ceux qu'il fit. Et je traine jusqu'à la nuit, avec une sensation de vie pareille à celle de ces rues. Le jour, elles sont remplies d'un vacarme qui ne veut rien dire ; le jour elles sont remplies d'une absence de vacarme qui ne veut rien dire non plus. Le jour, je suis nul, la nuit je suis moi. Il n'y a pas de différence entre moi et les rues du côté de l'Alfândega, sauf qu'elles sont rues, et que je suis âme. et cette différence peut-être ne vaut rien devant ce qu'est l'essence des choses. Hommes et choses ont un égal destin, car il est abstrait – une désignation également indifférente dans l'algèbre du mystère.

Mais il y a autre chose... Au cours de ces heures lentes et vides, me vient à l'esprit montant de l'âme, une tristesse de tout l'être, l'amertume d'être tout en même temps, une sensation mienne et une chose externe, qu'il n'est pas en mon pouvoir de modifier. Ah, que de fois mes propres rêves se sont-ils ainsi dressés, choses devant moi, non pour se substituer à ma réalité, mais pour m'avouer leur ressemblance avec elle ; et moi, les refusant, de moi ils surgissaient vers le dehors, comme ce tramway qui s'éloigne au bout de la rue, ou la voix nocturne du crieur public annonçant, je ne sais quoi, qui se démarque, mélopée arabe, soudainement jaillie dans la monotonie du crépuscule. 


Grand Cahier.632.Alentour de Soares.002.Trois fils.01

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à M.C.



Entre les ronceraies du coteau
Et les cils de la rivière
Ce pommier d’une écorce rude
Où s’attache un gui
Voilà notre vie pleine et nos joies
Ces fruits blancs appendus
Pour une année qui s’achève
Voilà sur le seuil des récoltes
Notre longue patience
Et lié ce vœu
Sous le linteau de la porte